Le non-évènement de Loreto

Pour la presse italienne, 400.000 jeunes qui se rassemblent autour du Saint-Père, cela ne compte presque pas. Analyse d'une situation exemplaire, et qui se reproduira.
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Loreto étant un évènement à portée nationale, se limitant essentiellement à l'Italie, il est presque normal que la presse française l'ait parcimonieusement (et très mal) couvert.
Il en va évidemment tout autrement pour la presse transalpine. Or, elle a relégué la nouvelle très loin dans les pages intérieures, en n'y relevant pour l'essentiel que ce qui a été souligné ici, l'injonction du Saint-Père à prendre soin de la "planète".

Gloria M., du Papa Ratzinger Forum, a déniché dans L'Avvenire (qui est, rappelons le, le quotidien de la CEI, sans équivalent chez nous), précisément dans le courrier des lecteurs, cette lettre d'un prêtre italien accompagnant un groupe de cinq jeunes de sa paroisse.
C'est la voix de "l'Italie d'en bas", ceux qui n'ont jamais la parole, comme on dit maintenant, souvent à tort, mais là, c'est vrai!
Témoignage plus intéressant à lire, à ce titre, que les articles -même les plus favorables- écrits par des journalistes professionnels.
A méditer aussi par nous, français, car il y a beaucoup à parier qu'il se passera exactement la même chose ici quand le Saint-Père viendra à Lourdes en 2008.
Cette mauvaise foi n'est pas occasionnelle, il ne peut donc s'agir d'un hasard, ou d'une maladresse.
On comprend que ces jeunes se soient sentis trahis, et même blessés. Nous les sommes chaque jour, nous aussi, et notre sensibilité en vaut bien d'autres.
Les voies du Seigneur demeurant souvent obscures, il se peut que ce soit une bonne chose pour eux: ces cinq là auront compris.
Mais tous les autres?
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Courrier des lecteurs dans l'Avvenire du 4 septembre, reproduit sur le Papa Ratzinger Forum. ma traduction.



Heureusement, il y a l'Avvenire

La déception de mes jeunes à la lecture de la presse
"En marge" des journaux comme si l'évènement n'avait pas eu lieu

Andrea Vena, curé de Bibione

Je viens tout juste de rentrer de l'Agorà de Loreto. Une expérience splendide.
J'y suis allé avec cinq jeunes de ma paroisse. C'était la première fois pour eux. Ils en sont restés extasiés. Pour l'immense foule de jeunes ; pour le climat de fête et de joie ; pour les milliers de volontaires, jeunes eux aussi; pour les mots du Saint-Père, si exigeants mais si vrais.
Jamais peut-être comme dans cette circonstance ils ne se sont sentis aussi "normaux" dans leur façon de vivre la foi et aussi heureux de faire partie de la grande compagnie des amis de Jésus, l'Église. Même s'il s'agissait de jeunes de quinze et seize ans, ils savent très bien "cueillir" les provocations. Ils ont écouté attentivement les questions de leurs aînés. Puis le Pape, qui a répondu spontanément (a braccio) et avec coeur.
Mais en même temps que les mots, à l'Agorà de Loreto, les gestes aussi parlaient. Et les jeunes s'en sont aperçus. Pas seulement ceux prévus dans le programme des célébrations, mais aussi les gestes familiers, simples: faire publiquement ensemble le signe de croix; demander, et prendre la main de son voisin pour réciter le Notre Père ; s'agenouiller pour la bénédiction... le tout avec spontanéité. Sans crainte ni embarras. Autant d'éléments qui font comprendre pourquoi, à la fin, ils ont eu de la peine de devoir laisser cette Agorà où chacun était heureux de se trouver. Comme chrétien.
Avec cet enthousiasme, nous sommes repartis après avoir reçu un mandat de la part de Benoît XVI. La joie au coeur et le désir fort de répondre à l'invitation du Pape leur demandant de penser en grand masquaient la fatigue du voyage et de la nuit passée en plein air.
Ensuite... Oui, ensuite la radio, dans la voiture. En entendant que, parmi les titres des journaux radio il y avait aussi la nouvelle de l'évènement de Loreto, les jeunes ont tout de suite explosé de joie, s'exclamant : "Nous y étions aussi!".
Mais l'enthousiasme s'est vite refroidi.
Dans la description de l'évènement, le journaliste s'est limité à rapporter que le Pape avait invité les jeunes à avoir le respect de la création et de l'eau.
À cela, les jeunes sont restés interdits. "Mais comment?, ont-ils dit. Oui, c'est vrai, il l'a dit. Mais pas seulement cela. Ne se sont-ils pas aperçus que nous étions nombreux, une multitude, et qu'il n'est rien arrivé de fâcheux? N'ont-ils pas entendu que le Pape nous a invités à avoir du courage, à aller à contre-courant, en trouvant la force dans le Seigneur ? N'ont-ils pas entendu que le Pape nous a dit qu'il nous aime? Qu'il croit en nous? Qu'il est à nos côtés comme un père?".
Arrivés à la maison, nous nous sommes donnés rendez-vous à 15 heures, lundi , pour lire les quotidiens et voir en quels termes ils parlaient de nous. D'abord, nous nous sommes arrêtés sur la première page. A part l'Unità (ndt: l'équivalent de l'Humanité) qui a mis un bref titre, les autres journaux n'ont même pas fait une allusion. Nous avons ensuite commencé à les feuilleter : chaque page qui passait, nous la sentions comme un affront: le Corriere della Sera en page 21, l'Unità en page 9, Il Giornale en page 15, La Reppublica en page 23. Sans parler que certains articles laissaient un goût amer dans la bouche pour la superficialité avec laquelle ils lisaient l'évènement.
Dans un certain sens, les jeunes se sont sentis trahis. Et, honnêtement, moi aussi. L'expérience de Loreto, notre grande aventure de foi et de fête, confinée en périphérie. Et ici sont revenus en mémoire les mots que le Pape a prononcés pendant la veillée : "Là où il y a Christ, il y a tout le centre, il n'y a pas de périphérie".
Et nous nous sommes dits que même si pour les journaux nous apparaissons comme la "périphérie", nous savons que nous sommes au centre de l'attention de Christ et de l'Église. En outre, le traitement que nous ont réservé les journaux, nous a fait comprendre encore mieux les mots que le Pape nous a adressés pendant la Messe : "De combien de messages, qui vous arrivent surtout à travers les mass media, êtes-vous les destinataires!Soyez vigilants! Soyez critiques! Ne suivez pas la vague produite par cette puissante action de persuasion ".
Effectivement dans notre analyse il manquait un journal à l'appel : L'Avvenire. Ils ont appris à le connaître et à l'apprécier cet été... Les jeunes pensaient que je le gardais caché. Mais hier c'était lundi (ndt: L'Avvenire ne paraît pas le lundi).
Jamais peut-être comme maintenant ils n'ont attendu à ce point un journal "ami" qui les respecte.

Une note agréable

Heureusement, tout n'était pas négatif...
Pour terminer sur une note agréable, le Blog de Raffaella reproduit un article écrit par un vaticaniste de la télévision italienne Aldo Maria Valli .
Voilà ce qu'il dit, avant de conclure sur la soirée du 1er septembre, le spectacle artificiel et déplacé (Le Pape 'a braccio', et les jeunes acteurs ), et le contraste entre le visage serein du Pape et le regard hagard de l'acteur qui faisait office d'animateur (ce qui révèle chez lui un vrai courage, ou un vrai enthousiasme, car dans cette circonstance, l'acteur et lui avaient le même employeur!):
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Je sais bien qu'on ne peut pas donner de note au pape, surtout à un pape professeur, mais cette fois-ci, j'ai envie de lui donner un 10/10. A Loreto, le pape a été efficace et doux, incisif et sympathique au sens littéral, car il s'est mis dans la peau des jeunes, serein et attentif... Ses réponses "a braccio" à leurs questions représentent un des moments les plus beaux du Pontificat.
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Le Professeur Ratzinger, bien qu'il se tînt sur une estrade, est métaphoriquement descendu de sa chaire, et semblait presque prendre chacun de ses jeunes sur ses genoux, comme un grand-père attentif.

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Lorsque l'on nous dira que ce pape est glacial, coincé, sans charisme, voilà au moins un argument pour répondre!