Les fautes d'italien du Pape

A propos d'un article sur le blog de Luigi Accattoli
Se convenga correggere il papa che sbaglia

Je ne suis évidemment pas en mesure de percevoir ces fautes (lorsqu'il m'arrive de parler en italien, j'avoue que je ne sais jamais par quelle voyelle va se terminer le mot que j'utilise, et que mes conjugaisons sont assez fantaisistes), et d'ailleurs, si nous ne connaissions pas la rigueur du Saint-Père, ces petites fautes pourraient facilement apparaître comme de simples néologismes volontaires, c'est-à-dire des clins d'oeil, dont nos hommes de média et politiques sont si friands.
Hier, justement, je parlais avec une amie germanophone du style de Benoît. Nous avons convenu de l'extrême pureté (on pourrait dire simplicité) de son langage, qui réussit à dire l'essentiel avec des mots presque toujours accessibles à chacun, et qui n'emploie des mots savants que lorsqu'ils sont nécessaires à son exposé. C'est particulièrement évident lorsqu'on le traduit, comme il m'arrive de le faire, de l'italien en français (et pour traduire des articles de journaux, je puis témoigner que c'est un autre travail!! même si les idées développées sont en général infiniment moins riches). Mon amie prétendait que c'était la même chose en allemand.
A propos de son français, c'est encore autre chose: il s'exprime dans une langue parfaite, académique, sans une faute, avec un léger accent, très doux, un peu chantant. Mais lorsqu'au cours des audiences, il lit le texte de la catéchèse en français, il lui arrive de faire de toutes petites erreurs de prononciation. Il ne doit pas faire ces erreurs lorsqu'il s'exprime spontanément, et la plupart du temps, il se corrige lui-même, mais j'ai remarqué à plusieurs reprises qu'il prononce bapp-tême, ou bapp-tisé, ce que je trouve parfaitement attendrissant.

Le problème de la transcription de ses discours se pose de façon encore plus aigüe lorsqu'il s'agit de traductions. Et là, comme le souligne Luigi Accattoli, cela peut devenir très grave. Je garde encore un souvenir assez précis du discours prononcé à Munich, en septembre 2006. La traduction de KTO (bien que ne parlant pas l'allemand, je connaissais bien l'anecdote de l'ours de Saint-Corbinien) était catastrophique. Cette fois-là, le sujet était anodin, mais qu'en a-t'il été de la traduction de la fameuse "leçon de Ratisbonne", trois jours plus tard?

Faut-il corriger le Pape qui fait une erreur?

"Ce qui aujourd'hui est très moderne sera demain très passé" (Quello che oggi è modernissimo domani è passatissimo) a dit ce matin à l'audience générale le pape Benoît avec une belle faute de langue. "Combien de ce qui aujourd'hui est très moderne, demain sera très vieux" (Quanto è oggi modernissimo, domani sarà vecchissimo) devient cette réplique dans le texte mis en ligne par la Salle de presse du Vatican.
Mais convient-il de corriger le pape qui fait des erreurs de langue? Telle est la question débattue par ceux qui sont chargés des transcriptions. Je me souviens des nombreuses discussions où j'eus à en débattre avec Orazio Petrosillo (ndt: vaticaniste de 'Il Messaggiero', récemment décédé, et ami d'Accattoli): le pape disait quelque chose dans un italien de fantaisie et il voulait le transcrire en langage correct, moi, par contre je voulais le reproduire tel quel. Je suis encore de cet avis. Papa Wojtyla faisait beaucoup d'erreurs de langue et ses improvisations séduisaient aussi pour cette raison, depuis le très heureux "si je me trompe vous me corrigerez" (se mi sbaglio mi corrigerete).
"Le pape déficient mais pas encore tombé vous salue" (Vi saluta il papa deficiente ma non ancora decaduto) dit-il en guise de salut depuis sa fenêtre le 21 novembre 1993.
Papa Ratzinger ne se trompe presque jamais. Ses improvisations peuvent se transcrire telles quelles et sont parfaites, on dirait que les espaces pour les points et les virgules y sont déjà prévus. Mais de temps en temps on sent que l'italien n'est pas sa langue et quelqu'un intervient alors sur le texte enregistré. Je conseillerais de ne pas le faire, à moins qu'il ne s'agisse d'une expression difficile à comprendre, auquel cas je mettrais de toute façon en note ou entre parenthèse le texte réellement prononcé. L'erreur d'aujourd'hui était inoffensive, si tant est qu'il s'agisse d'une erreur. En la laissant telle quelle, il ne pouvait y avoir aucun malentendu, et le discours y gagnait en vivacité.
En évitant de corriger le pape, on éviterait auusi toutes le diatribes qui sont soulevées lorsque la correction n'est pas - ou n'apparaît pas - entièrement innocente, comme c'est arrivé à l'occasion des boutades avec lesquelles Benoît répondit aux journalistes dans l'avion pendant le vol qui, le 9 mai dernier, l'emmenait au Brésil.

L'Eglise attaquée de l'intérieur?
Insupportable censure