Chrétiens en politique

Sur le site Petrus, un intéressant article sur les "cendres" de la démocratie chrétienne.
Il s'ancre dans la réalité politique italienne, mais il pourrait s'appliquer à nous français. A l'engagement des chrétiens en politique, en particulier.
Qui représente la "démocratie chrétienne" en France, aujourd'hui?
A droite, Christine Boutin, François Bayrou? Alors, au vu de leurs propositions, ce sont des faussaires. Lors de la campagne présidentielle, Bayrou avait pris bien soin de dire que sa foi relevait du domaine privé, alors qu'elle aurait dû au contraire le contraindre à faire des choix, et à assumer des positions tranchées, y compris, et surtout, quand elles n'allaient pas dans le sens du consensus.
Et à gauche, contrairement à ce qui se passe en Italie, où le premier ministre se revendique malgré tout du catholicisme et communie publiquement.... personne, manifestement!

Les modérés du centre.

Ainsi est-il habituel d'appeler les composantes catholiques des deux Pôles et aiment-ils eux-mêmes se définir. En vérité, dans le soi-disant centre, confluent tous ceux qui ne se reconnaissent pas pleinement dans les positions les plus marquées des différentes formations. Sur ces fils, neveux et petits-neveux de la diaspora post-démocrate-chrétienne et des partis laïques du centre, pèsent, à tort ou à raison, les pires accusations : de l'opportunisme politique à l'incapacité de programmation politique... jusqu'au gaspillage et à la corruption: tout cela, dans un esprit de dilettantisme envers les exigences réelles du Pays...
Tout n'est pas faux dans ces accusations. L'Italie a tenu debout pendant cinquante ans, grâce à un parti modéré d'inspiration chrétienne. Cette sorte de "position dominante", démocratiquement concédée par le suffrage et le système électoral de type proportionnel, a laissé proliférer des déviances politiques, allant même jusqu'à être passibles de poursuites pénales.
Le "démocrate chrétien" a été déclassé en simple "démo-chrétien" pour ensuite devenir un substantif ou un adjectif à connotation péjorative avec laquelle, dans un langage argotique, on se réfère à des personnes, ou des actions politiques, caractérisés par l'ambiguïté.. (voir des expressions du type : "celui-là est vraiment un démocrate-chrétien", "logique démocrate-chrétienne", et cetera).
Oublieux du principe selon lequel c'est seulement au tribunal de l'Histoire que revient le droit de définir les justes clés d'interprétation pour juger des faits et des personnes, beaucoup ont poursuivi en justice et ont condamné cette gestion de la Res Publica impliquant les principes éthiques et religieux et les bonnes initiatives qui sont dans la nature constitutive de la Démocratie Chrétienne.
Si bien que, au nom du pire transformisme, une bonne partie des accusateurs, déjà militants dans les rangs des démocrate-chrétiens, ont trouvé dans la "modération" la meilleure manière de se sortir d'un encombrant passé. La récente mode de changer le nom des choses en important souvent des termes et des locutions étrangers à la culture politique italienne, a sanctionné un tel emploi.
Un catholique ne peut être que modéré.
Si par modéré on entend un démocrate doué de bon sens, on espère qu'au moins ceux qui siègent sur les bancs du parlement sont pourvus de cette caractéristique essentielle. Si, par contre, un modéré est celui qui sur chaque thème, argument, question a une position parfaitement équidistante entre les deux pôles, cela est humainement impossible : toute décision, aussi modérée qu'elle puisse être, comporte toujours un choix et donc un "choisir entre" des options différentes. Selon cette thèse, un modéré serait quelqu'un qui ne choisit jamais. Donc pas un modéré, mais un incapable. Si, finalement, par modéré on doit comprendre quelqu'un qui cherche à servir de médiateur entre des positions opposées, qui cherche le dialogue, qui "concerte" (pivot non écrit du système constitutionnel et de la dialectique politique, comme exprimé dans la Constitution républicaine), le terme est acceptable sous réserve. La médiation, tout comme la modération, sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes pour un chrétien engagé en politique. Dans chaque débat, il existe un instant précis où le chrétien doit décider. Dans cet instant précis, il a devant lui seulement sa conscience et sa foi: lui et le Seigneur. Comme le rappellait le bon Don Camillo dans la transposition cinématographique de la grande oeuvre de Guareschi: dans le secret de l'urne, Dieu vous voit, pas Staline! Le principe est applicable aussi aux leaders de notre libre et démocrate Italie de l'An de grâce 2007. Peu sont, en vérité, les matières "indifférentes" du point de vue moral: de la loi financière aux mesures sur la criminalité, de la loi électorale aux règlements sur famille et le droit à la vie, le chrétien se trouve devant des décisions qui interpellent sa conscience d'homme, plus encore que de citoyen et de représentant politique.
Le centre est souvent associé à quelque chose comme le "trou noir" de la politique : ce "marécage" qui, de la Révolution Française jusqu'à nos jours, a représenté pour certains régimes les sables mouvants de l'agonie politique, pour d'autres l'acquiescement à l'aide de l'étranger.
Il est donc temps de regarder vers ces figures qui ont imprimé leur pensée dans la parole et dans l'action...
La pensée court vers un Père de la Patrie libéréee et renée du collapsus du système libéral, de l'écroulement du fascisme et du climat de guerre civile, de vengeance et de désespoir : Alcide De Gasperi. Il y a presque un siècle, le jeune activiste catholique du Trentin encore sous la domination des Habsbourg, confiait à ses collaborateurs que "ce même christianisme qui justifie et inspire notre action sociale impose pendant toute notre activité un devoir sacré, et revient constamment à la périphérie de nos actions publiques... la plus grande contribution que peut donner le christianisme à la solution de la question sociale est la régénération de l'individu, son affranchissement de la domination de la matière et de l'intérêt egoïste". Beaucoup plus tard, déjà Président du Conseil et protagoniste de la reconstruction, il enrichissait son programme de vie avec des mots toujours valides, à tous les niveaux : "Être civilement et socialement chrétien implique un double devoir : ne pas scandaliser les pauvres, ne pas scandaliser qui a le sens de la dignité humaine et de la justice sociale ".

Site Petrus, Mauro Bontempi

Gasperi

Il est question, dans l'article, d'Alcide de Gasperi, un homme politique italien, qui fut, après la seconde guerre mondiale, fondateur de la Démocratie Chrétienne, et aussi un des pères de l'Europe, dans une conception sans doute très éloignée de l'institution que nous connaissons, c'est-à-dire d'une bureaucratie supra-nationale qui refuse de mentionner ses racines chrétiennes..
Voir ici: fr.wikipedia.org/wiki/Alcide_De_Gasperi

Un livre publié en France, intitulé "L'Europe, ses fondements hier et demain" (éditions Saint-Augustin), rassemblait des discours et conférences prononcés par le Cardinal Ratzinger sur ce thème, et parmi eux, le discours du 5 juin 2004, au cimetière de La Combe, à Caen, pour le 60ème anniversaire du débarquement.
Il y évoque la figure de Gasperi, et les principes de la Démocratie Chrétienne (pages 137 et suivantes)

Joseph Ratzinger parle des pères de l'Europe

"Si la politique de la réconciliation a triomphé,cela est dû au mérite de toute une génération d'hommes politiques : rappelons-nous les noms de Adenauer, Schumann, De Gasperi, De Gaulle. C'étaient des personnes intelligentes, capables d'objectivité, douées d'un sain réalisme politique. Mais ce réalisme s'enracinait dans le solide terrain de l'ethos (sic) chrétien, qu'ils reconnaissaient comme l'ethos de la raison. Ethos d'une raison éclairée et rendue plus fine. Ils savaient bien que la politique ne pouvait être pur pragmatisme, mais qu'elle comportait une dimension morale : la politique vise la justice et, avec elle, la paix. L'ordre politique et même le pouvoir doivent reconnaître pour origine les critères fondamentaux du droit. Mais si l'essence de la politique est de rendre le pouvoir moral ainsi que l'ordre qui a pour source les principes du droit, alors tout repose sur une donnée éthique fondamentale. Mais d'où proviennent les critères essentiels de la justice? Où pouvons-nous les trouver? Pour ces hommes, il était évident que les Dix Commandements constituent le point de référence fondamentale pour la justice, valable à toutes les époques; ils avaient relu, approfondi, réinterprété cette référence à la lumière du message chrétien. Le rôle historique de la foi chrétienne dans le retour de l'Europe à la vie est incontestable. C'est le grand mérite du christianisme, non seulement d'avoir donné naissance à l'Europe après le déclin de l'Empire gréco-romain et après la période des invasions barbares. Et la renaissance de l'Europe, après la Seconde Guerre mondiale, s'enracine également dans le christianisme, et donc dans la responsabilité de l'homme devant Dieu ".