L'enseignement catholique "libre"

En France, l'Ecole dite "catholique libre" n'a plus de "catholique" que le nom - et de "libre"... encore moins. Un peu comme feue la RDA, République Démocratique, qui n'était ni une république, ni démocratique.
Pour la majorité des parents, c'est pourtant le seul moyen d'échapper à la carte scolaire. Et c'est tout. Sur le plan sociétal, c'est peut-être beaucoup. Mais sur le plan catholique (attention, je ne dis ni "religieux", ni "moral", ne tenant pas à initier une polémique inutile) , ce n'est rien. D'autant plus que les professeurs qui y enseignent ne sont en général guère plus "catholiques" que leurs collègues de l'enseignement public (c'est-à-dire très peu, ils éprouveraient même de la honte à dire qu'ils le sont). Quand ce ne sont pas les mêmes, qui arrondissent leurs fins de mois en faisant des heures supplémentaires: je n'invente rien, hélas.

Aujourd'hui, mon amie Sylvie m'envoie une alerte sur un billet du blog de Patrice de Plunkett, intitulé: Malaise pédagogique dans l'école catholique ? Un témoignage parmi d'autres
ll doit y avoir le feu à la maison, pour que Patrice de Plunkett, qui manie d'habitude une langue plus châtiée, se soit permis d'écrire: "Les parents sont aujourd’hui tenus pour des c…, y compris dans l'enseignement catholique. Et ils partent avec un plus gros handicap s'ils sont chrétiens".

Le témoignage qu'il rapporte, et ceux de ses lecteurs, ne m'apprennent rien que je ne sache déjà depuis longtemps. Ils seraient même drôles, dignes de figurer dans un recueil de "perles", s'ils ne concernaient un sujet aussi grave. Comme celui-là (on jugera que c'est à peu près équivalent à ce j'ai rapporté ici (à propos de Guy Mocquet):
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La professeur d'histoire s'est lancée dans une explication totalement polémique sur ce qu'elle disait être l'action de Benoît XVI en comparant avec... l'affaire Galilée ! Occasion de se rendre compte qu'elle n'avait pas lu une ligne de Benoit XVI et qu'elle croyait que Galilée avait été en prison et torturé, ce qui est inouï de la part d'une enseignante d'histoire.
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La coïncidence entre ce billet et la publication d'un document officiel du Vatican sur l'Ecole catholique m'a paru un signe. J'ai donc traduit l'article du site Petrus .
Tout au plus peut-on en regretter une langue et une rédaction que je trouve assez confuses, même en aérant la mise en page -ce qui s'explique sans doute par l'extrême densité du sujet. C'est loin d'être du 'Benoît XVI', et c'est dommage, car le texte y perd un peu de sa force
Heureusement, l'instruction est très claire sur un point:

Les écoles catholiques doivent choisir leurs enseignants exclusivement parmi des personnes croyantes ....
"... le projet de l'école catholique n'est convaincant que s'il est réalisé par des personnes profondement motivées, car témoins d'une rencontre vivante avec le Christ" , qui "se reconnaissent dans l'adhésion personnelle et communautaire à l'Évangile " à qui il est demandé d'être des "témoins de Jésus-Christ et de manifester que la vie chrétienne est porteuse de lumière et de sens pour tous".

Un important document du Vatican

... sur l'École catholique
Source: Petrus, ma traduction
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La qualité d'une école catholique dépend aussi en grande partie de la qualité de la relation qu'elle est en mesure d'instaurer avec les familles qui l'ont choisie librement pour l'éducation de leurs enfants. C'est ce qu'affirme un document de la Congrégation du Vatican pour l'Éducation Catholique, qui vient d'être publié.
"Une telle relation -explique le texte - se traduit par une pleine participation des parents à la vie de la communauté éducative, non seulement en raison de leur responsabilité primordiale dans l'éducation de leurs enfants, mais aussi en vertu du partage de l'identité et du projet qui caractérisent l'école catholique et qu'ils doivent connaître et partager, avec une grande disponibilité intérieure".

"La communauté éducative - souligne le texte - détermine l'espace décisif de collaboration entre école et famille dans le projet éducatif, le fait connaître et l'aide à se réaliser dans un esprit de communion, au moyen de la contribution de tous, dans la distinction des responsabilités, des rôles et des compétences".
"Aux parents, il revient en particulier - selon l'instruction du Vatican - le rôle d'enrichir la communion autour de ce projet, en rendant vivant et explicite le climat familial qui doit caractériser la communauté d'éducation. Pour cette raison, l'école catholique, tout en accueillant volontiers la collaboration des parents, considère comme un élément essentiel de sa mission un service organique de formation permanente offert aux familles, pour les soutenir dans leur devoir éducatif et pour promouvoir une cohérence toujours plus étroite entre les valeurs proposées par l'école et celles proposés en famille ".
Selon la Congrégation pour l'Éducation Catholique, "les associations et les groupes d'inspiration chrétienne, qui rassemblent les parents des écoles catholiques (en Italie l'AGESCI) représentent une passerelle supplémentaire entre la communauté éducative et la réalité environnante : de telles associations et groupes - explique le document - peuvent renforcer le lien de réciprocité entre école et société, en maintenant la communauté éducative ouverte vers la plus ample communauté sociale et, en même temps, en accomplissant une action propre à sensibiliser la société et ses institutions à la présence et à l'action accomplie par l'école catholique dans le territoire ".

Les écoles catholiques (250.000 dans le monde, avec 42 millions d'élèves) doivent choisir leurs enseignants exclusivement parmi des personnes croyantes et bien préparées professionnellement. Le Saint-Siège, dans ce même document, le demande expressément.
"Une des qualités fondamentales de l'éducateur de l'école catholique - explique le texte - est la possession d'une solide formation professionnelle: la qualité insuffisante de l'enseignement, dû à l'insuffisante préparation professionnelle ou à l'inadéquation des méthodes pédagogiques, se répercute inévitablement aux dépens de l'efficacité de la formation intégrale proposée, et du témoignage culturel que l'éducateur doit offrir ".
Selon la Congrégation pour l'Éducation Catholique, cependant, "le projet de l'école catholique n'est convaincant que s'il est réalisé par des personnes profondement motivées, car témoins d'une rencontre vivante avec le Christ" et qui "se reconnaissent dans l'adhésion personnelle et communautaire à l'Évangile ".
La mission de l'école catholique, en effet, "exige la conscience qu'une responsabilité incontournable dans la création de l'authentique mode de vie chrétien revient aux éducateurs, comme personnes et comme communauté".
C'est-à-dire qu'il leur est demandé d'être des "témoins de Jésus-Christ et de manifester que la vie chrétienne est porteuse de lumière et de sens pour tous".
En même temps, "la contribution particulière que les éducateurs laïques peuvent apporter au chemin de la formation, découle en fait de leur nature séculière : en vivant leur foi dans les conditions ordinaires de la famille et de la société, elles peuvent aider la communauté éducative tout entière à distinguer avec plus de précision les valeurs évangeliques et les contre-valeurs que les signes des temps renferment".
Dans cette optique, donc, "le seul soin de la formation professionnelle au sens strict, n'est pas suffisant", et il faut promouvoir "le mûrissement d'une sensibilité particulière".
Le document reconnaît que dans la réalité de beaucoup d'écoles catholiques, une sélection rigide des enseignants sur la base de la cohérence de leur vie serait une entreprise plutôt ardue: que faire, par exemple, si un enseignant divorce? La direction devra-t'elle enquêter pour savoir s'il est en faute, et avec qui il vivra après le divorce?

"La réalisation d'une vraie communauté éducative, construite sur la base de valeurs partagées des projets, représente pour l'école catholique un devoir impérieux à réaliser", explique le texte. Du reste, dans beaucoup de cas, il y a des "élèves, et aussi des enseignants, provenants de contextes culturels et religieux différents". Et, plus que des règles rigides, ceci "demande un engagement de discernement et d'accompagnement accru". En tout cas, affirme l'instruction vaticane, "l'élaboration d'un projet partagé devient un appel dont il faut tenir compte, qui doit pousser l'école catholique à se définir comme lieu d'expérience ecclésiale. Sa force de "connexion" et ses potentialités relationnelles dérivent d'un cadre de valeurs et d'une communion de vie enracinés dans l'appartenance même au Christ et dans la reconnaissance des valeurs évangeliques, considérées comme règles d'éducation, motivation et but final du parcours scolaire ".
En ce qui concerne l'enseignant , "certes son degré de participation pourra être modulé en fonction de son histoire personnelle, mais ceci exige des éducateurs la disponibilité pour un engagement de formation et auto-formation permanentes, en relation avec un choix de valeurs culturelles et de vie, à rendre présent dans la communauté éducative".
Reste cependant comme point central que la mission de l'école catholique doit être vécue "dans un contexte ecclésial d'une communauté constituée de personnes consacrées et de fidèles laïques, assumant un sens particulier et manifestant une richesse qui faut savoir reconnaître et valoriser".

A cette fin, aux éducateurs catholiques, il est nécessaire "même et, surtout, la formation du coeur : il faut les conduire - conclut l'instruction - à cette rencontre avec Dieu dans le Christ, qui suscite en eux l'amour et ouvre leur esprit à l'autre ", de manière à faire de leur engagement éducatif une conséquence de leur foi qui devient opérante dans l'amour. En fait, le soin de l'instruction est aussi amour : seulement de cette façon, ils pourront porter leur enseignement à être une école de foi, c'est-à-dire une transmission de l'Évangile, ainsi qu'il est demandé au projet éducatif de l'école catholique ".

Charte de l'enseignement catholique en France...

C'est le moment de lire ceci: Il est question de la charte pour l'enseignement catholique que vient de publier l'évêque d'Avignon, Mgr Cattenoz, qu'on pourrait situer rapidement en disant qu'il est l'une des bêtes noires de Golias.
(source: La Croix)
"Recentrer l'enseignement catholique"
Mgr Jean-Pierre Cattenoz, l'archevêque d'Avignon, vient d'élaborer une charte de l'enseignement catholique pour son diocèse
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Mgr Jean-Pierre Cattenoz fait une rentrée scolaire remarquée. Dans une charte diocésaine de l’enseignement catholique, promulguée ad experimentum pour trois ans et rendue publique en juin dernier, l’archevêque d’Avignon énonce la vision de l’enseignement catholique qu’il entend promouvoir dans son diocèse. Une vision qui veut replacer « le Christ au centre » des écoles catholiques.

Dans un état des lieux sévère, Mgr Cattenoz dénonce ce qu’il appelle des «références sans vrai lien avec la foi chrétienne», un «humanitarisme bon teint» qui, selon lui, serait le lot de nombreux projets pédagogiques. «Adhérant sans réserve, par paresse ou pusillanimité, à une modernité largement marxisée dans son fond comme dans sa forme, l’enseignement catholique est incapable d’appréhender la postmodernité qui se construit et ne peut ainsi comprendre la place qui est offerte à une vraie pédagogie chrétienne», juge l’évêque.

Contre ce qu’il nomme une « dénaturation ou édulcoration du caractère propre de nos établissements catholiques » et un « abus des valeurs de solidarité et d’ouverture à tous », il préconise une proposition d’éducation à la foi, passant par « une remise en cause radicale de nos conditionnements ».
Que les enseignants soient partie prenante du projet

Concrètement, Mgr Cattenoz se déclare opposé à ce qu’il nomme une «“catéchèse dispersée” dans quelques recoins de l’emploi du temps» et demande aux établissements de proposer «une “catéchèse intégrale”, fondée sur la tradition des Pères de l’Église et le Catéchisme de l’Église catholique».

Pour mettre en œuvre ce projet, l’évêque demande que « l’ensemble des enseignants soit partie prenante du projet ou accepte de ne pas rester dans l’établissement ». Selon la même logique, il plaide en faveur d’une sélection des élèves strictement conditionnée à leur acceptation « de participer au cours de première évangélisation ou de catéchèse », « à la vie spirituelle et au projet éducatif des établissements, à l’exception de la vie sacramentelle ».

Cette charte diocésaine de l’enseignement catholique d’Avignon arrive au moment où l’ensemble des évêques de France va réfléchir en commun sur l’enseignement catholique, sur la base d’un travail lancé en novembre dernier par un groupe présidé par Mgr Éric Aumonier, évêque de Versailles, chargé de ce dossier au sein du Conseil de l’épiscopat pour la pastorale des enfants et des jeunes (lire La Croix du 9 novembre 2005).

Consultés par La Croix sur l’initiative personnelle de Mgr Cattenoz, ni la Conférence des évêques de France, ni Mgr Aumonier, ni l’enseignement catholique n’ont souhaité réagir. L’ensemble des évêques doit en effet travailler sur la question de la place de l’enseignement catholique « dans l’Église et dans la société » lors de l’assemblée plénière des évêques qui se tiendra à Lourdes en novembre prochain.

Elodie MAUROT

(1) La charte a été officiellement diffusée auprès des professionnels de l’enseignement catholique. Elle devrait être mise à la disposition d’un plus large public courant novembre, éventuellement modifiée, a indiqué le service de communication de l’évêché.
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Sur ce sujet, lire aussi sur le site Liberté Politique l'article suivant: «Recentrer l’enseignement catholique sur le Christ» : le choc de la charte d’Avignon