Ne lisez pas (ou plus) Paris-Match

Dans la presse française, on ne parle pratiquement JAMAIS de lui.
Et voilà ce que, pour UNE fois, le magazine du "poids des mots" trouve à dire du chef spirituel d'un milliard de catholiques.


Les gros titres de Caroline Pigozzi   ... il y en a qui ne craignent pas le ridicule. 


"Le poids des mots, le choc des photos. "
Slogan inventé par un publiciste astucieux pour décrire une institution de la presse française.
Pour les photos, je ne sais pas, mais pour les mots, on serait tenté de croire que "Paris-Match" est au bord du dépôt de bilan, pour en être réduit à utiliser les services de Caroline Pigozzi, l'auteur(e!!!) de l'article de 7 pages consacré au Pape dans son numéro du 6 décembre.
Lisant un peu la presse étrangère, je suis frappée, par comparaison, par la nullité absolue du contenu.

« La divine providence était enfin avec moi ! Dès le surlendemain de l'élection du 265-ème successeur de Saint Pierre, le 19 avril 2005, je m'étais naturellement juré que le pape Benoît XVI occuperait une place importante dans notre magazine. Puisque Sa Sainteté Jean-Paul II s'était si souvent prêté à nos reportages, dans ma logique implacable, je pensais qu'il serait facile de suivre son successeur à l'intérieur du Vatican. J'avais juste oublié que les voies du Seigneur sont impénétrables et que le Saint-Siège reste le lieu le plus inaccessible et secret de la planète. »

Ces quelques lignes, entre lieu commun, dérision et auto-célébration, donnent une idée assez juste de la suite.
L'unique raison de l'article est apparemment, que son auteur vient de publier un livre, et que la meilleure façon d'en assurer la promotion est de se rappeler au bon souvenir des lecteurs, qui doivent l'avoir bien oubliée depuis qu'elle s'était intitulée sans crainte du ridicule "biographe de Jean-Paul II"!
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Avec l'application d'une écolière plus habituée à recopier ses exposés sur les autres qu'à faire ses propres recherches, CP se livre à une description laborieuse des journées du Saint-Père issue tout droit des films sur ce sujet réalisés par la RAI et la télévision bavaroise, ceux que chacun a pu voir.. Il faut croire que c'était trop pour elle, elle ne les a même pas regardés en entier, et son reportage qui se veut coloré n'est que truffé d'anecdotes sans intérêt (car ce qui passe très bien à l'image est insupportable dans un texte) et surtout de grossières erreurs.

Evidemment, seule la toute petite minorité qui s'intéresse à l'actualité du Vatican va relever ces erreurs, mais ce n'est pas à eux que l'article s'adresse.

Pour les banalités, on y apprend par exemple qu"'après le petit-déjeuner, le Saint-Père se retire dans son vaste bureau, où sur la large table très bien rangée il y a juste quelques objets", puis que "l'après-midi, il fait un somme sur un large fauteuil avant d'endosser sa cape rouge et d'aller, pendant une petite heure se dégourdir les jambes dans les jardins du Vatican" (pas très pratique, une cape rouge d'apparât, pour se promener dans un jardin, elle devrait essayer!). N'oublions pas, car c'est d'un intérêt primordial, qu'il a fait poser des patins anti-dérapants à ses semelles de cuir!
Tiens, moi aussi! Simplement pour éviter l'usure.

Le style est plat, négligé, digne d'une rédaction médiocre d'un élève de troisième, à se demander si le texte a même été relu.
"Parfois le cardinal allemand Karl Lehmann (??? elle confond sûrement!)... ont parfois la joie de partager la table frugale du Souverain Pontife".

Même les photos choisies pour illustrer le reportage, celles que les habitués de ce site ont pu voir partout, sont parmi les moins belles que l'on puisse trouver, celles qui veulent accréditer l'idée du luxe et du decorum; sur la plus grande, la silhouette du Saint-Père est coupée au milieu de la page. A noter, sur l'une d'entre elles, on voit le Pape à son bureau, cadré de tel façon qu'on sait que la photo a été prise lors d'une visite officielle, et qu'il fait face à un chef d'état ou de gouvernement, peut-être à un évêque... Or, la photo suggère que l'interlocuteur est, ce jour-là, la Pigozzi en personne!
Le lecteur est censé se dire "bigre...!"

Suivent des insinuations malveillantes, et même à la limite de la méchanceté, sur l'âge et la santé du Pape, et les aménagements spéciaux que cela nécessiterait dans ses appartements privés, avec cette conclusion lumineuse tenant davantage de la brève de comptoir que du scoop: "même en bonne santé, le Saint-Père a l'âge de ses artères.."!
Bien vu! Mais c'est aussi l'aveu que les insinuations précédentes n'étaient que des mensonges.

Seul détail qui pourrait être vrai dans ce fatras de lieus communs et d'inepties:
"Ainsi que j'ai pu le constater en me rendant deux soirs de suite, place Saint-Pierre, la semaine dernière, la lumière de la deuxième fenêtre d'angle du 3e étage ne brille plus après 23 heures"..
Autant avouer qu'elle est restée dehors, et que la seule activité qui justifierait le titre de "reportage" de son article est d'avoir été se promener la nuit Place Saint-Pierre. Beaucoup de gens ont pu faire la même chose (même moi!... mais au moins, j'ai fait quelques photos), sans pour autant avoir l'"honneur" (???) d'un article dans Paris-Match.

Pour donner du crédit à ses prétentions de "spécialiste", Caroline Pigozzi a quand même lu les couvertures des encycliques. Ouf, nous sommes rassurés, elle sait déchiffrer les gros caractères, et compter jusqu'à 295. Ce qui l'autorise à en offrir un commentaire appréciable... pour sa concision:
"Il a également publié deux encycliques, «Dieu est amour » en janvier 2006, où il aborde ce thème dans ses différentes dimensions et, ce 30 novembre, «Sauvés par l'Espérance », une méditation sur l'espérance chrétienne (on l'aurait parié, ndr). C'est la 295e encyclique d'un pape. Jean-Paul II, pour sa part, en avait produit quatorze!"
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Et voici -enfin- la conclusion. Si je ne savais le Saint-Père si gentil, si bienveillant, et si la scène rapportée s'est réellement déroulée comme elle le dit, ce dont il est permis de douter, je serais tentée de croire qu'il s'est un tout petit peu moqué d'elle:

« Ainsi après l'avoir suivi de façon privilégiée, ayant l'honneur d'être reçue par lui à la fin du reportage, alors que je lui avais fait porter auparavant mon dernier livre qui sort cette semaine chez le même éditeur que lui, et qu'il évoquait avec moi chaleureusement le sujet, j'osais lui avouer qu'il m'entraînait à faire un péché d'orgueil. « Mais non, me répondit-il de sa voix douce me prenant les mains, cela prouve juste que vous êtes un écrivain sérieux. » Ce matin du 29 novembre, l'émotion était très forte. J'osais néanmoins lui indiquer que nous allions publier ce reportage cette semaine. Il me regarda alors avec autant de calme que de bonté et me dit serein: « Cela n'est pas urgent. Ici, le temps n'a pas pour nous la même signification, il y a deux mille ans que nous fonctionnons ainsi. »
En quittant ces lieux aussi imposants que silencieux, où seuls raisonnent les pas rythmés des dignes gardes suisses, j'avais soudain eu l'impression de commencer à comprendre quelle était la clé du successeur de saint Pierre. »

On m'objectera que Paris-Match est un journal "généraliste", qui s'adresse au "grand-public" -quel mépris, d'ailleurs, ce qualificatif contient pour les lecteurs.
Il est facile de répondre que cela n'autorise pas à raconter n'importe quoi, surtout lorsqu'on n'a que les mots "déontologie", et "liberté de la presse" à la bouche.
Même en restant dans le registre de la vulgarisation, et sans forcément tomber dans le panégyrique, on peut faire quelque chose d'honnête et d'intéressant.

C'est justement parce que ce journal est très regardé (à défaut d'être très lu, ou très acheté), qu'il peut faire beaucoup de mal, et pas seulement en transmettant d'insidieux messages pseudo-moralisants dans les "tunnels gris" qui entrecoupent ses pages de pub.

Et bien sûr, cela pose des questions légitimes sur la fiabilité de TOUS les autres articles publiés dans ce journal (pour ce numéro: Rachida Dati, Ingrid Bettancourt, etc.).
Dommage que leurs auteurs ne me liront (probablement) pas.

Récidiviste

Voir aussi ces articles (décidément, elle bégaie):

21 septembre 2006
16 février 2006

Au fait, selon Paris-Match, on ne peut même pas savoir comment s'orthographie son nom, entre Piggozzi et Pigozzi.
C'est beau, d'être célèbre.