Quand Joseph Ratzinger lisait les graffiti

Luigi Accattoli aime bien lire les graffiti, sur les murs romains. Il en reproduit régulièrement sur son blog, et les analyse avec une indulgence amusée.
Il lui a plu de relever des propos prononcés il y a plus de 20 ans par le cardinal Ratzinger. Preuve, s'il en était besoin, que notre Pape, alors considéré comme le "grand inquisiteur", a toujours témoigné d'une grande humanité, d'un grand intérêt pour le monde qui l'entourait. Et aussi, comme Luigi Accattoli lui-même, de beaucoup d'humour.

Article original en italien: Quando Ratzinger cercava le scritte sui muri.
Ma traduction



"Pendant mes promenades à travers l'ancienne Rome, mes yeux ne sont pas seulement frappés par les traces du passé, par ce que recherchent avant tout les touristes. Sur les murs des maisons, je lis les différents slogans qui, tantôt écrits seulement à la craie, tantôt au vernis, reflètent l'esprit du temps. Les événements du football y jouent un rôle important et s'élèvent quelquefois à la sphère poétique, comme lorsque le championnat remporté par l'équipe de Rome provoque cette exclamation : 'Rome, tu es comme le premier amour', ou bien, lorsqu'avec une tendresse encore plus délicate, il est écrit : 'Merci, Rome!'.
Plus fréquents et éloquents sont les slogans politiques. Dans l'étroit Borgo Pio tout près de chez moi, je lis : 'le vrai socialisme est l'anarchie!'. Un peu plus loin, cette exclamation insolente : 'Baader vit!' [Andreas Baader, terroriste allemand à la tête de l'organisation révolutionnaire paramilitaire Fraction de l'armée rouge, suicidé en prison en 1977, ndr].
Au premier tournant, je trouve cette sentence : 'L'anarchie est la liberté dans l'égalité'. Cela résonne de façon presque inoffensive, quand, au prochain tournant, dans la rue adjacente, les gouvernants sont définis comme des voleurs à cause de l'augmentation continuelle des prix.
Le sérieux redevient féroce deux pas plus loin avec les mots : 'Ni Christ ni Marx - lutte populaire'. Le mur d'en face commente, 'Il est beau de lutter, même si l'on meurt'. Il ne faut certainement pas surestimer ces gribouillis dont le pathos se perd souvent dans les mots et est simple imitation. Pourtant, ce n'est pas entièrement dépourvu d'intérêt
".
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Telle est l'introduction d'une conférence tenue le 24 avril 1984, à Munich, par le cardinal Joseph Ratzinger à l'ouverture d'un congrès sur le thème "l'héritage européen et son futur chrétien".

Rome, aussi loin que je me rappelle -j'y vis depuis 1966, avec peu d'interruptions - a toujours été pleine de graffiti. Je trouve sympathique et symptomatique l'idée que le cardinal Ratzinger aimait à les lire pendant ses calmes promenades, et y trouvait quelque signe de l'"ésprit du temps". Il me plaît avoir découvert cette nouvelle expression de sa curiosité pour le monde et les gens qui l'habitent.

Notre Pape -ou celui qu'il était alors- voit dans cette forme d'expression (?) un signe des temps.
Moi aussi, je m'intéresse aux graffiti, à défaut de les aimer.
La dernière fois que j'étais à Rome, en avril 2006, j'en ai fait de nombreuses photos, comme témoignage, et aussi, je l'avoue, comme concession à l'air du temps. L'esthétisme de la laideur, si l'on veut.
Le problème est qu'il n'est désormais plus possible de "lire" la majeure partie des inscriptions. Signe des temps, encore cette fois?



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