Joseph Ratzinger dans "Pelures d'oignons"



Le livre de mémoires de Günter Grass (l'auteur du "Tambour") n'était pas encore sorti en France qu'il avait déjà obtenu un joli succès de scandale. Il vient d'être traduit sous le titre "Pelures d'oignons":
Voici la fiche du livre, telle qu'elle figure sur le site Alapage.com


 

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Dans Pelures d'oignon, Günter Grass, Prix Nobel de littérature 1999, 80 ans le 16 octobre 2007, se souvient. Le récit couvre la période allant de 1939 - l'entrée en guerre et la perte de l'innocence - à 1959 - année où Günter Grass devient une figure publique avec la publication du Tambour. C'est celle de sa jeunesse, celle qui contient les éléments les plus marquants de son autobiographie et la genèse de son oeuvre. En révélant qu'il avait servi dans les Waffen SS, Günter Grass a suscité en Allemagne une tempête médiatique et de violentes attaques.
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Je n'en parlerais pas ici, si, dans un très bref passage, Günter Grass ne relatait sa rencontre, au printemps 1945, avec celui qui devait devenir Benoît XVI, alors que tous deux avaient été faits prisonniers par les américains.
Est-elle fantasmée, ou réelle, difficile à dire, en tout cas, elle paraît plus suggérée que vécue et l'image du jeune Joseph qui transparaît à travers ces lignes - dont l'auteur avoue qu'elle ne lui sort pas de la tête - est très impressionnante (il ne faut pas oublier qu'ils avaient tous deux dix-huit ans).

Une fois -c'était encore au camp de Bad Aibling- trois cigarettes de la marque Camel me rapportèrent un sachet de cumin que je mâchais en souvenir du porc avec chou au cumin, une recette du maître disparu.
En j'en donnai au compagnon avec qui j'étais accroupi sous une toile de tente, par une pluie continuelle, et jouai peut-être notre avenir aux trois dés.
Il est là, il s'appelle Joseph, il me parle -d'une voix impertubablement faible, douce, même- et il ne me sort pas de la tête.
Je voulais être ceci, il voulait être cela.
Je disais qu'il y avait plusieurs vérités.
Il disait qu'il n'y en avait qu'une.
Je disais que je ne croyais plus à rien.
Il empilait les dogmes l'un sur l'autre.
Je m'écriais "Joseph, tu veux sans doute devenir grand inquisiteur, ou même mieux que cela".

Il sortait toujours quelques points de plus, et, en jetant, citait Saint-Augustin, comme s'il avait eu sous les yeux ses confessions latines.

Ainsi jetions-nous les dés jour après jour, jusqu'à ce jour où, comme il était chez lui en Bavière, il fut libéré, tandis que, sans domicile fixe, je passai d'abord à l'épouillage, puis dans un camp de travail.

(Pelures d'oignons, page 182)