Le Brésil, six mois après



Du 9 au 14 mai 2007, le Saint-Père a effectué un voyage au Brésil.
Ce fut magnifique, pour ceux (très rares, en France!) qui, comme moi, avaient eu la chance de pouvoir suivre l'évènement en direct à la télévision... Les images de la rencontre à la ferme de l'espoir, puis de la messe à Aparecida, sont gravées dans ma mémoire.
Les media, au moins français, emmenés par "Le Monde", et misant sur l'ignorance ou l'indifférence de "l'opinion", ont fait leurs titres, d'abord sur un prétendu fiasco, insistant sur la "froideur" du pape, puis finalement, démentis par les faits, sur un "tollé" qu'auraient soulevé des propos pourtant parfaitement clairs et respectueux sur l'évangélisation des indiens d'Amérique.

Il serait donc juste, six mois après, de dresser le bilan du voyage. Il ne faut pas compter sur la grande presse pour le faire, dès lors qu'il est nettement favorable au Pape.

Voici donc le témoignage de deux évêques brésiliens, tels qu'ils sont reproduits sur le Blog de Raffaella.
Changeons "Aparecida" en "Lourdes", et nous saurons exactement ce qui se dira avant, et ce qui résultera après, de la visite du Saint-Père en France.

Brésil: La parole aux évêques

Tout est reparti d'Aparecida
Renato Farina
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Avec la visite du Pape, c'est un Pays tout entier qui a recommencé à compter avec le Christ.
Et voilà les conséquences, selon Giancarlo Petrini et Filippo Santoro

"La visite de Benoît XVI au Brésil, et surtout à Notre-Dame de la Conception à Aparecida, en mai dernier, fut un évènement qui a mis devant les yeux de la population et des évêques deux ou trois choses décisives.
Des choses qui sont déjà dans le titre, que le Pape a choisi pour cette rencontre et pour l'Assemblée générale des évêques latino-américains : "Disciples et missionaires de Jésus Christ". A la source de tout, il y a une attraction, le Christ attire les personnes et les peuples avec sa beauté et son humanité exceptionnelles et l'Aparecida est la Vierge, icône de l'Église qui accueille et qui est mère, lieu d'expérience de l'amour ".

Celui qui s'exprime ainsi est monsignor Giancarlo Petrini, vicaire général de San Salvador de Bahia. Auprès de lui, confirmant ses propos, il y a l'évêque de Pétropolis, monsignor Filippo Santoro. L'occasion de ce dialogue est l'Assemblée Internationale des Responsables de Communion et Libération à La Thuile.

- Comment était la situation avant l'arrivée du Pape ? Comment le Pape a-t'il "placé" son discours ? Ici, on dit : l'Église catholique a mis de côté la théologie de la libération qui subordonnait la foi au marxisme, mais elle est emportée par les sectes.

- Petrini : Le plus grand journal brésilien, A Folha de Sao Paolo, a commandé un sondage, immédiatement après la visite du Pape. Ceux qui se déclarent catholiques représentent 74% des 180 millions de brésiliens. Entre 1991 et 2001, ils étaient passés du 83 à 73% : cela semblait un processus irréversible. A présent, même les journaux qui regardent l'Église avec méfiance, l'admettent : il s'est passé quelque chose. L'Église a recommencé à parler de Jésus-Christ. Papa Ratzinger l'a fait et il nous y pousse. C'est la grande nouveauté.

- Santoro : Le Pape est venu au Brésil et il nous a dit : "L'Église grandit par attraction". Je lis son discours : "L'Église se sent disciple et missionaire de cet Amour : missionaire seulement en tant que disciple, c'est-à-dire capable de se laisser toujours attirer avec un émerveillement renouvelé devant Dieu, qui nous a aimés et nous aime en premier. L'Église ne fait pas de prosélytisme. Elle se développe plutôt par "attraction" : comme le Christ "attirait tout le monde à lui" avec la force de son amour, ayant culminé dans le sacrifice de la Croix, ainsi l'Église accomplit sa mission".
Et c'est très beau parce que plus tard, ce discours a été répété constamment pendant la Vème Conférence des évêques, qui s'est déroulée du 13 au 30 mai. Le Pape a donné le "la" : "L'Église croît par attraction". Cette idée commence à l'emporter. D'une part, il y a le moralisme un peu ranci qui vient des générations passées. Mais de l'autre côté il est désormais possible de parler de la fascination de Jésus-Christ, de l'attraction pour une vie chrétienne remplie de beauté, de sens, qui répond aux exigences du coeur de chaque homme.

- Petrini : Cette attitude était auparavant considérée comme étant réservée à un groupe restreint. Qui parlait de la fascination de Jésus-Christ ? Seulement quelques mouvements. Peut-être même seulement un. Maintenant cela commence à devenir une thématique de toute l'Église...Nous connaissons l'Aparecida essentiellement par une chanson. C'est une chanson où un homme demande à être regardé par la Sainte-Vierge.

- Santoro : La visite du Pape a été le réveil de ce regard. Il l'avait en lui, et il l'a montré, vivant aujourd'hui dans la Madonne. Les cinq jours de la rencontre avec Benoît XVI ont été intégralement cette expérience de paternité vécue.
Le Saint-Père avait été présenté encore comme un défenseur rigide de l'orthodoxie, fermé, doctrinaire, bourru. Tous les rencontres, par contre, ont montré l'amabilité du Successeur de Saint-Pierre, la facilité de la rencontre, la simplicité du dialogue, particulièrement dans la rencontre avec les jeunes, spécialement avec ceux de la communauté de toxicomanes Fazenda d'Esperança de Guarantinguetà.
Tout le monde a vu commment ce Pape a embrassé les enfants, réconforté les drogués, a été vers les gens, écartant le service d'ordre pour aller à la rencontre des jeunes ex-toxicomanes. Tous ces instants ont donné au grand public l'image d'une cordialité, d'une bonté, de quelqu'un qui vient embrasser les gens.
Il est clair qu'il y a eu aussi des interventions doctrinaires précises, surtout dans la rencontre du Pape avec les évêques du Brésil dans le cathédrale de Sao Polo. C'est-à-dire des rencontres qui définissaient des points précis de référence. Mais cela était aussi un aspect de l'"attrait de Christ".

- A présent, quels sont les dangers que le Pape a identifiés dans la vie de la communauté chrétienne ? A l'inverse, quelle a été sa proposition pour valoriser ce qui existe ?

- Petrini : Le Pape n'a pas considéré la question des nouvelles dénominations religieuses ("secte" ne doit pas être employé, c'est péjoratif) comme étant le sujet le plus important.
La question la plus grave est le sécularisme, l'éloignement de la présence du Mystère dans la vie quotidienne. Là réside le "point d'attaque". Dans le pastorale des paroisses et de beaucoup de diocèses au Brésil, mais peut-être que cela vaut partout, il y a d'un coté une vague qui insiste encore sur l'engagement social, en cachant la dimension du rapport avec le Mystère, en le séparant de la dimension profondément religieuse. Et il y a un autre versant qui insiste sur le rapport avec le Mystère, sur l'expérience de la foi comme fait purement émotionnel. Le grand mérite du Pape est qu'il ait réussi à faire vibrer le coeur, à susciter l'émotion par la facilité du contact humain et de l'"abbraccio" dans une extraordinaire clarté de jugement.

- Santoro : Le point central a été l'expérience de la Madonna d'Aparecida. L'intuition du Pape d'y rassembler les évêques, en présence de la Mère de Dieu, en signe du Mystère très proche, proche des plus pauvres... Tous les évêques ont vu qu'il y a encore un peuple chrétien plein de foi. Le peuple chrétien qui embrasse les évêques. Rien qui puisse se comparer à la soi-disant Église populaire, basée sur l'idéologie, pour laquelle, selon la théologie de la libération le pauvre est le sujet qui transforme l'histoire. La Conférence d'Aparecida a dit, en suivant Benoît, que le sujet qui transforme l'histoire est l'homme de Foi. Qu'il soit pauvre ou qu'il soit riche - la grande majorité sont pauvres -, cependant c'est l'expérience de la Foi. La beauté de la Foi.

La synthèse d'Aparecida en deux formules : la joie d'être des disciples et l'allégresse de l'annoncer à tous.

© Copyright Tracce, ottobre 2007