Nicolas Sarkozy, pas si catholique

En odeur de sainteté auprès des cathos, Sarkozy ?
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Le chef de l’Etat, qui rencontre aujourd’hui Benoît XVI au Vatican, avant d’être fait chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran, ne perd en tout cas pas une occasion de souligner sa foi : «Je suis de culture catholique, de tradition catholique, de confession catholique. Même si ma pratique religieuse est épisodique, je me reconnais comme membre de l’Eglise catholique», écrit-il dans son livre paru en novembre 2004 (1).

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Evidence. En janvier dernier, Sarkozy a effectué son premier déplacement de candidat à la présidentielle au Mont-Saint-Michel. Tout sauf un hasard. Si ce «haut lieu de l’occident chrétien» le touche, il était aussi à l’évidence venu y chercher une sorte de grâce divine pour sa bataille à venir. Il a d’ailleurs confié avoir «pensé à Dieu» lors de la prise d’otages à la maternelle de Neuilly où il négocia directement avec «human bomb». L’homme du Fouquet’s, des yachts de milliardaires et des villas grand luxe aime également s’entretenir avec les religieux de toutes confessions. «Comme beaucoup de suractifs, il est fasciné par la vie monastique, raconte Philippe Verdin, moine dominicain qui a réalisé le livre d’entretiens cité plus haut. Quand il était ministre de l’Intérieur et qu’il avait un peu plus de temps, il adorait faire un saut dans une abbaye».

Son élection, le chef de l’Etat sait qu’il la doit notamment aux catholiques qui ont plus voté pour lui que la moyenne des Français. Depuis qu’il est à la tête de l’Etat, il multiplie les appels du pied en direction de l’épiscopat français, en qui il voit un allié naturel. «A l’Elysée, on m’a dit texto : "Les évêques peuvent nous demander ce qu’ils veulent"», rapporte le père Philippe Verdin. Signe de la place qu’accorde Sarkozy aux catholiques, son entourage en compte de nombreux. De Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, à François Fillon, en passant par Christine Boutin, ministre du Logement ou Xavier Darcos, ministre de l’Education.

Le 13 décembre, Sarkozy s’est rendu à l’Archevêché de Paris pour une réception en l’honneur d’André Vingt-Trois, tout nouveau président de la Conférence des évêques de France, récemment ordonné cardinal par le pape Benoît XVI. A cette occasion, il a répété qu’il n’y avait à ses yeux aucune contradiction entre «ceux qui portent la foi» («celui qui croit c’est celui qui espère», dit-il) et les valeurs républicaines. Et comme il l’avait martelé durant sa campagne pour illustrer «l’identité nationale» de la France, il a ressorti l’image du «long manteau d’églises et de cathédrales qui recouvre notre pays». Une manière pour lui d’affirmer que «la France est majoritairement catholique chrétienne» mais pas seulement, puisqu’«il y a ceux qui ne croient pas ou qui vivent d’autres religions».

Pour autant, le chef de l’Etat a-t-il conquis le cœur des catholiques? A priori, le Pape a bien accueilli son élection. «Benoît XVI a été très touché que Nicolas Sarkozy lui écrive une semaine après avoir été élu, rapporte Philippe Verdin. Il est très content aussi qu’il se rende au Vatican dans les six premiers mois de son mandat, alors que Jacques Chirac avait mis trois ans pour le faire». Aux yeux du Vatican, ce dernier péchait par un trop grand respect de la laïcité. «Contrairement à Chirac, qui avait montré sa réticence à propos des "racines chrétiennes de l’Europe" [l’Union européenne avait envisagé de faire figurer cette formule dans le préambule de la future constitution avant d’y renoncer, ndlr], Sarkozy n’a aucune réticence à les évoquer», souligne Gérard Leclerc, éditorialiste à l’hebdomadaire de droite France catholique.«(Il) estime que le rapport entre les autorités religieuses et l’Etat doit désormais se présenter de façon assez différente du style de laïcité à la française, analyse Christian Terras, directeur de la revue «catholique critique» Golias. Il se rapproche davantage d’une vision américaine du rapport entre Eglise et Etat, tolérant davantage d’interférences et une prise en compte assez large des «communautés», et non de la pure citoyenneté, avec les risques inhérents de favoriser un communautarisme aux antipodes de la vision française de l’intégration républicaine».

Désaccord. A ses tentatives de séduction, des évêques opposent une réserve prudente. L’un d’entre eux, qui dirige un diocèse de la banlieue parisienne, affiche une franche antipathie pour le chef de l’Etat, la «pipolisation» de la vie politique qu’il incarne, sa façon de se mettre sans cesse en scène, son côté nouveau riche, «sa manière ignoble de parler des banlieues comme de réserves». L’épiscopat craint également de ne pas être entendu sur un certain nombre de dossiers. Alors que les questions bioéthiques, et notamment la recherche sur l’embryon sont un casus belli pour beaucoup de catholiques, les options de Sarkozy sur le sujet sont jugées floues. Autre motif de désaccord, les lois successives sur l’immigration. En octobre, la conférence des évêques de France a vivement reproché au texte de Brice Hortefeux de faire une différence entre «bons et mauvais migrants». Elle s’est également prononcée contre la disposition soumettant les étrangers souhaitant entrer en France dans le cadre du regroupement familial à des tests ADN. Ces critiques ont embarrassé le chef de l’Etat, mais ne l’ont pas empêché de faire voter sa loi. Sarkozy gouverne avec l’œil braqué sur les sondages et il sait que les catholiques d’aujourd’hui sont majoritairement à droite, et parfois beaucoup plus que leur hiérarchie.

(1) «La République, les religions, l’espérance» (Ed. du Cerf), 2004.

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