Une journée au Vatican



Une journée de Nicolas Sarkozy au Vatican
La Croix, Isabelle de Gaulmyn
Reçu jeudi 20 décembre en audience par Benoît XVI, le président de la République a été installé dans l'après-midi comme chanoine d'honneur du Latran. Nicolas Sarkozy a affirmé que «la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d'affirmer ce qu'ils sont»
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Jeudi 20 décembre, pour le président de la République française, Benoît XVI avait mis une étole sur sa mozette rouge. Un symbole liturgique réservé aux personnalités de pays catholiques.
C’est donc un chef d’État catholique qu’il accueillait, et c’est bien comme président de la « Fille aînée de l’Église » qu’au pas de course, Nicolas Sarkozy a passé toute cette journée au cœur de l’Église universelle, assumant pleinement, comme il l’a assuré dans son discours du Latran quelques heures plus tard, « le passé de la France et ce lien particulier qui a si longtemps uni notre nation à l’Église ».

Entretien en tête-à-tête avec le pape
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Visiblement ému, le président français entre à 11 heures dans la bibliothèque du pape, pour un entretien privé de près d’une demi-heure. Entretien en français, que Benoît XVI manie parfaitement, comme le chef de l’État lui en a fait la remarque. Son hôte semblait d’ailleurs prendre plaisir à s’entretenir dans cette langue, tout comme il a ensuite apprécié les deux livres de Georges Bernanos offerts par Nicolas Sarkozy, La Joie, et L’Imposture.
Dans l’entourage du pape, quelqu’un, surpris, remarque que, dans la délégation officielle qui entoure le président, ne se trouve aucun ministre… En revanche, le président a amené avec lui un comique, Jean-Marie Bigard, qui se dit catholique pratiquant, deux prêtres, le P. Guy Gilbert, qui pour l’occasion a troqué le blouson de cuir pour une veste – mais les « santiags » sont bien là – et un dominicain, le P. Philippe Verdin. Dans la délégation encore, Max Gallo, de l’Académie française.
Lors de l’entretien en tête-à-tête, Nicolas Sarkozy a parlé avec Benoît XVI de sa prochaine visite en France, et de la laïcité, sur laquelle il est revenu longuement dans son discours de l’après-midi. Ensuite, avec le secrétaire d’État, le cardinal Tarcisio Bertone, accompagné de Mgr Dominique Mamberti, le « ministre des affaires étrangères » du pape, un Français, le président évoquait les dossiers internationaux : avenir de l’Europe, Moyen-Orient, Afrique et, selon le communiqué, « le drame des otages ».

Sarkozy a défendu l’héritage catholique de son pays
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Seconde étape, la basilique Saint-Pierre, sous les objectifs ravis des touristes, un coup d’œil à la Pietà de Michel-Ange, une minute de silence devant la tombe de Jean-Paul II, et ensuite descente vers la tombe de saint Pierre. Visite rapide : Nicolas Sarkozy file vers l’ambassade de France près le Saint-Siège pour un entretien avec Radio Vatican et l’Osservatore Romano.
Quatrième étape : à 16 heures, reçu par le cortège des chanoines de la basilique Saint-Jean-de-Latran, Nicolas Sarkozy prend officiellement possession de sa stalle de premier et unique chanoine d’honneur du Latran, lors d’une brève cérémonie présidée par le cardinal Camillo Ruini, vicaire de Rome. « Ce n’est pas attenter à la légitime laïcité de la République française que de prier pour elle », lui dit celui-ci en français.
Dernier acte, une grosse demi-heure plus tard : le discours de Nicolas Sarkozy, dans la splendide salle du palais du Latran, devant ce que la communauté française de Rome compte de religieux, religieuses et personnes travaillant pour l’Église. Un discours ample, une manière de sceller cette journée romaine un peu particulière, et qui veut visiblement marquer une nouvelle étape dans les relations entre la France et la religion catholique.
Jamais sans doute un chef de l’État français n’avait aussi vigoureusement défendu l’héritage catholique de son pays, rappelant une longue histoire, sans en oublier les ombres : il surprend en parlant de la « souffrance » provoquée par la mise en œuvre de la loi de 1905.

Le président s’offre le luxe de citer la dernière encyclique
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Cette forme de « repentance » ira sans aucun doute au cœur de la mémoire de bien des catholiques, tout comme la reconnaissance que, parfois, la laïcité a été appliquée comme une tentative de nier le passé. De là, le président peut développer sa conception de la « laïcité positive », une laïcité dans un pays pluraliste, qui reconnaît le rôle des religions non seulement dans la vie privée, mais dans la vie publique.
Enfin, le président s’offre le luxe de citer la dernière encyclique du pape sur l’espérance, expliquant que toutes les grandes idéologies du siècle passé, comme les biens matériels de la croissance économique, « n’ont pas été en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à l’existence »
Ce qui lui permet de conclure par un vibrant éloge de la vocation religieuse, qu’il compare de manière assez étonnante, à la vocation politique : « On n’est pas prêtre à moitié, dit-il, croyez bien qu’on n’est pas non plus président à moitié. »
Et le président, qui, au regard de cette journée-marathon ne l’est effectivement pas « à moitié », de glisser entre ses invités pour filer vers le Quirinal. Un autre palais, mais républicain celui-là, où l’attend le chef de l’État italien.