Confession d'un cardinal (IV)

"Déseuropéiser" l'Eglise

L'Occident, et l'Europe en particulier, sont d'ailleurs l'objet d'une hostilité tenace, pour ne pas dire pire, qui n'est pas sans rappeler celle des alter-mondialistes:

"L'Eglise se dit universelle, qu'elle le soit vraiment, et qu'elle ose laisser de côté certains vêtements occidentaux encombrants hérités du passé. Son Chef, le Christ, proclamait qi'Il n'était venu pas venu pour les bien-portants, mais pour les malades"... (page 360)
Autrement dit, l'Europe des européens "moyens", dont je crois personnellement faire partie, peut crever! L'Europe dont la religion catholique est malgé tout un poumon, et que "le déclin et l'absence de la foi comme force marquante précipiteraient vraiment dans les abîmes", selon le mot du Cardinal Ratzinger ("Le sel de la terre", page 219). L'Europe pourtant bien malade, elle aussi. L'Europe en train de "prendre congé d'elle-même", avec l'aide active de ces zélateurs d'une sorte d' "alter-mondialisme" dont ils se réclament ouvertement!

"Tournons-nous maintenant du côté des sociétés occidentales. Ces sociétés anciennement chrétiennes se sont éloignées de l'Église. Elles ont une très petite connaissance de leur héritage religieux et l'idée même de Dieu leur devient étrangère. Je ne cherche plus à établir les causes de cette désertification religieuse [..] je me contente de constater que, malgré un souvenir chrétien, ces sociétés occidentales ne sont plus chrétiennes. Hormis une vague mémoire de leurs origines, leur situation religieuse à l'égard du christianisme n'est pas très éloignée de celle des pays qui n'ont jamais été chrétiens. Du coup, je ne prends pas un grand risque en jugeant qu'elles ont le même besoin que les sociétés qui n'ont jamais été chrétiennes ...: elles ont besoin que leur soient redonnées des preuves de la tendresse de Dieu... En d'autres termes, je crois que nous autres chrétiens avons la mission de manifester aux membres de ces sociétés occidentales la tendresse de Dieu avant même de pouvoir les enseigner, ou les réenseigner..." (page 350)
Il s'agit ici de dissoudre la spécificité du message chrétien dans une sorte de fourre-tout humanitaire, autour d'une tendresse abstraite, où il aurait vite fait de disparaître complétement.

On comprend pourquoi l'élection d'un Pape européen, allemand par surcroît, a été une catastrophe pour certains. On comprend également, pour s'en inquiéter, la menace implicite que contient le reproche souvent fait au Saint-Père d'être "eurocentrique", encore récemment, avec le pélerinage en Autriche, puis les nominations des nouveaux cardinaux.

Je note cependant le souci de se dédouaner du soupçon de schisme, en l'attaquant de biais: "Benoît XVI est un homme de coeur et de grande intelligence. La conjonction de ces deux qualités va lui permettre d'élargir progressivement, mais considérablement, sa vue de l'Église".
Bien sûr! Cela s'appelle prendre ses désirs pour des réalités. Ou bien une manière d'intimidation. Et après toute une vie consacrée à Dieu et à son Eglise, comme s'il les avait attendus!

En guise de conclusion, voici une partie du 'manifeste' en question.
On m'objectera que tout cela semble animé de bons, d'excellents sentiments: on y parle même de la tendresse de Dieu; ou encore qu'il s'agit des élucubrations de rêveurs innoffensifs: mais a-t'on déjà vu des révolutionnaires annoncer qu'ils allaient déclencher des catastrophes, en voulant faire le bonheur de peuples?
Une autre objection à tout cela, mais elle est de taille. Les récentes tentatives de l'homme pour changer le monde, souvent inspirées des plus nobles motifs, se sont terminées assez rapidement par des échecs dramatiques, et même dans un bain de sang.
Alors que l'Eglise, elle, dure depuis 2.000 ans!


-> Manifeste pour une autre Eglise

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