Spe Salvi, second volet d'un tryptique?

C'est le premier article de John Allen, après la Conférence de presse de présentation de l'encyclique.

Il n'est pas indifférent de répéter que l'encyclique sociale n'est pas une priorité du pape, et qu'elle ne sera de toutes façons pas aussi intensément personnelle.
D'une certaine façon, on peut dire qu'avec ce texte, Benoît XVI a "court-circuité" l'appareil de la Curie. C'est une information que je crois très intéressante, et dont il faudra tenir compte lorque l'encyclique tant attendue par l'univers médiatique, sera enfin publiée!

Article original en anglais ici:
Benedict XVI offers the second in a possible triptych of encyclicals: 'Saved by Hope'

La traduction est un travail d'équipe, pour lequel j'ai mis à contribution ma fille, Anne-C laire (merci!)...

Benoît XVI propose le deuxième volet d'un éventuel triptyque d'encycliques: "Sauvés par l'espérance '
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Le Pape Benoît XVI a publié aujourd'hui ce qui pourrait éventuellement être la deuxième partie d'un triptyque d'encycliques sur les "vertus théologales" de foi, d'espérance et d'amour, sous la forme de Spe Salvi, ou "sauvés par l'espérance". La référence est la Lettre de Saint-Paul aux Romains 8:24, "car dans l'espérance, nous avons été sauvés."

Seule la véritable compréhension de l'espérance chrétienne, selon Benoît, peut sauver le monde de la puissance destructrice de l'idéologie et des impossibles attentes messianiques de la politique.

La première encyclique de Benoît, publiée en décembre 2005, s'intitulait Deus Caritas Est, ou "Dieu est amour". Les vertus théologales sont énumérées, à nouveau par Paul, dans la lettre aux Corinthiens: "Ainsi, la foi, l'espérance et l'amour demeurent, ces trois-là, mais la plus grande d'entre elles est l'amour. "

"Nous avons besoin du plus grand espoir, et du moindre espoir qui nous permette d'aller de l'avant jour après jour", écrit Benoît dans Spe Salvi, publiée aujourd'hui par le Vatican. "Mais cela ne suffit pas, sans un grand espoir, qui doit dépasser tout le reste. " Ce grand espoir ne peut être que Dieu. "

Ce point conduit Benoît à mettre l'accent sur ce qui est apparu comme la préoccupation centrale de son pontificat: la volonté de se concentrer sur le coeur de l'identité catholique, et sur les traits spirituels distinctifs du message que l'Eglise a à offrir au monde.

"Une auto-critique de la modernité, en dialogue avec le Christianisme et sa prise de conscience de l'espérance est nécessaire," écrit Benoît. "Dans un tel dialogue, les chrétiens aussi, dans le cadre de leur conscience et de leur expérience, doivent apprendre à nouveau en quoi leur espérance consiste véritablement, ce qu'ils ont à offrir au monde, et ce qu'au contraire, ils ne peuvent pas offrir. L'auto-évaluation critique de la modernité doit aussi conduire à une auto-évaluation critique de la chrétienté moderne, qui doit toujours apprendre à nouveau à se connaître au travers de ses propres racines ".

S'exprimant ce matin lors d'une conférence de presse au Vatican, le cardinal Georges Cottier, dominicain et ex-théologien de la Maison Pontificale sous le pape Jean-Paul II, explique que l'encyclique fait valoir que la vertu de l'espérance est "déterminante pour la culture et d'un humanisme authentique. "

Cottier dit que l'encyclique montre également combien l'espérance chrétienne n'est pas une "fuite du monde", mais plutôt une force qui pousse les chrétiens à un service actif aux autres et au monde.

Au cours de la conférence de presse de ce matin, les écrans de télévision montraient des images du pape en train de signer la nouvelle encyclique.

Tout au long de l'encyclique, Benoît tisse des thèmes familiers pour ceux qui connaissent sa pensée. À maintes reprises, par exemple, il insiste sur le fait que les affirmations de la foi chrétienne n'imposent pas de limites à la liberté de l'homme ou au libre exercice de la raison, mais au contraire amènent la liberté et la raison à leur accomplissement ultime. Il renvoie également, une fois de plus à ce qu'il décrit comme "l'erreur fondamentale" du marxisme, qui place son espoir exclusivement dans le matérialisme.

Benoît a voulu que cette encyclique paraisse dans la période de Noël, car Noël est la grande fête de l'Incarnation, traditionnellement considérée comme le principal symbole de l'espérance chrétienne. Samedi, l'Eglise entre dans la période de l'Avent, annonciatrice de Noël.

Avec Spe Salvi, Benoît consolide son profil de "pape de l'essentiel" - déterminé à mettre l'accent sur les principes fondamentaux de la foi chrétienne.

Les premiers indices donnent à penser que Spe Salvi peut parvenir à atteindre un large éventail de catholiques; le mouvement réformiste allemand "Wir Sind Kirche", par exemple, l'un des plus durement critiques vis-à-vis de Joseph Ratzinger au fil des ans, a même publié une déclaration qualifiant l'encyclique d'"impressionnante et encourageante."

En outre, l'accent mis sur l'amour et l'espoir dans ses deux premières encycliques sert aussi les intentions oecuméniques du Pape, car historiquement, les chrétiens n'ont pas été divisée sur ces deux vertus. Les discussions sur la compréhensions de la foi, en revanche, ont été beaucoup plus explosives.

La fête de Saint-André est aussi la fête patronale du patriarche de Constantinople, offrant une autre dimension œcuménique. Cottier a dit ce matin que le texte pourrait être un "document d'unité" pour les différentes confessions chrétiennes. Cottier a également noté que dans l'encyclique, Benoît cite de manière approbative le savant bibliste protestant Helmut Koester.

Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a déclaré ce matin dans une conférence de presse à Rome que l'encyclique est "absolument et personnellement" un travail de Benoît XVI. En fait, selon Lombardi, les conseillers du Pape ont travaillé à une autre encyclique sur des thèmes sociaux, et ont été "surpris" lorsque Benoît a choisi de mener ce projet à bien en premier, en l'écrivant presque exclusivement de sa propre main au cours de la période de Pâques et de son séjour estival à Castel Gandolfo.

Lombardi a déclaré que les travaux sur l'encyclique sociale vont se poursuivre.

Dans le texte de “Sauver par l’espérance”, Benoît cite une série de saints récents et de héros catholiques, qui va de Mère Joséphine Bakhita à l’inoubliable Cardinal Nguyen Van Thuan, le défunt prélat vietnamien qui passa 13 ans dans une prison communiste et écrivit un livre, « Prières d’espérance » sur cette expérience.

Benoît revient aussi en détail sur divers passages bibliques relatifs à l’espérance. Entre autres choses, il s’attaque à la question très débattue de la signification du terme grec « Hypostasis » dans les épîtres aux Hébreux (Heb.11), qui dit « la foi est la substance des choses que l’on espère ». Benoît soutient que cette « substance » n’est pas, comme le suggère Luther, simplement une impression subjective inhérente au croyant, mais plutôt une réalité objective reposant sur la vérité de la foi chrétienne.
Benoît rejette également une intérprétation individualiste de l’espérance, affirmant que l’espérance chrétienne tend au salut communautaire conduisant le croyant « en dehors de la prison du Moi ».

Dans des passages ultérieurs, l’encyclique évoque des thèmes théologiques classiques comme le problème du mal, du Jugement Dernier, de l’Enfer et du purgatoire.

Si “Sauver par l’Espérance” est avant tout une réflexion spirituelle, cela ne signifie par pour autant qu’elle manque d’implications doctrinales et politiques. Au point culminant de la bataille au sein du catholicisme sur la théologie de la libération dans les années 80, par exemple, Benoît XVI, alors Cardinal Ratzinger, affirmait que les tendances modernes à rejeter les formes surnaturelles de l’espérance conduisaient à chercher des solutions messianiques auprès du monde laïque de la politique, ce qui ouvre la porte à l’extrémisme.

Dans son livre d’entretiens de 1985, Entretiens sur la foi, par exemple, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi mettait en garde contre une réduction de l’espérance à un simple histoire terre à terre, où seuls le Corps et le Pain, et non plus l’Ame et le Nom de Dieu, sont reconnus au premier rang.
Ratzinger a également lié l’espérance à ce qu’il considère comme l’importance de la continuité avec le passé et un fort sentiment d’idendité catholique.
“Rejeter le passé n’apporte pas l’espérance: cela détruit les fondations émotionnelles”, écrivait-il dans « Vivre sa foi : méditations pour chaque jour de l’année »: « c’est seulement une personne qui a des souvenirs qui peut espérer ».

La large audience délibérément recherchée par Spe Salvi ne signifie pas que le premier accueil ait été uniformément positif. Le communiqué du mouvement « Wir Sind Kirche », par exemple, pose 3 questions critiques sur l’encyclique:

- pourquoi ne s’appuie-t-elle pas plus sur la Joie et l’Espérance, la Constitution Pastorale Gaudium et Spes « sur l'Église dans le monde de ce temps » issue du IIe concile œcuménique du Vatican, qui a longtemps été une sorte de feuille de route pour l’aile réformiste du Catholicisme ?
- pourquoi le pape ne demande-t-il pas aux structures et systèmes disciplinaires actuels de l’église d’encourager réellement un climat d’espérance ?
- Cette encyclique engendrera-t-elle un réelle espoir de progrès vers une réunion œcuménique ?

Commentaire sur l'Encyclique Spe Salvi
Impossible dialogue théologique avec l'Islam