Théologie et poésie

Nous avons constaté à de multiples reprises à quel point le Saint-Père se raconte, à travers ses catéchèses sur les Pères de l'Eglise. A quel point aussi il sait utiliser une langue imagée et poétique pour transmettre les vérités de la foi.
C'était encore le cas le 28 novembre, dans son récit de la vie de Saint-Ephrem, dont la particularité fut de faire " de la théologie sous une forme poétique. La poésie lui permet d'approfondir la réflexion."
Il a un peu levé pour nous le voile sur ses goûts raffinés, son côté esthète, et surtout sa grande sensibilité.
Une façon d'en finir avec la sempiternelle comparaison entre Jean-Paul II, le Pape-poète (donc sensible, artiste), et Benoît XVI, le Pape-théologien (donc rigoureux et froid). Il est les deux, en fait, car les deux se complètent.

Observons, enfin, que le professeur n'est pas très loin du théologien-poète, il nous offre un commentaire de texte inspiré pour expliquer les difficiles images de la poésie d'Ephrem, qui donnerait envie de devenir l'un de ses élèves.

Extrait de la catéchèse, traduction Zenit

Saint Ephrem nous a laissé un grand héritage théologique.
Il s'agit d'un auteur riche et intéressant sous de nombreux aspects, mais en particulier sous le profil théologique. Si nous voulons aborder sa doctrine, nous devons insister dès le début sur ceci : sur le fait qu'il fait de la théologie sous une forme poétique. La poésie lui permet d'approfondir la réflexion théologique à travers des paradoxes et des images. Dans le même temps sa théologie devient liturgie, devient musique : en effet, c'était un grand compositeur, un musicien.
Théologie, réflexion sur la foi, poésie, chant, louange de Dieu vont de pair ; et c'est précisément dans ce caractère liturgique qu'apparaît avec limpidité dans la théologie d'Ephrem la vérité divine. Dans sa recherche de Dieu, dans sa façon de faire de la théologie, il suit le chemin du paradoxe et du symbole. Il privilégie largement les images contrastantes, car elles lui servent à souligner le mystère de Dieu.

Je ne peux pas présenter beaucoup de choses de lui maintenant, notamment parce que la poésie est difficilement traduisible, mais pour donner au moins une idée de sa théologie poétique, je voudrais citer en partie deux hymnes.
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Tout d'abord, ... en vue du prochain Avent, je vous propose plusieurs images splendides tirées des hymnes Sur la nativité du Christ. Devant la Vierge, Ephrem manifeste son émerveillement avec un ton inspiré :

Hymne sur la Nativité

« Le Seigneur vint en elle
pour se faire serviteur.
Le Verbe vint en elle
pour se taire dans son sein.
La foudre vint en elle
pour ne faire aucun bruit.
Le pasteur vint en elle
et voici l'Agneau né, qui pleure sans bruit.
Car le sein de Marie
a renversé les rôles :
Celui qui créa toutes choses
est entré en possession de celles-ci, mais pauvre.
Le Très-Haut vint en Elle (Marie),
mais il y entra humble.
La splendeur vint en elle,
mais revêtue de vêtements humbles.
Celui qui dispense toutes choses
connut la faim.
Celui qui étanche la soif de chacun
connut la soif.
Nu et dépouillé il naquit d'elle,
lui qui revêt (de beauté) toutes choses»

(Hymne De Nativitate 11, 6-8)

Pour parler de l'Eucharistie, Ephrem se sert de deux images : la braise ou le charbon ardent, et la perle. Le thème de la braise est tiré du prophète Isaïe (cf. 6, 6). C'est l'image du séraphin, qui prend la braise avec les pinces, et effleure simplement les lèvres du prophète pour les purifier ; le chrétien, en revanche, touche et consume la Braise, qui est le Christ lui-même :

La braise

« Dans ton pain se cache l'Esprit
qui ne peut être consommé ;
dans ton vin se trouve le feu qui ne peut être bu.
L'Esprit dans ton pain, le feu dans ton vin :
voilà une merveille accueillie par nos lèvres.
Le séraphin ne pouvait pas approcher ses doigts de la braise,
qui ne fut approchée que de la bouche d'Isaïe ;
les doigts ne l'ont pas prise, les lèvres ne l'ont pas avalée ;
mais à nous, le Seigneur a permis de faire les deux choses.
Le feu descendit avec colère pour détruire les pécheurs,
mais le feu de la grâce descend sur le pain et y reste.
Au lieu du feu qui détruisit l'homme,
nous avons mangé le feu dans le pain
et nous avons été vivifiés ».

(Hymne De Fide 10, 8-10).

Voilà encore un dernier exemple des hymnes de saint Ephrem, où il parle de la perle comme symbole de la richesse et de la beauté de la foi :

Sur la perle

« Je posai (la perle), mes frères, sur la paume de ma main,
pour pouvoir l'examiner.
Je me mis à l'observer d'un côté puis de l'autre :
elle n'avait qu'un seul aspect de tous les côtés.
(Ainsi) est la recherche du Fils, impénétrable,
car elle n’est que lumière.
Dans sa clarté, je vis la Limpidité,
qui ne devient pas opaque ;
et dans sa pureté,
le grand symbole du corps de notre Seigneur,
qui est pur.
Dans son indivisibilité, je vis la vérité,
qui est indivisible »

(Hymne Sur la Perle 1, 2-3).


Un style simple
Dieu nous visite mystérieusement