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Spe Salvi
Combien de divisions crée le Pape

Je viens d'acheter le dernier numéro de la revue "Panorama", dont la couverture est suffisamment éloquente.
Voir aussi: Athées dévots, en Italie
Sous le titre évocateur "Lo sfascio" (au bord du goufre...), il dresse la liste des graves problèmes qui minent en ce moment le gouvernement dit de centre-gauche de Romano Prodi. Un gouvernement qui, comme cela a été souligné à plusieurs reprises dans ces pages, est contraint de faire le grand-écart entre ses alliés d'extrême-gauche et ses appuis plus modérés.
Parmi les signaux d'alerte, il y a évidemment l'affaire de la Sapienza, auquel l'hebdomadaire consacre un article de 2 pages.




 



L'article est illustré par une (belle) photo symbolique, ainsi légendée (traduction):
"Une curieuse image de Benoît XVI: la cape, soulevée par le vent, semble lui clouer la bouche".

A part cela, sous un titre qui reprend sous forme de boutade la phrase fameuse attribuée à Staline, il apporte une lumière différente, probablement la bonne, sur l'épisode de la censure papale.
Le gouvernement italien est aux abois.
L'Eglise catholique, et à sa tête, son chef naturel, fait une résistance inattendue.
Benoît XVI est LE pape qui défend la famille, et la vie.
D'où les attaques répétées contre lui.
Evidemment, Galilée était un prétexte, tout trouve sa racine dans les mesures "sociétales" (DICO-PACS, Bio-éthique, famille, avortement) du gouvernement, qui pourrait bien avoir joué un double jeu dans cette affaire, y compris par son appui tardif au Saint-Père, et ses "larmes de crocodile" (voir la confirmation ici: La revanche du "post-communisme" ).

John Allen avait parlé de "canari dans une mine de charbon", on pourrait presque reprendre sa métaphore, mais le "coup de grisou" n'est pas forcément pour le Vatican, et l'avertissement pourrait être médité aussi, en France...



Combien de divisions crée le Pape...

Eglise et état: le fait que Ratzinger ait été "chassé" de la Sapienza rouvre de vieilles polémiques.
Et exaspère les contradictions entre laïcs et chrétiens dans le PD (Parti Démocrate, i.e. la coalition gouvernementatale de Romano Prodi, ndt)
Mario Sechi, Panorama, 24 janvier 2008
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"Une Eglise libre dans un état libre": jamais comme aujourd'hui la formule de Camillo Benso, Comte Cavour, n'est apparue comme une chimère.
Le renoncement, par le Pape, à se rendre à l'université de la Sapienza, est le "pic" d'un phénomène qui élargit le fossé entre les croyants et le monde politique, entre une église toujours moins libre, et un état bien loin d'être libéral.

C'est une histoire qui a son prolongement dans un document aujourd'hui quasi-oublié. Il s'intitule "pour le bien de l'Italie", c'était le programme de l'Union pour la période 2006-2011.
Paragraphe dédié aux "unions civiles", page 72:

"L'Union proposera la reconnaisance juridique des droits, prérogatives et facultés pour les personnes qui font partie des "unions de fait" (en gros, le PACS italien, ndt). Ce qui définit la nature et la qualité de l'union d'une "union de fait" n'est pas directement le sexe des partenaires, ni leur orientation sexuelle. On considérera plutôt comme critère de qualification le système de relations (sentiments, assistance, solidarité), la stabilité, et la vonlonté."

C'est le choix d'imiter le modèle Zapatero. Choix cohérent acvec les déclarations de ses leaders, qui pourtant n'avaient pas mesuré le poids de la réaction de l'Eglise, de son nouveau pontife, et les contradictions internes qui devaient exploser: le conlflit entre catholique et non croyants, l'émergence d'un mouvement d'opinion transversal aux partis, les "athées dévots".

Ce que le Palais (le gouvernement, ndt) n'attendait pas advint durant la phase de gestation du PD: l'Eglise et la société civile descendent dans l'arène. C'est le 12 mars 2007, jour du Family Day. Un million de personnes se retrouvent Place Saint-Jean de latran à Rome, pour contester la politique de la famille annoncée par le gouvernement.
Précédé par une série d'interventions de Benoît XVI sur le thème de la vie et de la famille, et d'une note de la CEI, alors guidée par le Cardinal Ruini, sur le DICO, le Family Day est le signal qui freine les catholiques démocrates, et déplace les enjeus internes du PD sur le plan des valeurs.
... Le PD se retrouve divisé sur un code éthique qui devrait concilier la foi de sa branche catholique (teodem, issu de la démocratie-chrétienne, ndt), et le laïcisme de la gauche. Entreprise de Cyclope, qui bloque toute mesure sur le thème de la vie et de la famille.

Les travaux parlementaires sont le papier tournesol (le révélateur) du conflit. Les réglementations sur les unions civiles sont à sec, la loi sur la liberté religieuse est sous clé, celle sur le "testament biologique" est enterrée dans des commissions. La polémique sur les privilèges de l'Eglise se décline au passé, et les dispositions fiscales sur ses biens immobiliers ont été annulées par le ministère des finances. Le divorce "rapide" est renvoyé aux calendes grecques, le texte sur l'homophobie a divisé la majorité, l'expérimentation de la pillule abortive (RU 486) est un chaos législatif entre l'état et les régions.

Même un organe consultatif de la présidence du Conseil, le Comité national pour la bio-éthique, se retrouve en pleine tempête: il y a quelques mois, son président, nommé par Romano Prodi, et réputé proche du Vatican, a remplacé les trois vice-présidents, pour arriver à une composition plus équilibrée. Résultat, ce qui semblait un totem, la loi sur l'avortement, est remise en discussion, au point de mettre la gauche dans un sérieux embarras, quand le parti majoritaire du PD ouvre le dialogue avec ceux qui voudraient voir changer la loi.
C'est un imbroglio qui peut devenir un empêchement pour Walter Veltroni, le leader qui sert de lien entre les post-communistes, et les réformistes, qui comptent aussi des catholiques...

Le fait d'avoir "chassé" Benoît XVI de la Sapienza mine cet équilibre instable, ce n'est pas un hasard si le président de la République Giorgio Napolitano, a écrit au Pontife.
A La Sapienza, le pape s'apprêtait à prononcer un discours sur le rapport entre science et foi, connaissance et vérité, non en tant "qu'ancien professeur de mon université" (comme à Ratisbonne), mais comme "évêque de Rome", dans ce qui était, dit Ratzinger dans le texte envoyé au recteur "autrefois l'Université du Pape", le lieu où réside "la soif de connaissance propre à l'homme".

Le texte écrit par le Saint-Père raconte le débat entre Socrate et Euthyphron, où le philosophe grec est pour le Pape l'exemple de l'homme qui "recherche le Dieu vraiment divin".
Le pape aurait expliqué aux étudiants l'importance du droit "comme présupposé de la liberté, et non pas antagoniste", et, dans un passage crucial, répété que "la théologie... et la philosophie forment un couple particulier de jumeaux, où aucun des deux ne peut être dissocié totalement de l'autre, et où pourtant, chacun doit conserver son devoir et son identité propres", une leçon qui vient de Saint-Thomas d'Aquin.
Un discours de haute tenue, qui, dans son passage final, est un rappel à ceux qui ont fermé la porte à ce Pape qui, à l'université "ne va assurément pas chercher à imposer aux autres de manière autoritaire la foi, qui ne peut être qu'offerte librement".

C'est passé pratiquement inaperçu, mais dans la partie centrale du discours du Saint-Père sur la ville de Rome, celui qui a ensuite été interprété comme une attaque contre Veltroni, il mettait l'accent sur l'importance de la "formation de la personne", et expliquait que "nous sommes face à une vraie urgence éducative".
C'était le prélude de l'intervention publique suivante, celle prévue à la Sapienza.
Evènement important, au point de mériter un reportage dans les medias du Vatican. Et en particulier l'attention du plus important et influent périodique de l'Eglise, la revue des jésuites "La civiltà cattolica", dont les épreuves sont revues par le sécrétariat d'état.

Dans le dernier numéro, en fait, on peut lire deux articles.
Un, signé par Seamus Murphy, professeur de philosophie au Milltown Institut de Dublin, intitulé "la fausse guerre de la science contre la religion".
L'autre, du jésuite Giandomenico Mucci, au titre plus que jamais prophétique "Compétences, ou interférences dans le magistère?", et dont l'incipit est digne d'une chronique "d'attaque directe": "La culture laïciste ne fait d'habitude pas grande difficultés pour reconnaître dans le christianisme une réserve d'utopie, et un système de valeurs symboliques ayant une capacité élevée d'agir comme "liant" social. A condition, pourtant, qu'elle se laisse mettre de côté, comme on le fait avec une archive qui conserve un passé glorieux. C'est le motif pour lequel on impose à l'Eglise de se taire"

S'agirait-il encore une fois d'un complot universel des jésuites?



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