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Spe Salvi
Les grandes célébrations ... et Loreto

Dans son dernier billet, Sandro Magister revient sur le jeu de questions-réponses auquel le Pape s'est prêté "a braccio" devant les prêtres du diocèse de Rome. (voir aussi: Rencontre avec le clergé romain )
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Un [prêtre], qui s’était rendu avec les jeunes de sa paroisse à Lorette pour la veillée et la messe avec Benoît XVI, a dit avoir relevé "une certaine distance entre le pape et les jeunes" et un écart encore plus grand entre la solennité de la messe et le sentiment de participation des centaines de milliers de jeunes qui étaient présents à ce rassemblement. Il a conclu par cette question: "Comment concilier le trésor de la liturgie dans toute sa solennité avec le sentiment, la sensibilité et l’émotivité des masses des jeunes appelés à y participer?".

Lire l'article en entier sur le site, dans la traduction de Charles de Peichpeyrou.

Je traduis ici l'échange correspondant tel qu'il apparaît sur le site du Vatican:



La réponse du Saint-Père

Question:
...Je voudrais vous exposer une difficulté vécue à Loreto avec les jeunes l'année dernière. À Loreto nous avons passé une journée extrêmement belle, mais parmi tant de belles choses, nous avons remarqué une certaine distance entre Vous et les jeunes. Nous sommes arrivés l'après-midi. Nous n'avons réussi ni à nous installer, ni à voir, ni à entendre. Lorsqu'ensuite le soir est arrivé, vous êtes parti et nous sommes en quelque sorte restés à la merci de la télévision, qui, d'une certaine façon, s'est servi de nous. Les jeunes cependant ont besoin de chaleur. Une jeune fille, par exemple, m'a dit : "Normalement le Pape nous appelle" chers jeunes ", alors qu'aujourd'hui il nous a appelés" mes jeunes amis "". Et elle en a été très contente. Comment ne pas souligner ce détail, cette proximité ?
La liaison télévisée avec Loreto était également très froide, lointaine...

La deuxième point qui nous a créé quelque difficulté a été la liturgie du lendemain, un peu "lourde" surtout en ce qui concerne les chants et la musique. À l'instant de l'alleluhia, pour vous donner un exemple, une fille a remarqué que, malgré la chaleur, ces chants et ces musiques se prolongeaient très longtemps, comme si personne ne se préoccupait des malaises de ceux qui était serrés dans la foule. Et il s'agissait de jeunes qui fréquentent la messe tous les dimanches.
Voilà donc les deux questions : comme y-a-t'il pu y avoi cette distance entre Vous et eux ; et ensuite comme concilier le trésor de la liturgie dans toute sa solennité avec le sentiment, l'affection et l'émotivité que nourrissent les jeunes et dont ils ont tant besoin ? Je voudrais aussi un conseil: comment trouver la mesure entre solennité et émotiion. Egalement parce que nous-mêmes les prêtres, nous nous demandons souvent à quel point nous, prêtres, sommes capables de vivre avec simplicité l'émotion et le sentiment. Et en étant les ministres du sacrament, nous voudrions être en mesure d'orienter sentiment et d'émotivité vers un juste équilibre.
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Réponse du Saint-Père:
Le premier point abordé est lié à la situation de l'organisation : je l'ai trouvée telle quelle, donc je ne sais pas s'il était possible, peut-être, d'organiser de manière différente. En considérant les milliers de personnes qui étaient présentes, il était impossible, il me semble, de faire en sorte que tous puissent être proches de la même manière. C'est même pour cette raison que nous avons suivi un parcours avec la voiture, pour avoir un peu de proximité avec les personnes individuelles. Cependant nous tiendrons compte de cela et verrons si dans futur, lors d'autres rencontres avec des milliers et des milliers de personnes, il serait possible de faire quelque chose de différent. Il me semble toutefois important que grandisse le sentiment d'une proximité intérieure, qui trouve le pont qui nous unit même si nous sommes physiquement éloignés.

(une partie de ce qui suit a été traduit par Charles de Pechpeyrou, sur le site de Sandro Magister)
Les liturgies auxquelles participent des foules nombreuses constituent un vrai problème. Je me souviens qu’en 1960, lors du grand congrès eucharistique international de Munich, l’on cherchait à donner une nouvelle physionomie aux congrès eucharistiques, qui n’avaient été jusqu’alors que des actes d’adoration. On voulait donner la place centrale à la célébration de l’Eucharistie comme manifestation de la présence du mystère célébré.

Mais l’on s’est immédiatement demandé comment cela pouvait être possible. Pour ce qui est d’adorer, disait-on, on peut aussi le faire à distance. Pour célébrer, en revanche, il faut une communauté limitée qui puisse interagir avec le mystère, donc une communauté qui doit constituer une assemblée autour de la célébration du mystère.

Il y avait beaucoup d’opposants à la célébration de l’Eucharistie à ciel ouvert devant 100 000 personnes. Ils affirmaient que c’était impossible, en raison justement de la structure même de l’Eucharistie, qui exige la communauté pour la communion. Il y avait même de grandes personnalités, très respectables, qui étaient contre cette solution.

C’est alors que le professeur Jungmann, un grand liturgiste et l’un des grands architectes de la réforme liturgique, a créé le concept de "statio orbis". Pour cela, il s’est appuyé sur la "statio Romae", où, pendant le temps du Carême justement, les fidèles se retrouvent en un point – la "statio" – tels des soldats du Christ, puis se rendent ensemble à l’Eucharistie. Si cela, a-t-il affirmé, était la "statio" de la ville de Rome, le lieu où la ville de Rome se réunit, alors c’est la "statio orbis", le lieu de rassemblement du monde.

C’est depuis ce moment-là que nous avons des célébrations eucharistiques auxquelles participent des foules nombreuses. Pour ma part, je dois dire qu’il reste un problème, car la communion concrète dans la célébration est fondamentale; je ne pense donc pas que la réponse définitive ait réellement été trouvée. J’ai même soulevé cette question à l’occasion du dernier synode, qui n’a cependant pas trouvé de réponse.

J’ai posé une autre question, à propos de la concélébration de masse. En effet, si, par exemple, mille prêtres concélèbrent, on ne sait pas s’il y a encore la structure voulue par le Seigneur. Ce sont des interrogations. C’est ainsi qu’à Lorette, vous avez été confronté au problème de la participation à une célébration de masse au cours de laquelle il est impossible que tous soient concernés de la même manière. On doit donc choisir un certain style pour conserver cette dignité qui est toujours nécessaire pour l’Eucharistie. La communauté n’est pas homogène et chacun vit sa participation à cet événement de manière différente. Pour certains, elle sera sûrement insuffisante. A Lorette, cela ne dépendait pas de moi mais des personnes qui se sont occupées de la préparation.

Il faut donc réfléchir de manière approfondie à ce qu’il convient de faire dans ces situations.
Si je ne me trompe pas, c'était un orchestre d'handicapés qui a exécuté la musique et peut-être l'idée était-elle justement de faire comprendre que les handicappés peuvent être des animateurs de la sainte célébration et ne doivent pas en être exclus mais au contraire des acteurs primordiaux. Et ainsi, tous, en les aimant, ils ne se sont pas sentis exclus mais au contraire impliqués. Cela me semble une réflexion très respectable, et je la partage.

Reste le problème fondamental, mais je pense que, sachant ce qu’est l’Eucharistie, même si l’on ne peut pas participer à une activité extérieure comme on le souhaiterait pour se sentir impliqué, on y entre avec le cœur, comme le dit l’ancien commandement de l’Eglise, peut-être créé justement pour ceux qui se trouvaient au fond de la basilique: "Elevons notre coeur! Maintenant sortons tous de nous-mêmes, pour être tous avec le Seigneur et être ensemble". Je ne nie pas le problème, mais si nous suivons réellement cet ordre "Elevons notre coeur" nous trouverons tous la vraie participation active, même dans des situations difficiles et parfois discutables.



A côté du point primordial aux yeux du Saint-Père, qui est celui abordé par Sandro Magister, et qui concerne les liturgies auxquelles participent des foules nombreuses (on peut supposer qu'elles ne recueillent pas son adhésion sans réserve, lorsqu'il dit "Pour ma part, je dois dire que cela reste un problème, car la communion concrète dans la célébration est fondamentale"), est également abordé au cours de l'échange informel l'organisation, à Loreto.
Même cinq mois après les faits, c'est intéressant d'avoir l'avis du principal "acteur" (terme innaproprié, parce qu'ambigu, mais dans le sens où je l'entends, il n'est pas question de spectacle).
A Loreto, dont il a été pas mal question dans ces pages voir ici, avec des liens vers d'autres pages), la télévision s'est clairement servie du pape, et de l'audience potentielle qu'il représente, pour "monter" un spectacle qui lui était totalement étranger. Ce qui ne l'a pas empêché d'offrir des moments d'une grande intensité spirituelle, comme la prière qu'il a prononcée dans la maison de Marie (video).
Comme c'est dans son tempérament et dans sa mission, il essaie quand même d'en extirper le positif, en répondant avec patience et gentillesse à une question que je trouve personnellement à la limite de l'insolence, puisqu'il est est facile de comprendre qu'un rassemblement de 500.000 personnes n'est pas le meilleur endroit pour voir le Pape de près...
Et je ne doute pas qu'il essaiera personnellement de répondre aux objections de son interlocuteur lors de prochains "mega-rassemblements".
Mais, comme il le dit "Il me semble toutefois important que grandisse le sentiment d'une proximité intérieure, qui trouve le pont qui nous unit même si nous sommes physiquement éloignés."
Il élève le débat, avec son "Elevons notre coeur! Maintenant sortons tous de nous-mêmes, pour être tous avec le Seigneur et être ensemble".
Au passage, on reçoit la confirmation qu'il n'a aucun contrôle sur l'organisation, ce qui ruine d'emblée la théorie du "Pape Vert" qui aurait fait distribuer aux participants "des livres de prière en papier recyclé, et autres fariboles rapportées par les medias en mal de scoop.



Voir aussi

Choisis la vie
Novissimi: les vérités ultimes
Rencontre avec le clergé romain
Une Parole, et des images



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