Discours de La Sapienza

Le Pape a une conception extraordinairement élevée de la mission de l'Université.
Insistant sur ses thèmes de prédilection (foi et raison, racines chrétiennes), et parcourant plusieurs siècles d'histoire académique, depuis l'université médiévale et ses 4 piliers, médecine, jurisprudence, philosophie et théologie, jusqu'à nos jours où, dans un souci d'efficacité, à force de "confondre pouvoir et savoir", on risque d'oublier les règle morales, il venait expliquer aux professeurs et aux étudiants qu'ils étaient là pour rechercher la vérité, donc le bien.
Les réactions de haine avant même de connaître ses propos, confirment tristement qu'une bonne partie de nos contemporains ne sont plus prêts (plus dignes?) de comprendre, et même d'accueillir un discours d'une telle hauteur.

Il n'y a apparemment pas de référence à la "peine de mort" qui devait, selon certaines informations, être le sujet du discours.

La version en italien est déjà disponible. Le site italien Korazym l'a résumée.
Article original en italien: http://www.korazym.org/ (Angela Ambrogetti - Matteo Spicuglia)
(On trouve aussi l'intégralité de la lettre du pape, en italien).

Ma traduction



Maintenir éveillée la sensibilité à la vérité

[..] Le discours de 16 pages, "préparé personnellement" par Benoît XVI, a été envoyé à l'université, pour que "tous puissent y trouver des occasions de réflexions enrichissantes et d'approfondissements".
Demain ce sera le Recteur qui le lira, même si l'effet ne sera sûrement pas le même.
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PAPA ET UNIVERSITE.
Il ne s'agit pas d'une Lectio ni d'un discours de spécialiste, comme ce fut le cas à Ratisbonne. Le Pontife l'explique lui-même, en disant que son discours veut être le discours d'un pape, de l'Évêque, qui prend soin d'une communauté religieuse. Du reste, les religions et l'Église d'aujourd'hui agissent sur l'humanité, et en ce sens, le pape est toujours plus une voix de la "raison étique de l'humanité".

"Qu'est-ce que le pape a à faire ou à dire, à l'Université?" se demande Benoît XVI.
"Il ne doit sûrement pas chercher à imposer aux autres et de manière autoritaire la foi, qui peut seulement être offerte librement.
C'est son devoir de maintenir éveillée la sensibilité à la vérité ; inviter toujours de façon renouvelée la raison à se mettre à la recherche du vrai, deu bien, de Dieu et, sur ce chemin, la solliciter à percevoir les utiles lumières qui se sont élevées tout au long de l'histoire chrétienne et à percevoir ainsi Jésus-Christ comme la lumière qui éclaire l'histoire et aide à trouver le chemin vers le futur ".

De là part la réflexion du professeur. Elle part du philosophe contemporain John Rawls qui reconnaît une citoyenneté à la raison "non publique", pour rappeller de que toute sagesse, y compris la sagesse religieuse, même non partagée, "est à valoriser comme réalité et ne peut pas être simplement jetée dans la corbeille de l'histoire des idées". Ceci parce que la raison n'est pas "a-historique".

UNIVERSITE ET RECHERCHE DU BIEN.
Voilà donc le rôle de l'université : répondre au désir ardent de connaissance qui est le propre de l'homme. On en revient à Socrate, au refus des mythes des dieux pour la recherche du Dieu vraiment divin.
Pour les premiers chrétiens, s'interroger sur la raison de Dieu était l'essence même de leur manière d'être religieux.
Ainsi l`université naît dans le domaine de la foi chrétienne. Et la vérité que l'homme recherche, va au-delà du savoir:
la connaissance de la vérité a comme but la connaissance du bien.
Mais quel est le bien qui nous rend vrais ? La vérité nous rend bons, la bonté est vraie, tel est l'optimisme chrétien qui va au-delà de la science et arrive à la connaissance. Tout ceci, dans l'université médiévale, a formé la médecine insérée dans la raison et soustraite à la magie, la jurisprudence avec le droit comme fondement de la liberté et pas comme son antagoniste. Liberté, dignité et droit qui deviennent démocratie.
Nous voilà à Habermas, un philosophe contemporain avec lequel le cardinal Ratzinger a souvent débattu justement sur ce thème du concept même de foi et raison.
La forme raisonnable dans laquelle les contrastes politiques sont résolus, légitime une constitution. Pas uniquement une majorité artithmétique en politique donc, mais un processus d'argumentation sensible à la vérité. De nouveau la vérité au-delà de l'utilité. Chose très difficile, dit le pape, à transformer en pratique politique. Mais qu'est-ce alors que la vérité, qu'est-ce que la raison vraie ?
Médecine, jurisprudence, philosophie et théologie, les quatre facultés mediévales. C'est à ces deux dernières qu'est confiée la recherche sur l'être humain et donc, la sensibilité pour la vérité. "Deux jumeaux" qui doivent se compléter sans confusion et sans séparation, la philosophie comme recherche de la raison, la théologie qui n'épuise jamais sa réflexion. Toutes deux ne repartent jamais à chaque fois de zéro. La philosophie parce que basée sur le chemin de l'histoire, la théologie parce qu'elle puise à un trésor de connaissances qu'elle n'a pas inventés. Pour cette raison, les erreurs des théologiens n'invalident pas la vérité du noyau essentiel de la foi, montré par les saints et l'histoire...

LES DÉFIS ACTUELS.
Et nous voici aujourd'hui. À la science expérimentale, aux sciences humaines. Grandes sont les conquêtes pour l'homme, mais le danger est de confondre le pouvoir du savoir avec la sensibilité pour la vérité. On pense à ce qui est utile, et la philosophie se dégrade en positivisme, - c'est le raisonnement du pape - la théologie est confinée dans la sphère privée. Mais si la raison qu'on présume pure devient sourde à la sagesse chrétienne, elle se dessèche. Une raison qui ne se réfère qu'à elle-même, une raison auto-construite et préoccupée de sa laïcité, se détache de ses racines, n'est plus raisonnable et se casse.
Benoît XVI écrit: si la raison, "dans notre culture européenne", "veut seulement s'auto-construire sur la base du cercle de ses argumentations, sur ce qui l'auto-convainc à un moment donné, et, préoccupée par sa laicité, se détache des racines dont elle vit, alors, elle ne devient pas plus raisonnable et plus pure, mais elle se démonte et se casse.
Les racines de notre culture sont dans la vérité offerte par la tradition chrétienne ".

Voilà enfin la réponse. Purquoi un pape à l'université ? Pour maintenir éveillée la sensibilité à la vérité, et inviter la raison à se mettre à la recherche du vrai, du bien, de Dieu.



Dernière modification apportée le samedi 1 mars 2008 à 20:21:35.



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