Revue de presse en français, 17 janvier

Messe "dos tourné" à l'assistance, Sapienza: comment Benoît XVI fait l'actualité.



Présent: "Une riposte flamboyante"

C'est vraiment un excellent article, que Jeanne Smits a écrit dans "Présent", sur la visite manquée à La Sapienza:
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Benoît XVI interdit de « Sapienza » ?
Une riposte flamboyante…


En décidant de ne pas se déplacer, jeudi matin, pour l’inauguration de la 705e année académique de l’université romaine de La Sapienza, Benoît XVI a surtout mis en évidence le sectarisme et le refus du dialogue rationnel des 67 professeurs et du groupe d’étudiants qui promettaient de perturber sa visite. Un sectarisme qui lui a déjà valu d’innombrables messages de soutien, y compris le dernier en date, celui du président de la République italienne. Giorgio Napolitano a adressé au Saint-Père une lettre personnelle dénonçant « ces inadmissibles manifestations d’intolérance ».

A l’audience hebdomadaire du mercredi, de nombreux étudiants se sont rendus à la Salle Paul VI, scandant leur soutien au Pape et portant des banderoles : « Si Benoît ne va pas à La Sapienza, La Sapienza viendra à Benoît. »
Et le vicaire de Rome, le cardinal Ruini, a appelé « tous les fidèles, mais aussi tous les Romains, à être présents place Saint-Pierre pour la prière de l’Angélus, dimanche ».
« Dans cette circonstance qui touche si douloureusement notre cité, l’Eglise de Rome exprime sa proximité filiale et totale à son évêque, le pape, et se fait le porte-parole de l’amour, de la confiance, de l’admiration et de la gratitude du peuple de Rome envers Benoît XVI », précise son communiqué. Tandis que le SIR, l’agence-médias de l’épiscopat italien lance : « Le Pape ne rompt pas la communication, son silence devient parole. »

L’annonce d’une manifestation par les laïcistes de l’université fondée par Boniface VIII en 1303 a finalement eu l’effet inverse à celui qu’ils escomptaient, et même inversement proportionnel : la mobilisation d’une poignée (y compris à l’échelle de La Sapienza) d’opposants a déclenché une avalanche de soutien et, par là-même, attiré l’attention médiatique sur les paroles que Benoît XVI auraient prononcées dans les vénérables locaux de l’université. A cet égard, sa décision de ne pas aller là où l’étroitesse d’esprit de quelques soi-disant rationalistes se manifeste à son encontre apparaît comme un coup de maître.
Tant pis pour La Croix qui suggérait, jeudi, en substance, que le Pape s’était dégonflé et qu’à l’audience de mercredi, il apparaissait « fatigué et atteint ». (ndr: je n'ai pas lu cet article, mais je sais, pour avoir vu le direct, que c'est mensonger et scandaleusement malveillant, le reportage video et les images en témoignent!!!)

Pour se convaincre du contraire il suffit de lire le discours qu’il aurait prononcé à La Sapienza et que le service d’information du Vatican a mis en ligne dès l’annonce du « report » de la visite de Benoît XVI à l’ancienne université des papes.

Il s’y interroge, non en tant qu’universitaire comme il l’avait fait à Ratisbonne, prévient-il, mais comme Pape, sur les rapports entre la raison et la foi, la théologie et la philosophie, l’université et la foi, la vérité et le positivisme. Il y salue « l’autonomie qui a toujours fait partie de la nature de l’université, qui doit toujours être exclusivement liée à l’autorité de la vérité ».

Affirmant son rôle de pasteur qui, depuis son « poste d’observation élevé, surveille tout le paysage pour garder ensemble le troupeau et le maintenir sur le vrai chemin », il affirme fortement le rôle des religions, et principalement celui de l’Eglise qui agit sur l’humanité tout entière : « Le pape, précisément en tant que pasteur de sa communauté, est devenu de plus en plus une voix du raisonnement éthique de l’humanité. »

Et ce au titre de dépositaire d’une sagesse et d’une expérience séculaires. « Face à une forme a-historique de la raison qui cherche à se construire dans une rationalité exclusivement a-historique, la sagesse de l’humanité en tant que telle – la sagesse des grandes traditions religieuses – doit être considérée comme une réalité qui ne peut être impunément jetée dans la poubelle de l’histoire des idées. »

Oui : le texte de Benoît XVI répondait par anticipation aux critiques qui lui étaient adressées par les 67 professeurs de La Sapienza ; il montre comment le dans christianisme, qui aux premiers siècles avait pour préoccupation, dans la tradition du questionnement socratique, de « dissoudre le nuage qu’était la religion mythologique afin de découvrir le Dieu qui est Raison créatrice en même temps que Raison-Amour », la recherche de la vérité par la raison fait partie de son identité même.

« L’université pouvait, on peut dire qu’elle devait naître au sein du monde chrétien et de la foi chrétienne. »

Voilà un texte – revigorant, fondamental – qui va encore faire parler de lui…



Proliturgia, et la messe à la Sixtine

Le site Proliturgia commente la messe de la Fëte du Baptême du Seigneur, dimanche dernier à la Chapelle Sixtine:
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Depuis que le pape a célébré la messe, dimanche dernier, en tournant le dos à l'assistance, chacun y va de son explication ou de son interprétation. Et les plus bavards sur ce sujet sont ceux dont les lumières en théologie et en liturgie sont généralement les plus faibles.
Pour couper court à toutes les exégèses qui fleurissent et n'ont pas lieu d'être, disons qu'en célébrant la messe comme il l'a célébrée, le pape Benoît XVI n'a fait que respecter l'édition la plus récente du missel romain: celle de 2002.
C'est tout. Et interpréter les choses dans un sens ou dans un autre c'est prêter au Saint-Père des intentions qu'il n'a pas, son seul souci étant de célébrer la liturgie de l'Eglise telle qu'elle est donnée, ce qui devrait servir d'exemple à bien des fidèles.

Le pape célèbre "dos au peuple".
Réaction de ceux qui se veulent "traditionalistes": le Saint-Père renoue avec la tradition...
Réaction de ceux qui se veulent "conciliaires": le Saint-Père rompt avec la tradition...
Conclusion: pour les uns et pour les autres, la "tradition" ne commence pas au même moment.



Contre-attaque du Vatican en Europe

Une surprise plutôt agréable, trouvée sur la toile (Philippe Nadouce, Le Mague):
Ce n'est pas franchement sympathique, mais pas si mal vu, mis à part quelques lieux communs et un prétendu "virage à 360°" qui n'a aucun sens, puisque tourner de 360° autour d'un cercle... signifie revenir au point de départ.
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Avec l’avènement de Benoît XVI, le grand cirque médiatique de Jean Paul II a fait place à la gravité.
Ce nouveau pape, un intellectuel plutôt raffiné, théologien brillant et diplomate redoutable (ndr: Benoît XVI n'est pas un diplomate, ou bien il l'est parmi tant d'autres choses qu'il est aussi...) est le maître d’œuvre de ce virage à 360 degrés.
En moins de trois ans (il fut élu le 19 avril 2005), son ultra conservatisme austère a balayé tout souvenir d’un passé médiatique et remuant.
Une restructuration ferme et discrète de l’épiscopat et de certains rouages du pouvoir, a permis l’instauration d’une politique qui restitue le rôle du Vatican et de la foi chrétienne dans le monde et les enjeux du XXIe siècle. Cela ne veut pas dire pour autant que l’ostracisme soit tombé sur l’ère paulienne et que les acquis fondamentaux qu’elle revendique aient été jetés aux oubliettes. Bien au contraire, le processus de canonisation de Jean Paul II va bon train et il est en passe de devenir celui qui sut redonner sa place au catholicisme dans le monde. Il aura été le dernier saint père du XXe siècle et Benoît XVI sait parfaitement que pour survivre à son prédécesseur dans l’histoire (ndr: Benoît XVI ne cherche évidemment pas à survivre dans l'histoire, mais à transmettre intact le principe de la foi), il se doit de devenir le premier pape du XXIe siècle.

La tâche est immense mais la conjoncture économique mondiale –la fin de l’ère pétrolière, la misère engendrée par les catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes, le déclin des Etats-Unis et l’émergence de la Chine, un autre pays communiste qu’il faudra bien commencer à combattre idéologiquement- joue paradoxalement en sa faveur. Si Jean Paul II sera pour les Chrétiens de demain le pape qui abattit le communisme, Benoît XVI risquerait d’être celui qui tirera le mieux parti des grandes convulsions qui bouleverseront le capitalisme du XXIe, un capitalisme qui va devoir livrer les plus grandes batailles pour assurer sa survie et qui servira de pâture aux critiques vaticanes.

Mais la bataille est-elle pour autant perdue en Europe et en Occident ? La réponse de Benoît XVI est tout à la fois très surprenante et encourageante pour les Catholiques.
Alors que son prédécesseur arpentait les parties du monde où se trouvait le plus gros de la clientèle catholique, c’est-à-dire, l’Afrique, l’Amérique latine et une partie de l’Asie, Benoît XVI a, semble-t-il, décidé de reconquérir les territoires d’Occidents « abandonnés à l’athéisme » et quelque peu laissés de côté par son prédécesseur.
La Pologne faisait certes exception à la règle, pour les raisons que l’on connaît. Mais depuis l’élection du nouveau pape, l’emprise des cardinaux sur les structures démocratiques en Italie, au Portugal mais surtout en Espagne où l’on accuse Rome de remettre au goût du jour le « national catholicisme » cher à Franco, a redoublé d’intensité. En ce qui concerne la France, la visite de M. Sarkozy au Vatican et sa volonté de redonner sa place à la foi dans le pays qui fut un jour « la fille aînée » de l’Eglise, illustre tout à fait cet esprit de reconquête. La conversion de M. Tony Blair au catholicisme, bien qu’anecdotique, laisse aussi entendre que cette contre-attaque du Vatican ne s’arrêterait pas seulement au pays traditionnellement catholiques.

Karol Józef Wojtyla séduisait les foules, Joseph Alois Ratzinger, lui, semble plus apprécié par les élites et les chefs d’états. L’un conquérait les cœurs, l’autre s‘affirme dans les institutions et dans les structures d’états souverains agissant sur les foules d’une façon beaucoup moins voyante mais tout aussi, voire même plus efficace. Deux méthodes, un seul but.



Les pompiers pyromanes (Figaro)

Un article du Figaro à propos de l'annulation de la visite à l'Université de Rome.
On nous rejoue l'épisode post-Ratisbonne, avec l'appel en faveur de la liberté d'expression, et surtout l'unanimité suspecte de la classe politique et intellectuelle, incluant les politiciens de gauche (Veltroni), et la presse -idem, évidemment, "Repubblica" en tête!
Ce sont ceux que j'appelle les
pompiers pyromanes.
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Rome soutient le Vatican face aux militants laïques
Richard Heuzé
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Une virulente campagne contre la venue de Benoît XVI a secoué l'université La Sapienza, à Rome, au point que le Pape a annulé sa visite.
Toute la classe politique italienne s'indigne que le Pape ait été empêché de s'exprimer à l'université romaine.

«Une grave intolérance», «une manifestation symptomatique du pire obscurantisme » : les commentateurs italiens étaient nombreux, hier, à condamner les manifestations d'hostilité qui ont conduit le Pape à renoncer à présider l'inauguration de l'année académique à l'université d'État romaine de La Sapienza. La cérémonie aurait dû avoir lieu aujourd'hui. Benoît XVI avait été invité en tant qu'évêque de la Ville éternelle par le recteur Renato Guarini. Après Paul VI et Jean-Paul II, il aurait été le troisième souverain pontife à intervenir.

Soixante-sept professeurs s'y sont opposés dans une lettre reprochant au cardinal Joseph Ratzinger un lointain et obscur jugement émis en 1990 sur Galilée. Des collectifs étudiants ont relancé la protestation : aux cris de «no vat» , ils ont protesté contre les «ingérences» de l'Église dans la politique italienne et annoncé qu'ils feraient tout pour troubler la cérémonie. Quand, mardi après-midi, ils ont occupé le rectorat, le Saint-Siège a décidé d'annuler la visite pour «raison de sécurité» . Il faut remonter à 1994 pour trouver trace d'une décision analogue : Jean-Paul II avait renoncé à se rendre à Sarajevo parce que la guerre y faisait rage.

Certes, les motifs de tension ne manquent entre les deux rives du Tibre. C'est ainsi que le Pape a implicitement endossé l'appel de l'épiscopat italien à réviser la loi sur l'avortement. Et en recevant le 10 janvier le maire de Rome, Walter Veltroni, il a dénoncé la «grave dégradation» subie par certains quartiers de la capitale. Mais les propos que s'apprêtait à prononcer le Pape à l'université romaine, publiés hier en une de l'Osservatore Romano, n'engageaient pas à une polémique armée. « Si la raison, soulignait notamment le Pape, devient sourde au grand message qui vient de la sphère chrétienne et de sa sagesse, elle est déracinée comme un arbre dont les racines ne plongent plus dans les eaux qui lui donnent la vie.»

La droite demande réparation
Romano Prodi estime la protestation «inadmissible ». Le président Giorgio Napolitano a écrit à Benoît XVI pour lui dire «toute son amertum e». Son prédécesseur au Quirinal, Carlo Azeglio Ciampi, fervent défenseur de la laïcité, dénonce «l'erreur grave» commise et en redoute de «graves conséquences» pour les relations entre les deux pays. Les journaux italiens décrivent la protestation comme une «caricature de la laïcité», un «cynisme opportuniste et pathétique», une «radicalité aveugle». «Que le Pape soit interdit de cité dans sa propre ville témoigne de la confusion dans laquelle baigne la médiocre Italie de nos jours», écrit le quotidien de gauche La Repubblica.
L'opposition tire à boulets rouges. Le conservateur Gianfranco Fini (Alliance nationale) parle d'un «climat anticlérical». Silvio Berlusconi dénonce un «fanatisme qui n'a rien à voir avec la défense d'une authentique laïcité». La droite demande que le Parlement offre réparation à Benoît XVI en l'invitant à sa tribune, comme Jean-Paul II l'avait fait le 14 novembre 2002.



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