Une "lectio magistralis" de libéralisme

Un professeur italien nous décrit le système universitaire de l'autre côté des Alpes... Et explique ce qui a pu conduire à interdire à l'évêque de Rome de venir s'exprimer dans la plus grande université de son diocèse.
Ledit système n'est sans doute pas très éloigné du nôtre.

Cet article figure sous forme de commentaire (on peut juger de la qualité!) sur le blog de Paolo Rodari.


Une lectio magistralis de libéralisme

Salvatore Sechi

L'université qui commence par l'inviter, et ensuite contraint l'évêque de Rome à déserter une manifestation programmée depuis longtemps, résume bien l'état de l'enseignement public (di Stato) en Italie.
Non pas un lieu de libre confrontation et de cohabitation entre des différences, mais une communauté monothéiste.
Les laïques sont devenus, à plein titre, des clercs.
Dans les salles où nous enseignons, on célèbre une vérité unique, celle des communistes (devenue outrageante en cette période de déclin), et on met en oeuvre un pluralisme de façade.
Ce rite incolore, en prenant pour cible Benoît XVI, a servi de papier tournesol (ndt papier ph, il change de couleur quand il est plongé dans l'acide) aux "officiants", à commencer par le Recteur, le professeur Guarini. Derrière le drapeau du laïcisme, qui s'est opposé à l'invitation adressée au pape, il y a une forme de cléricalisme épuisé, passif, qui dégage une odeur de consomption. Rien, parmi les voltairiens qui ont barré la porte d'entrée au nouveau Bellarmino (http://it.wikipedia.org/wiki/Roberto_Bellarmino), ne rappelle l'intransigeance et la force qu'au cours du XIXe siècle manifestait la franc-maçonnerie, l'association clandestine à laquelle la majorité des professeurs, des professionnels et des hommes politiques étaient affiliés.
...
J'enseigne depuis plus que de 30 ans dans les universités d'état (Turin, Venise, Bologne, Ferrare).

Eh bien, on ne discute plus de rien. Il n'y a jamais de désaccord, mais un ensemble inerte d'idées communes, celles de la gauche laïque et communiste. On se querelle pour des postes, jamais pour des valeurs.
En tant que non-croyant et libéral (et même "libéral-socaliste" : j'ai même été inscrit au PCI), les rares fois où j'ai assisté à des formes de discussion et de débat ont été lorsque les catholiques de 'Communion et Libération' ont cherché à faire valoir leurs raisons au moyen d'initiatives, propositions, espaces d'action.
A chaque fois, des réactions se sont élevées contre eux, je dirais, l'animosité jamais apaisée de la gauche.
Le PCI s'est fait une arme de l'alliance qu'il a passée avec les catholique philo-communistes, qu'il a fait baptiser, falsifiant l'histoire du catholicisme d'après 1861, comme catholiques démocrates.

Le Pape ne peut pas entrer dans une université, la Sapienza, fondée par un de ses prédécesseurs. Il ne peut pas y apporter son point de vue sur le rapport entre science et foi, son analyse sur le procès de Galilée, son interprétation de l'origine chrétienne du libéralisme.
[..]
Comme laïque je dis que le Pape est essentiel pour nous, non-croyants, s'il reste le cardinal Ratzinger, un homme de principes, mais aussi le gardien de la Foi. Il ne doit pas les troquer, ni les édulcorer, pour avoir le droit d'entrer dans une salle universitaire de Rome.
À quoi en est réduite l'Université, la communauté universitaire italienne, le ministre Mussi (ndt: ministre de l'éducation) l'a avoué.
Elle passe une grande partie de son temps à promouvoir des actions sur des carrières basées sur des jeux de dupes.
Les concours universitaires italiens ne sont pas seulement des cooptations (qui seraient raisonnables), ce sont aussi des escroqueries et des échanges de faveurs.
Par conséquent, si au Sénat académique de Rome ils doivent décider à qui confier une lectio magistralis, leur pratique de politique culturelle les induit à choisir quelqu'un en "interne". Le Pape, en n'allant pas à la Sapienza, a montré que la culture libérale se fonde sur le conflit, sur les différences, sur les diversités. Ceux qui n'ont pas voulu de lui prétendaient le contraire, c'est-à-dire à l'assimilation.
Benoît XVI a préféré continuer être "l'autre".
Une leçon magistrale de libéralisme.


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