Les esprits chagrins et les vrais soutiens

Dans ce dernier billet de Paolo Rodari, il est question de l'évêque de Pise, Mgr Plotti, que je ne connais pas, mais que je devine faisant partie de l'aile progressiste de l'Eglise italienne (les commentaires sur le blog sont d'ailleurs éloquents à ce sujet), proclamant qu'il vote à gauche - il a le droit de le faire, mais pas de le dire...- dans une certaine mesure en résistance, ou en désobéissance au pape: dans une interviewe inutile accordée au quotidien La Stampa (reproduite sur le blog de Rafaella ), il a cru bon de critiquer la manifestation de soutien au pape, dimanche dernier, Place Saint-Pierre.
Je ne sais pas pourquoi j'imagine très bien des évêques français, bien mitrés par Golias, dans une démarche analogue, si tout cela s'était passé chez nous. Au nom de la raison, du bon sens, du respect des autres, sans doute.
En dehors de l'hostilité affichée par ceux qui devraient être les premiers soutiens du pape (quelle image ils donnent!!), l'épisode m'inspire une réflexion issue d'une expérience personnelle, souvent évoquée ici: dès que l'on témoigne une affection humaine au Saint-Père, on est culpabilisé, taxé de papolâtrie. En dehors du fait qu'on se tromperait de maître, en idéalisant indûment un homme, on lui ferait "plus de mal que de bien", et l'argument risquerait de se retourner contre l'Eglise. Et pourquoi donc?
"Même une banderole peut être utile pour bien exprimer, mieux qu'avec beaucoup de mots, l'affection qui dérive de ce en quoi on croit"
Ici, le monsignore parle de "mania", clin d'oeil complice envoyé à des "ennemis" qui n'en ont pas besoin.
Terrorisme intellectuel! Censure! Hypocrisie! Le Pape est un homme (c'est eux-mêmes qui le disent!), il a besoin de se sentir soutenu, on voit bien que cela lui fait plaisir, et le savoir ne peut que l'encourager dans son ministère, sans rien ôter à ceux qui le critiquent.

L'article a le mérite de montrer en plus à quel point il compte sur le mouvements ecclésiaux, en lesquels il voit sans doute l'Eglise de demain: plus resserrée, plus courageuse, plus engagée aussi.
Article original: Blog de Paolo Rodari
Ma traduction


Mgr Plotti critique les banderoles, Pl. St-Pierre

Pour le Saint-Siège, l'incident de la Sapienza, la semaine passée, est désormais clos. Peut-être ne reste-t'il ouvert que dans le débat public où les opinions des divers protagonistes, y compris ecclésiastiques, continuent à se faire entendre. Et il arrive que certaines positions ne soient pas entièrement univoques.
Parmi celles-ci se détache celle de l'archevêque de Pise monsignor Plotti qui, hier dans la Presse, a manifesté son désaccord public avec la manifestation d'affection et de solidarité vis-à-vis du Pape, convoquée place Saint-Pierre par le cardinal Camillo Ruini.
En particulier Plotti a critiqué lourdement les drapeaux et les banderoles brandis sur la Place par les mouvements ecclésiaux : c'est une "mania" - a dit Plotti - qui peut provoquer "un effet boomerang" susceptible de faire renaître des "humeurs anticléricales". De cette manière - selon lui - "on devient plus papiste que le Pape (più papalini del Papa)".
Et aussi : "Toute cette présence catholique dans la vie publique" peut conduire "à un résultat opposé à celui espéré".
En somme, pour l'archevêque de Pise, une attitude de l'Église plus ouverte au dialogue serait préférable, sinon le risque est que "l'Église se fasse dicter son agenda par les dévots athées et autres "theocons".

Des représentants des mouvements ecclésiaux, dimanche, sur la place, il y en avait beaucoup: Ciellini, focolarini, neocatecumenali et aussi de nombreux adhérents au Renouveau dans l'Esprit (Rinnovamento nello Spirito).
Parmi ceux-ci, Salvatore Martinez, 42 ans, leader d'un mouvement qui rassemble des centaines de milliers de "disciples" dans le monde entier. Il nous a dit (ndt: Rodari est journaliste au Riformista) que "les banderoles peuvent aussi servir lorsqu'elles sont brandies, à témoigner amour et fraternité vis-à-vis du Pape".
"Même une banderole - dit-il - peut être utile pour bien exprimer, mieux qu'avec beaucoup de mots, l'affection qui dérive de ce en quoi on croit".
"L'une des nôtres, dimanche - explique Martinez -, était significative : "Saint Père, nous t'aimons et nous te sommes fidèles". Dans ces mots il y il a tout le sensus ecclesiae : amour à l'Église et fidélité au vicaire du Christ ; ce que nous sommes et ce que nous voulons être, à travers une oeuvre de réveil et de renouvellement de la foi. Le sillon est celui tracé par les constitutions conciliaires Lumen Gentium et Gaudium et Spes, encore aujourd'hui d'extraordinaire actualité. A côté du renouvellement liturgique, biblique, oecuménique, le Concile Vatican II a souligné la nécessité d'un renouvellement spirituel dans l'Église. C'est ce que nous essayons de faire: ramener les consciences de beaucoup d'hommes et de femmes de notre temps, désorientées, endormies, devenues paresseuses, dispersées, à une possibilité de vie nouvelle, à une rencontre susceptible de les transformer, avec le Christ et son Évangile. Une oeuvre qui se produit sous l'impulsion et la conduite de l'Esprit, qui anime l'Église, la réveille de sa torpeur historique, la pousse au témoignage ; une oeuvre de renouveau qui, comme l'a souvent rappelé Benoît XVI, ne peut pas se produire en rupture avec le passé, mais en de continuité avec le passé qui nous a précédés.
L'Esprit est toujours l'ami des hommes et le vrai promoteur d'une laïcité de dialogue, de proposition, d'humanisme".

Ouvert aux nouveautés et fidèle à la tradition. Ainsi veut être le Renouveau dans l'Esprit.
Et c'est ce que le même Martinez et des centaines d'adhérents au mouvement ont voulu témoigner dimanche sur la place.
"Le choix d'aller sur la place Saint-Pierre est également significatif, précisément au nom d'une laïcité qui s'alimente de la capacité d'écouter des paroles fortes, vraies, profondes.
Au temps de Papa Wojtyla les gens allaient sur la place Saint-Pierre surtout "pour voir" le Pontife ; aujourd'hui on va "écouter" Papa Ratzinger.

Pour nous, ou bien la vraie laïcité part de l'écoute, et elle se traduit en sain pluralisme, ou bien elle se fonde sur la présomption laïciste de l'ingérence de la pensée de l"autre" et elle aboutit au relativisme ".

Le lien entre le Renouveau et le Vatican est étroit.
"Le théologien Ratzinger - conclut Martinez - au lendemain de Vatican II collabora activement, sur proposition du cardinal Suenens, à la rédaction des premiers documents théologiques pastoraux du Renouveau".
Martinez a été parmi les rares laïques du monde entier, à être reçu en audience privée par Benoît XVI moins de 2 ans après son élection comme Pontife. Et dans un message autographe, geste rare de ce pontificat, daté d'avril 2007, ce fut encore Benoît XVI qui encouragea le Mouvement à proposer une vraie "culture de la Pentecôte", partout, et si nécessaire sur la place. Avec une quantité de banderoles.


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