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FAO

Message du saint-Père au sommet sur la sécurité alimentaire mondiale organisée par la FAO, 3-5 juin 2008

Texte en italien sur le site du Vatican: http://www.vatican.va...
Ma traduction ici: FAO



Monsieur le Président de la République italienne,
Illustres Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Directeur Général de la FAO,
Monsieur le Secrétaire Général de l'ONU,
Mesdames et Messieurs!



Je suis heureux d'adresser mes salutations déférentes à vous tous qui, à titres divers, représentez les différentes composantes de la famille humaine, et qui êtes réunis à Rome pour vous mettre d'accord afin de rechercher des solutions idoines et affronter le problème de la faim et de la malnutrition.

J'ai demandé au Cardinal Tarcisio Bertone, mon Secrétaire d'état de vous faire part de l'attention particulière avec laquelle je suis votre travail, et de vous assurer que j'attribue une grande importance au devoir ardu qui vous attend.
Des millions d'hommes et de femmes vous regardent, alors que de nouveaux dangers menacent leur survie, et que des situations préoccupantes mettent en péril la sécurité de leurs pays.
En effet, la globalisation croissante des marchés ne favorise pas toujours la disponibilité des aliments, et les systèmes de production sont souvent conditionnés par des limites structurelles, si ce n'est des politiques protectionnistes et des phénomènes spéculatifs qui relèguent des populations entières aux marges des processus de développement.
A la lumière de ces situations, il faut réaffirmer avec force que la faim et la malnutrition sont inacceptables dans un monde qui en réalité dispose de niveaux de production, de ressources et de connaissances suffisantes pour mettre fin à des tels drames et à leurs conséquences. Le grand défi d'aujourd'hui est celui de globaliser non seulement les intérêts économiques et commerciaux, mais aussi les attentes de solidarité, dans le respect et dans la valorisation de l'apport de chaque composante humaine.

J'exprime par conséquent à la FAO et à son directeur général mon appréciation et ma gratitude pour avoir à nouveau attiré l'attention de la communauté internationale sur ce qui fait obstacle à la lutte contre la faim, et l'avoir sollicitée pour une action qui, pour s'avérer efficace, se doit d'être unitaire et coordonnée.

Dans cet esprit, je désire renouveler aux hautes personnalités qui participent à ce sommet le souhait que j'ai récemment formulé lors de ma récente visite au Siège de l'ONU: il est urgent de surmonter "le paradoxe d'un consensus multilatéral qui continue à être en crise à cause de la subordination aux décisions d'un petit nombre". En outre, je me permets de vous inviter à collaborer de manière toujours plus transparente avec les organisations de la société civile qui s'emploient à combler le fossé croissant entre richesse et pauvreté. Je vous exhorte encore à poursuivre ces réformes structurelles qui, au niveau national, sont indispensables pour affronter avec succès les problèmes du sous-développement, dont la faim et la malnutrition sont les conséquences directes. Je sais combien tout cela est ardu et complexe!

Toutefois, comment rester insensibles aux appels de ceux qui, dans les différents continents, ne parviennent pas à se nourrir suffisamment pour survivre? La pauvreté et la malnutrition ne sont pas une simple fatalité provoquée par les changements climatiques ou des catastrophes naturelles.
Et puis, les considérations à caractère strictement technique ou économique ne sauraient prévaloir sur le devoir de justice envers ceux qui souffrent de la faim. Le droit à l'alimentation répond principalement à une motivation éthique: "donne à manger aux affamés" (Mat, 25,35), qui nous pousse à partager les biens matériels, en signe de l'amour dont nous avons tous besoin. Ce droit fondamental à l'alimentation est intrinsèquement lié à la protection et à la défense de la vie humaine, roc solide et inviolable sur lequel est fondé tout l'édifice des droits humains (cf discours au nouvel ambassadeur du Guatemala, 31 mai 2008, http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/speeches/2008/may/documents/hf_ben-xvi_spe_20080531_ambassador-guatemala_it.html).
Chaque personne a le droit à la vie. Par conséquent, il est nécessaire de promouvoir la réalisation effective de ce droit, et on doit aider les populations qui souffrent du manque de nourriture à devenir graduellement en mesure de satisfaire leurs propres exigences d'une alimentation suffisante et saine.

En ce moment particulier, qui voit la sécurité alimentaire menacée par le renchérissement des produits agricoles, il convient d'élaborer de nouvelles stratégies de lutte contre la pauvreté, et de promotion du développement rural. Cela doit se faire aussi à travers des processus de réformes structurelles qui consentent à affronter les défis de cette même sécurité, et des changements climatiques; en outre, il est nécessaire d'augmenter la disponibilité de la nourriture, en valorisant le travail des petits agriculteurs, et en leur favorisant l'accès au marché. Toutefois, l'augmentation globale de la production agricole ne pourra être efficace que si elle s'accompagne d'une distribution effective, et si elle est en priorité destinée à la satisfaction des besoins essentiels. Il s'agit d'un chemin certes pas facile, mais qui permettrait, entre autre, de redécouvrir la valeur de la famille rurale: elle ne se limite pas à préserver la transmission, de père en fils, des méthodes de culture, conservation et distribution des aliments, mais c'est surtout un modèle de vie, d'éducation, de culture et de religiosité. En outre, sous l'angle économique elle assure une attention efficace et pleine d'amour aux plus faibles, et, par le principe de subsidiarité, elle peut assumer un rôle direct dans la chaîne de distribution et de commercialisation des produits agricoles destinés à l'alimentation, réduisant les coûts des intermédiaires et favorisant la production à un petite échelle.

Les difficultés d'aujourd'hui montrent que les technologies modernes ne peuvent à elles seules, subvenir aux carences alimentaires, tout comme les calculs statistiques, et, dans les situations d'urgence, l'envoi d'aide alimentaire.
Tout cela a certainement une grande importance, mais doit cependant être complété et orienté par une action politique qui, inspirée à ces principes de la loi naturelle qui sont inscrits dans le coeur de chaque homme, protège la dignité de la personne.
De cette façon, l'ordre de la création est lui aussi respecté, et on a pour critère d'orientation le bien de tous.
Seule la protection de la personne, donc, permet de combattre la cause principale de la faim, c'est-à-dire la "fermeture" de l'être humain envers ses semblables, qui dissout la solidarité, justifie le modèle de vie consumériste et désagrége le tissu social, préservant, et même amplifiant le fossé des équilibres injustes, et négligeant les exigences les plus profondes du bien.
C'est pourquoi, en faisant valoir, à la table des négociations le respect de la dignité humaine, par des décisions et leur réalisation, on pourrait dépasser des obstacles insurmontables autrement, et on éliminerait, ou au moins on diminuerait, le désintérêt pour le bien d'autrui. Et on pourrait adopter des mesures courageuses, qui ne baisseraient pas les bras devant la faim et la malnutrition comme s'il s'agissait simplement de phénomènes endémiques et sans solution.
La défense de la dignité humaine dans l'action internationale, y compris urgente, aiderait en outre à mesurer le superflu dans la perspective des nécessités d'autrui, et à administrer justement les fruits de la création, les mettant à la disposition de toutes les générations.

A la lumière de ces principes, je souhaite que les Délégations présentes à cette réunion assument de nouveaux engagements, et se fixent comme objectif de les réaliser avec une grande détermination.
L'Eglise catholique, pour sa part, désire s'unir à cet effort! Dans un esprit de collaboration, elle tire de sa sagesse antique, inspirée à l'Evangile, un appel ferme et dramatique, qui reste d'une grande actualité pour tous ceux qui participent à ce sommet: "Donne à manger à ceux qui meurent de faim, parce que, si tu ne lui donnes pas à manger, tu les tues".
Je vous assure que, sur ce chemin, vous pouvez compter sur le Saint-Siège. Bien que se différenciant des Etats, il se joint à leurs objectifs les plus nobles pour sceller un engagement qui, par sa nature, implique la communauté internationale toute entière: encourager chaque Peuple à partager les besoins des autres Peuple, mettant en commun les biens de la terre que le Créateur a destinés à la famille humaine entière.

Avec ces sentiments, je formule mes souhaits les plus fervents pour le succès de vos travaux, et j'invoque la Bénédiction du Très-Haut sur Vous et sur ceux qui s'emploient pour l'authentique progrès de la personne et de la société.

Du Vatican, 2 juin 2008
BENEDICTUS PP. XVI



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