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Compléments
Musulmans, les épreuves à surmonter

Vittorio Messori a consacré 3 articles au voyage en Bavière . Voici le premier, daté du 11 septembre 2006.
Il a été écrit au lendemain de l'homélie prononcée le 10 septembre à Munich et, presque deux ans après il n'a rien perdu de son acuité.
L'épreuve dont il s'agit ici est celle que les musulmans auront à affronter lorsque leur religion pétrifiée dans le passé rencontrera l'analyse critique de la rationalité moderne.
Le catholicisme, grâce à son "élasticité" est sorti vainqueur, et même renforcé, car purifié, de l'épreuve.
Qu'en sera-t'il pour l'islam?

Le journaliste se permet une petite critique envers le Pape, qu'il suspecte, en gros, d'angélisme: il pense que le matérialisme athée n'est pas la seule raison de l'agressivité des musulmans envers l'Occident, et il en donne ce qu'il appelle des preuves.
On peut ne pas être entièrement d'accord sur ce point, mais ses arguments ne manquent pas de pertinence, et surtout, il conserve un grand respect vis-à-vis de la position de Benoît XVI, admettant que "l'extraordinaire théologien" dénonce "à juste titre" les Lumières, qui sont un "poison" pour les chrétiens...



Musulmani, le prove da superare

Corriere della Sera, 11 settembre 2006.
Article en italien ici.

Paroles importantes, que celles de Benoît XVI à propos des "populations d'Asie et d'Afrique" qui se sentent menacées par une culture comme celle de l'Occident qui, cyniquement, ne considère rien comme sacré, sur la base d'une raison qui dégénère en rationalisme, "un illuminisme et un laïcisme drastique ".
L'agnosticisme, l'athéisme, le refus de la religion: cela, et non le christianisme authentique, serait une cause d'effarement pour les autres cultures.
Des mots importants, disions-nous ; mais qui - dans le bref espace d'une homélie - ne peuvent épuiser un cadre complexe, où tout schématisme serait abusif.
Évidemment, cet extraordinaire théologien qu'est Joseph Ratzinger est le premier à être en conscient.

À Munich, il n'a pas nommé explicitement l'Islam, mais c'est sur lui que s'est tout de suite focalisée l'attention des commentateurs. Eh bien, puisqu'on nous demande de nous intéresser aux musulmans (le discours serait différent pour d'autres religions) on ne doit pas oublier qu'au Moyen Orient et ailleurs, il y a une entité inséparable, contre laquelle se focalise la haine des musulmans : "juifs et croisés".
Croisés: donc, des héritiers d'une chrétienté médiévale qui n'avait encore aucune idée de la sécularisation.
L'islam, qui plus est, est uni par l'horreur de ce crucifix qu'en Occident les immigrés voudraient faire disparaître des murs des écoles et des bureaux publics. Sa vue est intolérable. Dans ce signe, en effet - qui est le coeur du christianisme que le rationalisme refuse - il y a plus indigne encore pour un croyant dans le Coran : l'idée qu'Allah, radicalement Un, Inaccessible, puisse avoir un Fils et que celui-ci soit mort de la mort infâmante des esclaves.
Les exemples pourraient s'ajouter, pour confirmer comment, au cours des siècles, l'hostilité antichrétienne fut d'autant plus vivace que l'Occident s'inspirait davantage à l'Évangile et non à la soi-disant "libre pensée".

Pour prendre un seul exemple aujourd'hui, dans les Pays à majorité musulmane il est défendu au clergé chrétien de porter la marque d'une religiosité pourtant anti-moderniste: mettre en public la soutane ou le froc.

Allons plus loin: nombreux sont ceux qui pensent que cet "illuminisme et ce laïcisme drastiques" dénoncés, à juste titre, par Benoît XVI effraie les islamistes conscients, qui y voient un danger qui pourrait être mortel pour eux. En effet, l'Occident moderne a distillé des poisons mais (il serait injuste et contraire au sens de l'histoire de le nier) a aussi affirmé des valeurs. Depuis plus de deux siècles, cet Occident a fait passer "sa" religion à travers un creuset chauffé au rouge. Un drame, certes, mais qui a aussi amené des résultats positifs. Sur le plan socio-politique, les Églises, en particulier celle catholique, ont vu éradiquer avec violence leur symbiose avec le pouvoir séculier. La fin de l'Ancien Régime a provoqué une crise qui a pu être dépassée grâce au message évangélique "rends à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu".
Sur le plan théologique, l'agression s'est concentrée sur les bases elles-mêmes, sur le caractère historique de l'Écriture, en particulier du Nouveau Testament. Même ici, les croyants ont paré le coup: les textes sacrés, pour eux, sont inspirés par Dieu mais rédigés par l'homme, ils sont en même temps infaillibles dans leur substance et faillibles en ce qui concerne la rédaction, qui a obéi à des genres littéraires variés.

Il y a une "élasticité" du christianisme, il y a sa capacité génétique d'adaptation qui manque entièrement à l'islam. Reléguée pendant plus d'un millénaire presque exclusivement dans la zone autour des Tropiques, avec six siècles de moins par rapport à la foi dans l'Évangile, celle dans le Coran ne connaît pas de séparations entre sphère religieuse et séculière, entre théologie et droit, entre credo et politique. Elle ne connaît pas et ne peut pas connaître de fracture entre temporel et spirituel : l'Ouma, la comumnauté des croyants, doit coïncider avec la communauté entière. Née de et pour d'anciennes tribus, cette foi est un bloc, pour elle la fin de l'Ancien Régime signifierait la fin de la religion, subordonnée comme elle l'est à des légalismes et des interdits qui lui sont essentiels. De plus, l'absence d'une hiérarchie, d'une autorité religieuse normative pour tous les croyants rend encore plus inextricable le lien avec les autorités politiques. La diaspora, à la longue, lui est fatale.

La "rigidité" musulmane se manifeste aussi dans sa source doctrinale: le Coran est intouchable, chaque mot a été dicté à Mahomet par l'archange Gabriel comme "porte-parole" très fidèle d'Allah, son intangibilité est telle qu'elle considére comme blasphème toute traduction de l'arabe ancien.
Qu'arrivera-t'il, quand l'Écriture musulmane sera passée au crible impi de la critique occidentale auquel est subordonné depuis deux siècles l'Écriture judéo-chrétienne?
Quelle crédibilité conservera ce texte, soumis à l'exégèse scientifique? Comment le prendre encore pour une base infaillible ?

Des poisons, "les Lumières et le laïcisme drastiques" ? Pour un chrétien, oui. Mais malgré tout, la foi leur a survécu. Souvent, même, elle en a été purifiée. En ira-t'il de même pour l'Islam... ?
La question se pose à juste titre.



"La guerre sainte est contre Dieu"
La force du christianisme

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