"Jésus de Nazareth" en livre de poche

"Jésus de Nazareth" paraît en livre de poche. C'est l'occasion, pour Anne Bernet, d'en livrer sa lecture, dans le dernier n° de L'Action Française (27/3/2008)

Même si le livre est sorti voilà maintenant presque un an, il n'est pas de ceux qui sont soumis aux diktat de l'évènement, bien sûr!
Mais quand le Saint-Père a consacré sa catéchèse du 26 mars à la Résurrection comme évènement historique, le thème s'invite de toutes façons dans l'actualité!

Article paru dans le n° 2744 de L'Action Française



Le mystère du Christ

Cette semaine sainte voit la parution en poche du "Jésus de Nazareth" de Sa Sainteté le pape Benoît XVI.

Lors de sa sortie l'an passé, ce livre n'a pas rencontré tout l'écho qu'il méritait, ce qui est certes déplorable mais pas surprenant. En effet, le Saint-Père a l'audace de s'élever, dans cette belle méditation, contre l'interprétation, longtemps dominante jusque dans certaines franges de l'Église, selon laquelle le "Jésus de l'histoire" devrait impérativement être distingué du "Christ de la foi". De l'un,nous ne saurions pour ainsi dire rien, hormis les interprétations tardives de sa vie et de ses paroles faites par les "communautés primitives" un siècle au moins après sa mort ; quant à l'autre, il serait précisément la création mythique des premiers fidèles.
Il va de soi qu'une pareille affirmation, qui se prétend abusivement la seule historique, scientifique et critique, est avant tout une atteinte grave à la foi, et d'abord à celle des plus humbles, mal armés pour s'en protéger, en même temps qu'une déformation, de moins en moins innocente, du contenu véritable des textes évangéliques. Voilà précisément ce que le souverain pontife démontre dans ce volume, qui devrait être suivi d'un ou plusieurs autres consacrés aux évangiles de l'Enfance et à la Passion.
En effet, pour être valable, la théorie qui distingue le rabbi de Nazareth du Christ fils de Dieu et sauveur devrait démontrer que rien, dans l'attitude et l'enseignement de Jésus, n'accrédite la conviction de sa propre divinité. Or, puisant aux sources exégétiques chrétiennes, et juives, les mieux autorisées, le Saint-Père démontre, justement, le contraire. C'est parce que Jésus s'est d'emblée présenté comme le fils du Très-Haut, comme l'incarnation divine, et qu'Il s'est, à ce titre, substitué à l'enseignement mosaïque, que la crise s'est nouée entre lui et le judaïsme traditionnel. Cette démonstration représente le centre d'un livre passionnant, beaucoup plus accessible au public normalement cultivé que nombre de journalistes se sont plu à l'affirmer, d'une grande profondeur et d'une belle hauteur spirituelle.
Par ailleurs, ce texte, qui remet bien des choses à leur place et s'insurge, non sans charité, contre maintes absurdités des dernières décennies, est révélateur de la pensée et des positions de Benoît XVI sur ces questions. Comment s'étonner qu'il ait autant dérangé ?

Une « incroyable évidence »
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L'un des postulats faussés d'une école exégétique née au XVllle siècle dans le protestantisme allemand et qui finit, deux siècles après, par coloniser une partie de la pensée catholique et par se répandre parmi les fidèles, voudrait que la jeune Église ait imaginé la Résurrection, puis ensuite adapté le message du crucifié à cette affirmation, aboutissant à le faire adorer comme Dieu. Or, ainsi que le rappelle le pape, tout l'enseignement de Jésus revendiquait cette divinité dont le matin de Pâques apporta la preuve. Comme l'avait déjà compris Tertullien au IIe siècle, toute la force des chrétiens reposait sur la véracité d'une nouvelle tellement aberrante qu'elle devait, paradoxalement, être crue.
«Credo quia absurdum », j'y crois parce que c'est absurde. Trop absurde pour avoir été inventé...

C'est aussi la conclusion à laquelle devait arriver, en 1968, Heinrich Schlier, lui-même issu de cette exégèse luthérienne acharnée, en en niant les fondements historiques, à vider le christianisme de toute sa substance. Au vu des textes passés au crible de ces procédés critiques, Schlier s'avisa soudain contre toute attente que, dans ce contexte précis, croire à la divinité du Christ et à son retour d'entre les morts, s'avérait finalement plus satisfaisant pour l'intelligence et la méthodologie que tous les vains efforts qui voulaient démontrer l'inanité des faits.
La Résurrection n'était pas un mythe consolant, ni une image, mais bel et bien un fait historique, inscrit dans l'histoire du monde et de l'humanité, même s'il en bousculait tous les cadres. Les témoins avaient revu Jésus vivant, en chair et en os, le surlendemain de sa mort sur la croix. Événement incompréhensible, auquel aucun d'entre eux ne s'était attendu, auquel ils n'avaient pas adhéré d'emblée, mais seulement après avoir été mis en face de l'incroyable évidence. Restait que le ressuscité, s'Il demeurait celui qu'ils avaient connu avant, était aussi, et radicalement, un autre. Évidence indicible que les pauvres mots des évangélistes et des saintes femmes peinaient à traduire, tout comme la confusion apparente des déclarations, lorsqu'on les comparait, prouvait a contrario leur fiabilité. Ces gens, sous le choc, ne s'étaient pas concertés afin de mettre au point une histoire cohérente et admissible ; ils n'avaient pas songé que les déclarations des femmes n'étaient pas recevables en droit juif. Ils s'étaient bornés à dire la vérité, telle qu'ils l'avaient vécue, ébaubis, incrédules et bouleversés.
Bouleversé lui-même, Schlier se convertit au catholicisme et publia un petit livre, Sur la Résurrection, qui le fit mettre au ban de son ancienne école, et dont la traduction est enfin disponible. Plus ardu, incontestablement, que le livre du pape, son préfacier, cet opuscule, qui réclame quelques notions de grec et d'exégèse, porte pourtant témoignage de la réalité de l'événement te plus décisif de toute l'histoire de l'humanité : le Christ a vaincu la mort.

ANNE BERNET
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Benoît XVI : Jésus de Nazareth, Flammarion, 430 p., 22,50 euros. Ou Garnier-Flammarion, collection Champs, 10 euros.
Heinrich Schlier :Sur la résurrection de Jésus-Christ. Salvator, 85 p., 14,50 euros.



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