L'Eglise et les immigrés

L'attitude de l'Eglise est parfaitement cohérente... mais cet article de Paolo Rodari laisse un peu perplexe... (17/5/2008)



Les faits (dépêche AFP)

Immigration et criminalité: le gouvernement Berlusconi affiche sa fermeté
Source: http://afp.google.com...
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La police italienne a annoncé jeudi les résultats d'une importante opération contre le crime liée à l'immigration clandestine, illustrant la politique de fermeté que le nouveau gouvernement de Silvio Berlusconi entend mener en matière de sécurité.
Le directeur de la police anticriminelle Francesco Gratteri a fait état de l'arrestation de 383 personnes, dont 268 étrangers, essentiellement originaires de Roumanie et des pays du Maghreb, entre le 7 et le 15 mai, lors d'une conférence de presse.
Les personnes arrêtées sont soupçonnées de trafic de drogue, exploitation de l'immigration clandestine, vols et proxénétisme, a précisé le responsable.
Alors que les Tziganes notamment de Roumanie sont dans la ligne de mire du nouveau gouvernement, Francesco Gratteri a assuré que la lutte contre la criminalité "n'était pas dirigée contre une catégorie de personnes en particulier et qu'elle pouvait aussi bien viser un Italien qu'un ressortissant de l'Union européenne ou un non-Européen".
Une cinquantaine de personnes, essentiellement originaires du Nigeria et d'Albanie, ont été immédiatement expulsées après avoir été interpellées, tandis que 65 autres (majoritairement du Maghreb et du Nigeria) ont été dirigées vers des centres de rétention le temps de vérifier leur identité.
Alors que le ministère de l'Intérieur annonçait les résultats de cette opération, la police municipale de Rome procédait à des contrôles d'identité dans le plus grand camp nomade de la capitale et interpellait une cinquantaine de personnes, selon l'agence Ansa.
"Ces opérations sont le signe du nouveau climat d'intolérance qui s'est instauré à l'égard des étrangers. La recherche de la sécurité doit toujours être accompagnée d'un objectif d'intégration. Nous sommes préoccupés", a déclaré à l'AFP Daniela Pompei de la communauté catholique Sant'Egidio.
Au moins deux campements de Tziganes ont été la cible de cocktails Molotov qui ont déclenché des incendies mardi et mercredi dans la banlieue de Naples (sud), contraignant leurs habitants à prendre la fuite. Il s'agissait d'une opération de représailles après qu'une jeune Rom eut été arrêtée le week-end dernier pour tentative de rapt d'un bébé.
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Le principal allié de Silvio Berlusconi, la Ligue du nord, un parti xénophobe, dont un responsable, Roberto Maroni, est devenu ministre de l'Intérieur, a constamment fait l'amalgame entre criminalité et immigration clandestine.
M. Maroni a assuré jeudi soir qu'il n'y aurait pas d'"expulsions de masse", à l'issue d'une rencontre avec son homologue roumain Cristian David, annonçant la création d'un groupe de travail mixte pour traiter des questions d'immigration et de criminalité.
Parmi les mesures du "plan sécurité" en préparation figure notamment l'obligation de disposer d'un revenu minimum d'origine légale et d'un logement décent, sous peine de rapatriement dans le pays d'origine, une disposition qui vise avant tout les Tziganes.
Quelque 160.000 Roms vivent en Italie: 90.000 sont originaires d'Europe centrale et de l'est, dont 60.000 de Roumanie, selon une estimation de l'association d'aide à cette communauté, Opera Nomadi.
Pour les étrangers non ressortissants de l'UE, M. Maroni veut également créer un délit d'immigration clandestine puni de 6 mois à 4 ans de prison et assorti d'une mesure d'expulsion immédiate.
Il souhaiterait aussi limiter les possibilités de regroupement familial par le biais des tests ADN et construire de nouveaux centres de rétention.



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Aucun doute, le problème n'est pas simple, et le Pape est parfaitement dans son rôle, lorsqu'il s'adresse aux membres de l'assemblée du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement.
(voir ici: Zenit )
Il est normal que le Pape se penche avec sollicitude sur les malheureux, et les familles éclatées, et qu'il nous invite à les accueillir de notre mieux. Que peut-il dire d'autre?

On notera quand même sa conclusion, qui laisse supposer qu'il parle de catholiques: « Qui va à la messe - et il faut faciliter sa célébration aussi pour les migrants et les personnes en déplacement - trouve dans l'eucharistie un renvoi très fort à sa famille, à son mariage, et est encouragé à vivre sa situation dans la perspective de la foi, en cherchant dans la grâce divine la force nécessaire pour y réussir ».

Paolo Rodari revient sur l'ensemble de ces faits dans son blog.
Il donne principalement la parole à la Communauté Sant'Egidio. Eux aussi, ils ont sans doute raison sur certains points, mais il est permis de ne pas être entièrement d'accord avec tout ce qu'ils disent, notamment leur conclusion... économique!!
Et je ne suis pas vraiment d'accord non plus avec l'idée de l'unique voix que constituerait "celle de l'Église, du Pape et d'une grande partie du monde associatif catholique". A mon avis, cela fait au moins deux voix. Dire autrement est une extrapolation et un amalgame.

Article original ici:
Il Papa romeno: «Un errore criminalizzare i romeni». La Chiesa in difesa degli immigrati

Ma traduction



L'Eglise à la défense des immigrés

Alors que dans neuf régions italiennes il y a eu des descentes de police (...) accompagnées de centaines d'arrestations et d'expulsions, alors qu'Umberto Bossi applaudit à ces initiatives parce que "les gens demandent de la sécurité et nous devons la lui donner", alors que le site Repubblica.it fait état d'un sondage dont il ressort que 70% des personnes interrogées voudraient que l'État "chasse" les roms parce qu'"ils font peur", il y a une voix hors du choeur qui dit autre chose.
C'est celle de l'Église, du Pape et d'une grande partie du monde associatif catholique.
Une voix qui, comme l'explique au Réformiste le porte-parole de Sant'Egidio Mario Marazziti, "ne veut pas être "buonista" mais réaliste".

Mais procédons dans l'ordre.
La première intervention hier sur ce thème a été celle du Pape. Recevant en audience les membres du Conseil pontifical de la pastorale pour les migrants et itinérants, Benoît XVI a voulu rappeller qu'il faut favoriser le regroupement familial en cas d'immigration et de mobilité, parce que la famille représente un "facteur d'intégration". "Il ne faut pas oublier - a dit le Pape - que la famille, y compris celle qui est migrante ou itinérante, constitue la cellule d'origine de la societé, à ne pas détruire, mais à défendre avec courage et patience. Malheureusement - a-t'il ajouté - il n'est pas rare que cela se fasse avec difficulté, spécialement dans le cas de ceux qui sont victimes du phénomène de la mobilité humaine ".

La position de l'Église sur les immigrés a toujours été claire.
La priorité est l'accueil.
Mais celui-ci doit être responsable. Autrement dit il faut garantir des droits égaux pour tous et, en même temps, faire en sorte que cela se produise dans un régime de réciprocité. Les immigrés, en somme, doivent respecter les règles du pays dans lequel ils émigrent mais, en même temps, l'accueil doit exister parce que c'est un facteur d'intégration.

Ce n'est pas un hasard si dimanche prochain l'Église de Rome organise place Saint-Jean la "Fête des Peuples" dédiée à tous les étrangers immigrés en Italie. Et, en même temps, s'adresse aux maires, afin qu'ils s'opposent à ceux qui ne voient dans l'étranger qu'une menace.

Et puis il y a le monde associafif.
Hier après-midi la communauté de Sant'Egidio a rencontré en son siège de Trastevere le ministre de l'intérieur roumain Cristian David, peu avant que celui-ci ne rencontre Maroni (ndt: ministre de l'intérieur du nouveau gouvernement, voir plus haut).
Avec lui la Communauté a mis au service du débat ses capacités diplomatiques bien connues pour expliquer qu'en Italie il y a aussi des gens qui n'ont pas une approche idéologique du problème.
Marazziti explique: "L'intégration, y compris celle des roumains, est dans l'intérêt du pays. Nous pouvons ne pas commettre les erreurs du modèle communitariste anglais et en même temps, celles du modèle français qui a amené la formation d'une quantités d'exclus qui, à cause d'un avenir inexistant ont décidé de se rebeller (ndt! !!!) .
Nous pouvons nous engager dans une intégration sociale et responsable, ce qui signifie donner la citoyenneté aux immigrés, les aider à trouver du travail et punir vigoureusemnt les délits. Aujourd'hui le problème est mis au premier plan et ne se base pas sur les données. Dans les prisons, par exemple, nous recevons le même pourcentage par rapport à la population résidente d'immigrés réguliers et d'italiens. Cela met en évidence le fait que l'immigré régularisé ne commet pas plus de délits que les italiens ".
Et encore : "Criminaliser les roumains et les immigrés est une erreur stratégique et un boomerang culturel. Egalement parce que les délits sont toujours individuels. Les généralisations créent des fossés.
Avec la Roumanie, l'Italie a des échanges équivalents à 12 millions d'euros, ne pas se le rappeller est un suicide.
Pendant la campagne électorale on a dit, par exemple, qu'à Rome il y a 85 camps nomades. Mais c'est faux : il y en a seulement 21.
On dit que l'Italie peut se passer des immigrés. Ceci aussi est aussi une considération fausse: cela fait 5 ans que le PIL (ndt: PIB chez nous?) italien serait négatif sans eux ".



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