Un vol de 20 heures, c'est trop long!

C'est la nouvelle du jour pour le Vaticaniste de la Repubblica, Marco Politi. L'article est malgré tout très émouvant. (14/7/2008)





Une quarantaine de journalistes suivaient le Pape, dans l'avion qui l'emmenait vers l'Australie.
C'est peu, au regard du nombre habituel (autour de 70), mais cela s'explique, selon John Allen, par le prix élevé du voyage (15.000 euros, soit, selon ma façon de calculer, environ 100.000F!)
On serait d'ailleurs tentés de penser que c'est encore trop, si on réfléchit que beaucoup d'entre eux sont là non pas, hélas, pour informer, encore moins pour transmettre son message, mais plutôt pour épier la moindre de ses défaillances.
C'est en tout cas l'impression initiale que donne cet article sur le thème archi-rebattu du Pape de 81 ans.
Mais la première lecture est en partie trompeuse, car l'article est au final étonamment bienveillant du point de vue humain, surtout venant de ce journal qui est une sorte de clone italien de notre Libération.. Je l'ai trouvé très émouvant, dans son allusion au terrible fardeau qui pèse sur les épaules fragiles d'un homme ("moi, fragile serviteur de Dieu", homélie de la messe d'intronisation), et à son sens du devoir.
En ce sens, c'est un vrai et bel hommage, pas forcément involontaire, d'ailleurs, puisque Marc Politi devrait bien le connaître...
Toutes les petites histoires, les petits phrases, les petits scandales semblent, à côté de cela, terriblement dérisoires et insignifiants.
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Un mot sur la fatigue du Saint-Père (probablement bien réelle) et le décalage horaire.
Hier, la chaîne de télévision Eurosport diffusait le meeting d'athlétisme d'Athènes. Le recordman du monde du 100 mètres était arrivé de sa Jamaïque depuis une semaine (décalage horaire moindre, mais dans le même sens que celui de l'Italie vers l'Australie) afin d'être en pleine possession de ses moyens.
Le commentateur a expliqué qu'on estimait à une journée par heure de décalage horaire (dans ce sens) le temps de récupération nécessaire à un athlète de haut niveau, pour revenir au top de sa forme.
Et il s'agit d'individus dans la vingtaine.
Certes, le Pape n'est pas un athlète, mais l'enchaînement des rendez-vous et des discours que son agenda lui impose doit bien être quelque chose d'équivalent pour un homme de son âge -qu'il a, indubitablement!.
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Article en italien sur le Blog de Raffaella

Traduction



Le Pontife est arrivé en Australie. Il va tout de suite se reposer dans le calme des Monts Bleus
Il se soigne avec Mozart.
Éprouvé par la préparation des voyages, que son physique supporte mal
21 heures de vol, c'est trop, trois jours de repos à Sydney

Envoyé de La Repubblica à SYDNEY , Marco Politi
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Dans le calme des Monts Bleus Benoît XVI cherche le repos. Pendant trois jours, jusqu'au 17 Juillet, le centre de retraite de l'Opus Dei le protégera de toute intrusion pour lui permettre de se recharger. Il y a les bois pour se promener et le silence pour méditer. On lui a même porté un piano pour jouer de ses musiciens préférés, Mozart, Schubert, Liszt.
81 ans, c'est beaucoup pour supporter 21 heures de vol, un brusque et total changement de fuseau de horaire, un passage rapide des chaleurs de l'été à un temps de novembre.
Mais ce n'est pas seulement cela. La vérité est que la fatigue du pontificat pèse enormément sur les épaules de Joseph Ratzinger. L'homme qui n'aspirait pas à devenir pape, rêvait déjà il y a quinze ans de se retirer sereinement pour étudier, écrire et ne plus penser aux responsabilités de gouvernement. C'était en 1994, précisément à la même époque, que le cardinal Ratzinger annonçait à un journal de sa Bavière, le Mittelbayerische Zeitung, que dans deux ans il comptait se retirer. Trois ans après - il venait d'avoir 70 ans - à quelqu'un qui lui demandait s'il resterait préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi pour un autre quinquennat, il répondit : " Peut-être même moins". Et lorsqu'il lui a été fait remarquer que Jean Paul II tenait beaucoup à sa précieuse collaboration, il répliqua : "Mais il y a les limites des forces".
Ce n'est pas un secret au Vatican que ce n'est que grâce à l'inflexible, et même affectueuse insistance de papa Wojtyla, que Ratzinger n'a pas déposé sa charge au saint-Office. Face à un Pontife qui supportait héroïquement la torture d'un corps qui se défaisait, il n'était possible à personne d'opposer des raisons de santé pour abandonner le terrain.
Mais ce n'est pas non plus un secret que Benoît XVI a beaucoup de mal à s'adapter à la montagne d'engagements qui lui reviennent comme guide suprême d'un milliard deux cents millions de catholiques. Un Pape est seul au sommet de l'Église catholique. Pour autant qu'il puisse avoir des collaborateurs de confiance, à la fin le mot décisif lui revient.
En outre, Ratzinger est une personne méticuleuse dans l'étude des dossiers. Il ne lui suffit pas de reprendre ceux qui lui sont fournis par des cardinaux compétents. Il veut lire, vérifier, pondérer en personne.
Bien qu'il ait décidé de maintenir, dans les limites du possible, l'ancien style de vie qu'il avait comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, qui comprenait un bon repos l'après-midi après le déjeuner, les tensions de la charge papale sont bien autre chose, par rapport à la routine tranquille du Saint-Office.
Il est fatigué par la succession des rencontres, les entretiens avec les personnalités qui viennent du monde entier - chacun avec son lot de problèmes - il est fatigué par la préparation des voyages que son physique a tendance à mal supporter.
Et puis, il y a l'espace qu'il veut se réserver pour écrire. Écrire le second livre sur Jésus, élaborer l'encyclique sociale qui lui prend plus de temps que prévu, rédiger personnellement les discours les plus importants.
"Le Saint-Père a 81 ans, nous ne devons pas l'oublier, nous devons éviter que le poids de ce voyage ne devienne excessif", a confié avant le départ le secrétaire papal don Georg Gaenswein.

Le mystère de Ratzinger est dans son grand sens du devoir. Sa mission, comme il la ressent au plus profond de lui-même, est l'effort de s'opposer à la grande crise de la foi en Occident - à laquelle il a fait allusion en parlant avec les journalistes pendant le vol - en redonnant un sens à la vie chrétienne dans la societé sécularisée.
Ce ne sont pas les règles qui l'intéressent, mais le vécu.
Mais l'entreprise est titanesque. "On ne peut pas contester - commentait-il déjà dans les année 90- qu'il y ait une profonde incertitude en ce qui concerne le credo chrétien. Désormais, il n'existe plus ce langage de base, second lequel on savait ce qu'est la grâce et ce qu'est le péché" .

Hier en arrivant à la base militaire de Richmond, salué par le premier ministre australien Rudd, Benoît XVI a refusé l'hélicoptère pour se rendre à son lieu de repos. 21 heures de vol, cela suffit. Il a préféré faire en voiture les quarante derniers kilométres.
Le premier cadeau qu'il a reçu a été une copie de la "Madone des Aborigènes" , l'image vénérée par les fidèles natifs de l'Australie.
"Beaucoup n'ont pas encore écouté la Bonne Nouvelle de Jésus - a été son premier message aux jeunes australiens - et beaucoup d'autres n'ont pas reconnu dans cette Bonne Nouvelle la vérité salvatrice qui seule peut satisfaire les attentes les plus profondes de leurs coeurs". Avidité humaine, pauvreté, injustice, a-t'il expliqué, se combattent en faisant confiance au Christ.
Tous n'ont peut-être pas compris que c'est là le programme de travail qui lui donne la force d'aller de l'avant.

© Copyright Repubblica, 14 juillet 2008



Après le voyage du Pape
Benoît a le contact avec les gens

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