Les catéchèses sur Saint-Augustin

Un modèle à suivre: écrire pour les simples

Benoît XVI a consacré à ce jour quatre catéchèses à Saint-Augustin.

La quatrième catéchèse, celle consacrée plus spécialement à l'oeuvre, contient cette réflexion du Saint-Père: elle me paraît totalement autobiographique, elle est la clé pour comprendre comment la leçon de l'Evêque d'Hippone a façonné chez Benoît XVI, la fusion des activités pastorales et doctrinales, qui trouve son accomplissement idéal dans ces catéchèses du mercredi.


" Malgré toute son humilité, Augustin fut certainement conscient de son envergure intellectuelle.
Mais pour lui, il était plus important d'apporter le message chrétien aux simples, que de faire des œuvres de grande envergure théologique.
Cette profonde intention, qui a guidé toute sa vie, ressort d'une lettre écrite à son collège Evodius, où il communique la décision de suspendre pour le moment la dictée des livres du De Trinitate, «
car ils sont trop difficiles et je pense qu'ils ne pourront être compris que par un petit nombre ; c'est pourquoi il est plus urgent d'avoir des textes qui, nous l'espérons, seront utiles à un grand nombre »"


Parce que c'était moi, parce que c'était lui

Telles quelles, ces catéchèses constituraient en effet un remarquable ouvrage d'initiation, à l'usage des béotiens, dont je fais partie.
Notre Pape est décidément un pédagogue exceptionnel: car rien n'est plus difficile, que de condenser en quelques pages une pensée et une matière denses, que l'on connaît à fond, comme chercheur, comme spécialiste "pointu", afin de les rendre accessible à tous; et il y réussit ici magnifiquement, sur un ton familier, presque celui du conteur. On sent d'aileurs qu'il prend un grand plaisir à son récit.

Ce sont des textes très personnels qu'il nous livre là: il nous permet de pénétrer un peu dans son univers intime, dans cette relation privilégiée, cette grande amitié, qui, ignorant les barrières de l'espace et du temps, enjambe une mer et plus de 15 siècles pour réunir l'Evêque d'Hippone et celui de Rome. On pense presque à Montaigne, et à son célèbre "parce que c'était moi, parce que c'était lui".
Lui-même l'exprime de façon lumineuse dans la seconde catéchèse:


"Lorsque je lis les écrits de saint Augustin, je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'un homme mort il y a plus ou moins 1600 ans, mais je le perçois comme un homme d'aujourd'hui: un ami, un contemporain qui me parle, qui nous parle avec sa foi fraîche et actuelle."


Il eût été beau de l'entendre vivant...

Pour Joseph Ratzinger, aujourd'hui Benoît XVI, on sent que le grand Saint est encore vivant. Nul doute que s'ils avaient été contemporains, ils auraient été des amis très proches, et auraient pu se livrer à de passionnantes joutes théologiques.

Saint-Augustin l'a certainement accompagné à chaque instant de sa vie, même parmi les plus difficiles.
Günter Grass, qui l'a rencontré à la fin de la guerre dans la boue du terrain d'aviation proche de Munich où les américains avaient parqué leurs prisonniers allemands, raconte, dans son livre de souvenirs "Pelure d'oignons" que, tout en jouant aux dés, il "citait Saint-Augustin, comme s'il avait eu sous les yeux ses confessions latines." (ici)
D'ailleurs, la quatrième catéchèse se conclut par les propos du biographe d'Augustin, Possidius:


« ... je crois que ceux qui purent le voir et l'écouter quand il parlait en personne à l'église, ont pu davantage tirer profit de son contact, et surtout ceux qui parmi les fidèles partagèrent sa vie quotidienne » .

Et le Saint-Père ajoute de façon très touchante:

"Oui, il aurait été beau pour nous aussi de pouvoir l'entendre vivant.
Mais il est réellement vivant dans ses écrits, il est présent en nous et ainsi nous voyons aussi la vitalité permanente de la foi pour laquelle il a donné toute sa vie".


Confidence aux séminaristes romains

Le 17 février 2007, Benoît XVI parlait de Saint-Augustin aux séminaristes romains.:

"Dès le début, je fus fasciné par la figure de Saint-Augustin, puis par le courant augustinien, au Moyen-Age.
Le plus fascinant, pour moi, était
la grande humanité de Saint-Augustin, qui dès le début dut lutter spirituellement pour trouver peu à peu l'accès à la parole de Dieu, à la vie de Dieu, jusqu'au grand 'oui' dit à Son Eglise.
Ce chemin si humain, où, aujourd'hui encore, nous pouvons voir comment commencer à entrer en contact avec Dieu, comment toutes les résistances de notre nature doivent être prises en compte, puis canalisées, avant d'arriver au grand 'oui' au Seigneur. Ainsi,
j'ai été conquis par sa théologie très personnelle, qui s'est surtout développéee dans la prédication".


Homélie à Pavie

Et en Avril 2007, à Pavie, il avait consacré son homélie à la conversion de Saint-Augustin.
Ou plus précisément à ce qu'il appelait ses trois conversions. Et il disait ceci, que l'on peut supposer s'appliquer à lui-même:


- La seconde conversion est celle qui le conduisit à choisir d'abord la vie monastique, et puis à accepter de devenir prêtre, puis évêque d'Hippone, car les gens le réclamaient à grands cris pour remplir cette fonction.
Le beau rêve de la vie contemplative s'était évanoui, la vie d'Augustin s'en est trouvée fondamentalement changée. A présent, il devait vivre avec le Christ, pour tous. Il devait traduire ses connaissances, et ses pensées sublimes, dans la pensée et le langage des gens simples de sa ville.
La grande oeuvre philosophique de toute une vie, dont il avait rêvé, resta non écrite. A sa place, il nous donna quelque chose de plus précieux: l'Evangile traduit dans le langage de la vie quotidienne. Et ce fut la seconde conversion: 'ce que cet homme, souffrant et luttant, dut continuellement réaliser: toujours, à nouveau, être là pour tous; toujours, et de nouveau, avec le Christ, donner sa propre vie, afin que les autres puissent LE trouver, la vraie Vie.


Et un remarquable article (non signé) reproduit par l'agence ASCA disait à ce moment:
"
Ce n'est qu'en complétant le puzzle de ses plus récentes pensées sur Augustin que l'on peut comprendre la sensibilité existentielle, culturelle et pastorale qui prévalent chez Benoît XVI, quand il veut proposer à l'Occident tout entier, et en particulier à l'Europe, un retour à Dieu".
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Ce n'est donc pas uniquement Saint-Augustin qu'on rencontrera ici: j'ai d'ailleurs trouvé sur Internet au moins deux sites en français qui me paraissent exhaustifs sur le sujet ( www.sant-agostino.it/ et www.abbaye-saint-benoit.ch ).
C'est Saint-Augustin, vu par Joseph Ratzinger. Ou, mieux, Joseph Ratzinger, à travers Saint-Augustin, qui continue de nourrir sa pensée, sa théologie, son humanité.
Cette vision n'enlève rien à l'hommage rendu avec humilité au "plus grand des Pères de l'Eglise".
Simplement, elle l'enrichit de la personnalité et du parcours humain de son auteur .

Et elle donne évidemment envie d'en savoir plus sur Augustin, l'alter ego de Benoît XVI/Joseph Ratzinger.

(23 février 2008)


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