Saint Grégoire le Grand

Catéchèse du 28 mai - Ma traduction (29/5/2008)


Plus on écoute ces catéchèses, plus on est fasciné.
Par le génie du conteur. Par la simplicité des mots, et la richesse de la leçon. Par les aspects autobiographiques, aussi, qu'on perçoit au détour d'une anecdote.
Et surtout par le souci d'ancrer les épisodes du passé dans le présent, dans notre présent. C'est-à-dire par l'actualité -nous entendons souvent, sur de tout autre sujets "la modernité" - des situations.
Comment ne pas voir une référence à la situation que nous connaissons aujourd'hui dans le conflit avec les lombards, et le souci du Pape d'évangéliser les "jeunes populations"? Dans l'allusion à la princesse de Bavière Teodolinda, "beau témoignage sur l'importance des femmes dans l'histoire de l'Église"? Dans le souci de Grégoire "que les biens de l'Église, utiles à sa subsistance et à son oeuvre évangélisatrice dans le monde, soient gérés avec une honnêteté absolue... afin que le visage de l'Epouse du Christ ne soit pas pollué avec des profits malhonnêtes".

On dit souvent que l'histoire ne se répète pas.
Peut-être. Mais lorsque le "guide" connaît si bien l'histoire, on peut supposer aussi qu'il est expert en nature humaine, et qu'il jette sur le monde un regard plus ample et plus sage, un regard de haut. Cela m'inciterait à lui accorder ma confiance, comme les gens de l'époque accordaient la leur à Grégoire, "parce qu'ils voyaient en lui la référence autorisée à laquelle ils pouvaient se fier"
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Pour l'anecdote, précisons que le visage du Saint-Père a revêtu à plusieurs reprises durant sa leçon cette expression malicieuse désormais familière qui témoigne de son "humour espiègle". Ce fut en particulier le cas quand il a fait allusion à Teodolinda, puis à la faiblesse de la voix de Grégoire qui le contraignait à utiliser un diacre pour lire ses homélies -c'est à ce moment qu'il a rajouté, a braccio, "Per fortuna oggi esistono i microfoni!"

Texte original en italien sur le blog de Raffaella: magisterobenedettoxvi.blogspot.com/...

Images Papcy and the Vatican on Yahoo, et Papa Ratzinger Forum.


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Chers frères et soeurs !

Mercredi dernier j'ai parlé d'un Père de l'Église peu connu en Occident, Romain le Mélode, aujourd'hui je voudrais présenter la figure d'un des plus grands Pères dans l'histoire de l'Église, un des quatre docteurs de l'Occident, le Pape Saint Grégoire, qui fut Évêque de Rome entre 590 et 604, et qui mérita de la tradition je titre de Magnus/Grand.

Grégoire fut vraiment un grand Pape et un grand Docteur de l'Église ! Il naquit à Rome, autour de 540, d'une riche famille patricienne ... qui se distinguait non seulement pour la noblesse du sang, mais aussi pour l'attachement à la foi chrétienne et pour les services rendus au Siège Apostolique. De cette famille étaient sortis deux Papes : Félix III (483-492), trisaïeul de Grégoire, et Agapito (535-536).
La maison dans laquelle Grégoire grandit s'élevait sur le Clivus Scauri, entourée d'édifices solennels qui témoignaient de la grandeur de la Rome antique et de la force spirituelle du christianisme. L'exemple de ses parents Gordiano et Silvia, tous deux vénérés comme saints, et celui de ses deux tantes paternelles, Emiliana et Tarsilia, vivant dans sa maison comme vierges consacrées dans un chemin partagé de prière et d'ascèse, contribua à lui inspirer de hauts sentiments chrétiens.
Grégoire entra bientôt dans la carrière administrative, que son père avait déjà suivie, et en 572 il en atteignit le point culminant, devenant préfet de la ville. Cette fonction, compliquée par la tristesse des temps, lui permit de s'impliquer à une vaste échelle dans tous les problèmes de ses administrés, tirant de cette expérience des lumières pour ses tâches futures.

En particulier, il lui en resta un sens profond de l'ordre et de la discipline : devenu Pape, il suggérera aux Évêques de prendre comme modèle dans la gestion des affaires ecclésiastiques la diligence et le respect des lois des fonctionnaires civils.
Cette vie toutefois ne devait pas le satisfaire puisque, peu de temps après, il décida d'abandonner toute charge civile, pour se retirer dans sa maison et commencer la vie de moine, transformant la maison de famille en le monastère de Sant'Andrea al Celio.
De cette période de vie monastique, vie de dialogue permanent avec le Seigneur dans l'écoute de sa parole, il lui restera une éternelle nostalgie, qui apparaît de façon toujours renouvelée, et toujours davantage dans ses homélies: au milieu des hantises des préoccupations pastorales, il s'en souviendra plus d'une fois dans ses écrits comme d'un temps heureux de recueillement en Dieu, de dévouement à la prière, de sereine immersion dans l'étude.
Il put ainsi acquérir cette profonde connaissance de la Sainte Écriture et des Pères de l'Église dont il se servit ensuite dans ses oeuvres.

Mais la retraite claustrale de Grégoire ne dura pas longtemps. La précieuse expérience mûrie dans l'administration civile en une période chargée de graves problèmes, les rapports qu'il avait eus dans cet office avec les byzantins, l'estime universelle qu'il s'était acquise, induisirent le Pape Pélage à le nommer diacre et à l'envoyer à Constantinople comme son « apocrisario », - nous dirions aujourd'hui « Nonce Apostolique », afin de favoriser le dépassement des dernières séquelles de la controverse monophysite et surtout d’obtenir l'appui de l'empereur dans l'effort pour contenir la pression lombarde.
Le séjour à Constantinople, là où avec un groupe de moines la vie monastique avait repris, fut très important pour Grégoire, puisqu'il lui donna le moyen d'acquérir une expérience directe du monde byzantin, et aussi d'aborder le problème des Lombards, qui devaient par la suite mettre à dure épreuve son adresse et son énergie durant ses années de Pontificat.

Au bout de quelques années il fut rappelé à Rome par le Pape, qui en fit son secrétaire. C'étaient des années difficiles : les pluies continuelles, les crues des fleuves, la famine, affligeaient beaucoup de zones d'Italie et même Rome. À la fin il y eut aussi la peste, qui fit de nombreuses victimes, parmi lesquelles le Pape Pélage II lui-même. Le clergé, le peuple et le sénat furent unanimes pour choisir Grégoire comme son successeur sur le Siège de Pierre. Il chercha à résister, tentant même la fuite, mais il n'y eut rien à faire : à la fin il dut céder.
C'était en l'an 590.

Reconnaissant en ce qui advenait la volonté de Dieu, le nouveau Pontife se mit tout de suite au travail avec entrain.
Dès le début il révéla une vision singulièrement lucide de la réalité à laquelle il devait se mesurer, une extraordinaire capacité de travail pour affronter les affaires tant ecclésiastiques que civiles, un constant équilibre dans les décisions, même courageuses, que l'office lui imposait. On conserve de son gouvernement une vaste documentation grâce au Registre de ses lettres (environ 800), dans lesquelles se reflète la confrontation quotidienne avec les questions complexes qui affluaient sur son bureau. C'étaient des questions qui venaient des Évêques, des Abbés, des clercs, et aussi des autorités civiles de chaque ordre et de chaque degré. Parmi les problèmes qui affligeaient à cette époque l'Italie et Rome, il y en avait un qui prenait un relief particulier, tant dans le domaine civil qu'ecclésial: la question lombarde.
Le Pape lui consacra toute son énergie en vue d'une solution vraiment pacificatrice.
Contrairement à l'Empereur byzantin qui partait du principe que les Lombards n'étaient que des individus grossiers et prédateurs, à vaincre ou à détruire, saint Grégoire voyait ces gens avec les yeux du bon pasteur, soucieux de leur annoncer la nouvelle du salut, établissant avec eux des rapports de fraternité en vue d'une future paix fondée sur le respect réciproque et sur la sereine cohabitation entre les italiens, les sujets de l'empire et les lombards.
Il s'inquiéta de la conversion des jeunes peuples et de la nouvelle organisation civile de l'Europe : les Visigoths en Espagne, les Francs, les Saxons, les immigrés en Britannia, et les Lombards, furent les destinataires privilégiés de sa mission évangélisatrice. Nous avons célébré hier la mémoire liturgique de saint Augustin de Canterbury, le chef d'un groupe de moines chargés par Grégoire d'aller en Britannia pour évangéliser l'Angleterre.

Pour obtenir une paix effective à Rome et en Italie, le Pape s'employa à fond - c'était un vrai pacificateur -, entreprenant une opération de négociation avec le roi lombard Agilulfo. Cette négociation amena une période de trêve qui dura environ trois ans (598 - 601), après quoi il fut possible, en 603 de signer un armistice plus stable.
Ce résultat positif fut également obtenu grâce aux contacts parallèles que dans le même temps, le Pape entretenait avec la reine Teodolinda, qui était une princesse bavaroise et, contrairement aux chefs des autres peuples germaniques, était catholique, profondément catholique. On conserve une série de lettres du Pape Grégoire à cette reine, dans lesquelles il révèle son estime et son amitié pour elle. Teodolinda réussit petit à petit à guider le roi au catholicisme, préparant ainsi à la paix.
Le Pape prit soin de lui envoyer des reliques pour la basilique Saint-Jean Baptiste qu'elle avait fait ériger à Monza, et ne manqua pas de lui adresser ses souhaits, et des dons précieux pour cette cathédrale de Monza à l'occasion de la naissance et du baptême de son fils Adaloaldo.
L'histoire de cette reine constitue un beau témoignage sur l'importance des femmes dans l'histoire de l'Église.
Au fond, les objectifs que Grégoire n'a pas cessé de poursuivre furent trois : contenir l'expansion des Lombards en Italie ; soustraire la reine Teodolinda à l'influence des schismatiques et en renforcer la foi catholique ; servir de médiateur entre Lombards et Byzantins en vue d'un accord qui garantisse la paix dans la péninsule et en même temps permette d'accomplir une action évangélisatrice parmi les Lombards eux-mêmes. Son orientation constante au milieu de cette histoire complexe fut double: promouvoir des accords sur le plan diplomatico-politique, répandre l'annonce de la vraie foi parmi les populations.

A côté de l'action purement spirituelle et pastorale, le Pape Grégoire se fit aussi le protagoniste actif d'une activité sociale multiforme. Avec les rentes du considérable patrimoine que le Siège romain possédait en Italie, spécialement en Sicile, il acheta et distribua du blé, secourut ceux qui étaient dans le besoin, aida des prêtres, des moines et des religieuses qui vivaient dans l'indigence, il paya des rançons pour des citoyens faits prisonniers par les lombards, acheta des armistices et des trêves.
En outre il accomplit tant à Rome que dans d'autres parties d'Italie une oeuvre attentive de réorganisation administrative, en donnant des instructions précises afin que les biens de l'Église, utiles à sa subsistance et à son oeuvre évangélisatrice dans le monde, soient gérés avec une honnêteté absolue, et selon les règles de la justice et de la miséricorde. Il exigeait que les colons soient protégés contre les prévarications des concessionnaires des terres propriété de l'Église et, en cas de fraude, soient promptement indemnisés, afin que le visage de l'Epouse du Christ ne soit pas pollué avec des profits malhonnêtes.

Cette intense activité, Grégoire l'accomplit malgré une santé fragile, qui le forçait souvent à rester à lit pendant de longues journées.

Les jeûnes pratiqués pendant les années de vie monastique lui avaient provoqué de sérieux dérangements à l'appareil digestif. En outre, sa voix était très faible au point que, souvent, il était forcé de confier au diacre la lecture de son homélie, pour que les fidèles présents dans les basiliques romaines puissent l'entendre. Heureusement aujourd'hui il existe les microphones !

Il faisait malgré tout son possible, les jours de fête, pour célébrer la Missarum sollemnia, c'est-à-dire la Messe solennelle, et alors il rencontrait personnellement le peuple de Dieu, qui lui était très affectionné, parce qu'il voyait en lui la référence autorisée à laquelle il pouvait se fier: ce n'est pas un hasard si le titre de Consul Dei lui fut bientôt attribué.
Malgré les conditions très difficiles au milieu desquelles il dut oeuvrer, il réussit, grâce à la sainteté de sa vie et à sa riche humanité, à se gagner la confiance des fidèles, obtenant, pour son temps et pour le futur, des résultats vraiment grandioses.

C'était un homme immergé en Dieu : le désir de Dieu était toujours vivant dans le fond de son âme et justement à cause de cela il était toujours près du prochain, des besoins des gens de son temps. Dans un temps désastreux, et même désespéré, il sut créer la paix et donner l'espérance. Cet homme de Dieu nous montre où sont les vraies sources de la paix, dont vient la vraie espérance et devient ainsi une guide pour nous aussi, aujourd'hui.


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