Le Christ continue à captiver les coeurs

Un article paru aujourd'hui même dans Il Corriere della Sera: Messori livre son sentiment sur les circonstances de la conversion de Magdi Allam (26/3/2008)
C'est plus une réflexion de sage que du simple journalisme.
Je souscris aux réticences exprimées.
J'aime le ton, résolument chrétien, positif, et même optimiste!
J'aime la défense de l'Eglise, le juste regard sur "Ce qui peut sembler crainte... [et qui] est en réalités prudence, charité vers ces humbles, ces pauvres, ces sans défenses qui porteraient tout le poids d'une attitude provocatrice et effrontée...".

La lettre de Magdi Allam est traduite ici: Document: la lettre de Magdi Alam
Article original en italien: Cristo continua ad avvincere i cuori

http://www.et-et.it/articoli2008/a08c25.html


Le principe qui devrait prévaloir pour tous, et partout, vaut aussi pour le chrétien: présupposer la bonne foi des gens, à charge pour ceux qui doutent ou se méfient de prouver le contraire. C'est aussi dans cette perspective que doit être lue la lettre de Pâques de Magdi Allam.
Lettre au directeur de ce journal (ndt: Le Corriere delle Sera, où est publiée cette tribune, et dont Allam est collaborateur) qui contenait l'annonce que le long processus de son rapprochement au Christianisme était parvenu à son terme et que, au cours de la solennelle liturgie pascale, le Pape lui-même lui administrerait le baptême et le nourrirait avec l'aliment le plus substantiel, l'eucharistie.

Nous rappelons le devoir de la confiance préalable, car ce n'est pas un mystère que, sur le nouveau "Christian" (ndt: jeu de mots intraduisible chrétien/christian) -le prénom que le converti a voulu ajouter au sien- se sont accumulés depuis quelque temps un nuage de soupçons et d'insinuations qui sont sans doute destinés à s'alimenter de nouveaux éléments dont déjà le Réseau (internet) s'exaspère.
Nous, en revanche, qui ne connaissons pas personnellement le nouveau frère dans la foi, mais dont nous avons suivi de loin l'aventure intellectuelle et spirituelle - nous relisons, libres de préjugés, cette lettre vibrante au directeur. Nous la relisons et, bien que ne pouvant pas tout en partager, d'une certaine façon, nous nous avouons frappés par la passion religieuse et civile que la parcourt. Et les soupçons d'opportunisme à l'encontre d'une personne qui est consciente (et le déclare) de confirmer une condamnation à mort qui est déjà sur lui et qui maintenant sera répétée nous semblent inacceptables.

Entre autre- en opposant le cynisme au cynisme de beaucoup d'accusateurs- nous remarquons qu'avec cette profession de foi ouverte, Magdi ne multiplie pas mais, dans au contraire annule les ambitions carriéristes que les diffamateurs lui attribuent: de même que les media sont émoustillés par le prêtre, et non pas l'ex-prêtre, qui médit de l'Église, ce qui intéresse aujourd'hui est le musulman, pas l'ex-musulman, qui critique l'Islam.
Allam avait des qualités professionnelles remarquables et méritait de sortir du lot, mais il est indubitable que ses chance ont été renforcées par la puissance de l'instant historique actuel. Bien étrange carriériste, celui qui renoncerait, sinon par conviction profonde, à une semblable "rente de situation" !

En tout cas, en lisant sans préjugés ce qu'a écrit le nouveau frère dans la foi, nous confessons l'émotion du croyant qui sait, par expérience, à quel point le Christ peut descendre au fond des coeurs et combien de courage il peut vous inspirer, en même temps que l'amour.

Et puis, pour un catholique, les paroles d'estime, de confiance, de compréhension profondes que cet égyptien a réservées et réserve au pape allemand, avec son magistère où foi et de raison avancent en accord fécond, sont édifiantes.

Une fois ceci reconnu, il convient cependant aussi de signaler un certain radicalisme, une impatience, peut-être un excès de fougue qui, entendons-nous bien, ne sont pas la marque du seul Magdi, mais de tout converti qui (au moins dans les premiers temps) est ébloui par la nouvelle lumière.
Ainsi - comme tout chrétien qui se méfie aussi d'un dialogue dégénérant en irénisme- nous ne réussissons pas à partager la condamnation radicale d'un islamisme défini comme "physiologiquement violent" et presque comme "racine de tout mal".
Tout, pour le croyant, est Providence et rien n'est étranger à au moins une portion de vérité: histoire et mystique montrent les misères, mais aussi les grandeurs d'une foi qui se réclame d'Abraham et qui a forgé une civilisation de plus de 16 siècles. Si les fruits ont été trop souvent empoisonnés, en est-il de même de l'arbre tout entier?

Et aussi : on sent résonner une impatience qu'on ne peut entièrement partager, dans les appels à l'Église afin qu'elle trouve le courage d'annoncer Jésus également aux musulmans, afin qu'elle dénonce ce qui se passe dans ces pays et dans les nôtres, et défende à découvert ceux qui - comme Allam lui-même - ont laissé le Coran pour l'Évangile. En réalité il n'y a au monde, aucune institution qui, plus de l'Eglise catholique, connaisse mieux et de plus près, par expérience millénaire, l'Ouma, la communauté de ceux qui vénèrent en Mahomet le dernier des prophètes.
Ce qui peut sembler crainte (et Magdi le sait bien) est en réalités prudence, est charité vers ces humbles, ces pauvres, ces sans défenses qui porteraient tout le poids d'une attitude provocatrice et effrontée. Le réalisme n'est pas diplomatie, politique, crainte.

Problèmes à discuter, certes.

Mais indiscutablement, voilà ce qui compte le plus : ce christianisme, surtout catholique, qu'aujourd'hui beaucoup croient devoir abandonner ne cesse de captiver et de conquérir les coeurs et les esprits de ceux qui pensent, aiment, souffrent, se réjouissent. De ceux qui, en fin de compte, cherchent une vie digne de l'homme.

© Corriere della Sera


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