JMJ: les "sfumature" de John Allen

Une semaine après la fin des JMJ, une bonne analyse de ce qu'elles représentent (28/7/2008)


Après avoir couvert au jour le jour les JMJ - ou plus exactement les activités du Pape dans ce cadre - John Allen, qui n'était peut-être pas sur place (?) livre sa synthèse hebdomadaire, sous un titre énigmatique, qu'il explique un peu plus bas. Comme toujours, il essaie "d'aller plus loin", c'est-à-dire de proposer une grille de lecture susceptible d'avoir des prolongements dans l'avenir, ou, comme il le dit, de chercher "si nous avons vu ou entendu quelque chose de nouveau, tout ce qui pourrait offrir des indices sur l'orientation future de l'Eglise catholique ou de la papauté de Benoît".
On peut dire qu'il vise assez juste.
C'est dommage, mais sans surprise, et bien qu'il se défende d'en faire le point central, c'est le "scandale des abus sexuels" qui focalise son attention.
Le reste n'est heureusement pas oublié...
Sur l'attitude du Pape face auxdits "abus sexuels" (puisqu'il faut bien les appeler ainsi), il souligne la volonté délibérée du Saint-Siège de traiter avec des personnes, dans un cadre spirituel, et non avec des groupes de pression, dans un contexte conflictuel. Le soin avant la polémique. C'est parfaitement conforme à la philosophie de l'Eglise, mais c'est bien de le rappeler, même sous couvert de donner la parole à des "fonctionnaires" du Vatican, contre des "associations" de victimes.
Revenant sur la nouvelle façon de recevoir la communion des mains du Saint-Père (à genoux, et sur la langue, et pas seulement lors de la messe de la Fête-Dieu, mais depuis lors à chaque célébration papale), on peut aussi lui savoir gré d'avoir compris que Benoît XVI souhaite imposer la réforme de la liturgie par l'exemple et l'exhortation, plutôt que par la coercition ou l'imposition: c'est finement vu, et c'est peut-être la manière la plus efficace de faire bouger les choses.

Mais surtout, à propos de l'environnement, après avoir retenu de la part du Saint-Père plus d'allusions à ce thème que je n'en avais moi-même perçues - il y met un brin d'exagération, tournant parfois à l'idée fixe - il souligne, à travers la mise un point d'un think tank libéral qui pourrait fort bien refléter sa propre opinion, que Benoît n'est pas devenu 'vert', ayant seulement "mis en garde non contre une crise climatique, mais contre une crise morale".
Ce qui est l'évidence, mais vaut là aussi d'être répété.
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Article original en anglais ici: http://ncrcafe.org/node/2023
Four Sfumature from the Pope's trip to Sidney

Ma traduction:


Quatre "Sfumature" du voyage du Pape à Sydney
(24 juillet 2008)
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Benoît XVI est de retour en Italie (dans sa résidence d'été de Castel Gandolfo, pour être exact), à l'issue du neuvième, et plus long voyage à l'étranger de son pontificat. En Australie, le pape a réalisé ce qui a été, par de nombreux aspects, un nouveau tour de force (bravura performance).

Le succès de ces sorties se mesure , au moins au niveau des relations publiques, par le fait que les médias locaux se sentent obligés après coup d'écrire des articles du type "l'ex-enforcer montre un visage humain." Les Allemands ont écrit ces histoires en 2005 après les JMJ de Cologne, les Espagnols l'ont fait après la visite du Pape à Valence en 2006, et les Américains ont fait de même il y a trois mois.

Sans surprise, le numéro de lundi du Sydney Morning Herald a publié à la une le titre désormais prévisible : "Du théologien au pape du peuple".

Ces commentaires dithyrambiques, peuvent dans une certaine mesure, refléter la "patte" de la machine à communiquer de l'Eglise, ainsi qu'une volonté citoyenne de "booster" l'évènement - les autorités locales ont investi des ressources considérables pour accueillir une visite papale, de sorte que personne ne souhaite l'échec. En Australie, l'estimation actuelle est que les gouvernements fédéral, des États, et locaux ont versé près de 155 millions de dollars pour subventionner les Journées Mondiales de la Jeunesse.

Toutes autres considérations mises à part, Benoit XVI frappe vraiment les gens comme quelqu'un de bon et de sincère, et ces deux qualités sont généralement suffisantes pour générer des impressions positives.

Combinez cela avec l'érudition de Benoît, et aussi une chorégraphie élaborée et une participation massive associées à des Journées mondiales de la Jeunesse, et il est peu surprenant que les Australiens aient été impressionnés.

Au-delà de ces grandes images, toutefois, la question de fond dans le sillage de ce voyage du pape du 12 au 21 Juillet est de savoir si nous avons vu ou entendu quelque chose de nouveau, tout ce qui pourrait offrir des indices sur l'orientation future de l'Eglise catholique ou de la papauté de Benoît.

A ce niveau, alors que le voyage n'a pas produit de séisme, il a offert un peu de ce que les Italiens appellent 'sfumature'… des petites nuances qui peuvent être significatives. Cette semaine, je propose quatre de ces "Sfumature de Sydney." Ce ne sont en aucune façon les points-clés du voyage, mais plutôt les petites questions à la marge, où quelque chose d'inattendu ou de révélateur a émergé.

I. Benoît sur la crise des abus sexuels
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Benoît a une fois de plus abordé frontalement la crise des abus sexuels, en commençant par répondre à une question à bord de l'avion papal. Comme les États-Unis, l'Église catholique en Australie a été secouée par les vagues des scandales d'abus sexuels depuis le début des années 1990, dont la plus récente éruption quelques jours seulement avant l'arrivée du pape, avec des révélations peu flatteuses sur la façon dont le Cardinal George Pell de Sydney a traité deux cas dans lesquels les victimes ou leurs familles, n'ont pas le sentiment qu'ils ont obtenu justice (certains observateurs ont estimé le moment de ces révélations troublant, soupçonnant un effort délibéré pour mettre Pell dans l'embarras).
Comme il l'a fait aux États-Unis, le Pape Benoît XVI a exprimé de «la honte» sur la crise et a souhaité poursuivre sur la voie de la justice, la réconciliation et la guérison. Et comme aux États-Unis, le pape a eu une rencontre privée avec un petit groupe de victimes, qui ne faisait pas partie de son programme officiel et n'avait pas été annoncé à l'avance. Les quatre victimes, deux hommes et deux femmes, ont rencontré Benoît en compagnie de leurs soutiens et d'un prêtre affecté à la pastorale de sensibilisation aux victimes. Le pape a célébré la Messe pour le groupe et a ensuite rencontré individuellement chaque victime, en tout la rencontre a duré à peu près une heure.

Trois points méritent d'être mentionnés.

(1) Excuses: C'est la première fois qu'un pape utilise en public les mots magiques: «Je suis désolé», en évoquant la crise. Certes, la substance de ce que Benoît XVI avait déclaré aux États-Unis transmettait cette idée, et les médias américains se référent habituellement aux «excuses» du pape, pourtant, Benoît n'avait encore jamais directement déclaré: «Je suis désolé.»
Il n'avait apparemment pas prévu de le faire en Australie non plus, parce que dans le texte initial de son homélie de la Messe à la Cathédrale St. Mary, où il développait son traitement de la crise, les mots n'étaient pas là. Toutefois, oralement, Benoît a ajouté la ligne suivante: "En effet, je suis profondément désolé pour la douleur et la souffrance que les victimes ont subies, et je les assure que comme leur pasteur, je partage leur souffrance."
Le Vatican n'a fourni aucune explication officielle pour l'ajout, mais ce que cela sous-entend semble assez clair. À bord de l'avion du pape, un journaliste australien a demandé au pape s'il prévoyait de présenter des excuses pour la crise. Benoît n'a pas répondu directement, mais présenté les principaux points de son approche et a ajouté que c'était la substance de ce que le mot "excuses" signifie. C'était suffisant pour que les médias australiens annoncent à grand fracas de spectaculaires excuses du pape. Plus tard, le porte-parole du Vatican, le père jésuite Federico Lombardi,mettait en garde la presse contre la tentation d'"anticiper" ce que le pape pouvait dire, mais à ce point, le train avait déjà quitté la gare.
Puisque Benoît est évidemment désolé pour la crise, il était naturel pour lui de le dire. Pourtant, la modification du texte à la dernière minute n'en illustre pas moins que Benoît et son entourage sont de plus en plus sensibles à la réaction du public.

(2) Blâme: Benoît XVI a pour la première fois pointé un doigt accusateur sur la crise, suggérant à bord de l'avion papal que le "proportionalisme," une théorie morale en vogue dans les années 1960 et 70 a pu jouer un rôle. Comme j'ai consacré la semaine dernière un article à ce sujet, je ne vais pas développer ici, seulement noter que, dans un communiqué de presse publié après la rencontre avec le pape, deux des victimes (qui sont restées anonymes) ont indiqué que Benoît leur avait dit que les abus doivent être stoppés "au stage de formation au séminaire" (seminary training stage), peut-être une confirmation indirecte que le pape estime que quelque chose allait de travers dans la formation morale.

3) Modèle pour la rencontre avec les victimes: la rencontre de Benoît avec les victimes aux États-Unis était une nouveauté, il aurait donc été vain de tenter de repérer un schéma. Après la deuxième rencontre en Australie, toutefois, on peut commencer à voir un modèle de la façon dont le Vatican a l'intention d'organiser de telles affaires. Les deux ont impliqué de petits groupes, cinq victimes aux États-Unis et quatre en Australie, afin de permettre l'intimité. Les deux rencontres ont eu lieu dans les chapelles, fournissant un cadre spirituel naturel. Ces deux réunions ont été jalousement gardées secrètes jusqu'à l'issue de leur déroulement.
Cependant, peut-être l'élément le plus frappant est-il la décision de contourner les plus visibles et les mieux organisés parmi les groupes de défense des victimes. Aux États-Unis, les dirigeants du Survivors Network of Those Abused by Priests (Réseau des survivants des personnes victimes d'abus par des prêtres), le plus en-vue parmi ces groupes, n'ont pas été invités à y participer. Ils n'ont pas été consultés ou informés à l'avance. En Australie, l'équivalent local de la SNAP, un groupe appelé "Broken Rites», a été pareillement tenu à l'écart.
Les porte-parole de ces groupes offrent une explication toute prête: le Vatican veut n'avoir affaire qu'à des victimes dociles afin de créer l'apparence de la compassion, sans engager les questions de fond que des voix plus critiques soulèveraient certainement.
Chris MacIsaac, un porte-parole de Broken Rites, voit les choses ainsi: "Vous pouvez toujours sélectionner quelques personnes triés sur le volet qui sont satisfaites de quelque chose», dit-elle. "Rien n'est jamais totalement mauvais ou totalement juste, mais s'ils veulent résoudre ce problème, ils doivent écouter les gens qui ont des griefs là-dessus."
En arrière-fond, les fonctionnaires de l'Eglise font entendre une autre voix. Ils disent qu'ils ne veulent pas que ces réunions se transforment en un cirque médiatique, ni ne cherchent à lancer un dialogue formel avec tel groupe ou mouvement. Au lieu de cela, ils veulent que le pape rencontre les victimes en tant qu'individus, en particulier les personnes qui sont véritablement motivées par la guérison et la réconciliation. Ceci est conçu comme un exercice pastoral, disent-ils, pas une astuce de "public relation" ou un débat d'orientation.
En tout état de cause, le choix semble assez clair. Le temps nous dira si le fait de court-circuiter les défenseurs les plus connus des victimes provoquera un retour de flamme, ou bien réussira à conduire le dialogue dans un sens moins conflictuel.

II. L'environnement
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(..) C'est un fait frappant que la préoccupation sociale ou culturelle le plus souvent citée par le Pape Benoît XVI en Australie a été l'environnement. Le pape a parlé de thèmes écologiques à sept reprises:

Son message pour le peuple de l'Australie et les pèlerins des Journées Mondiales de la Jeunesse, avant le voyage; À bord de l'avion papal, en réponse à une question sur le changement climatique; Son discours à la maison du gouvernement lors des Souhaits de bienvenue; Des commentaires à son arrivée aux Journées Mondiales de la Jeunesse à Barangaroo, un quai de Sydney; la visite à des jeunes défavorisés, pris en charge par le programme "Alive"; une rencontre inter-religieuse à Sydney, dans la cathédrale de St. Mary; l'homélie de la Messe de clôture des Journées Mondiales de la Jeunesse.


Je prépare pour NCR un dossier sur la croissance de la conscience écologique dans le catholicisme, je ne vais donc pas m'étendre ici. A la place, je vous propose un échantillon de ce que le pape avait à dire. Ce passage est tiré de l'allocution du pape à Barangaroo:
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Non sans réticence, nous en venons à admettre qu'il y a aussi des blessures qui marquent la surface de la terre: l'érosion, la déforestation, le gaspillage des ressources minérales et marines pour alimenter un consumérisme insatiable. Certains d'entre vous viennent d'îles-états, dont l'existence même est menacée par l'augmentation du niveau de l'eau; d'autres de pays qui souffrent des effets d'une sécheresse dévastatrice. La merveilleuse création de Dieu se transforme parfois en une réalité presque hostile pour ses gardiens, comme quelque chose de presque dangereux. Comment ce qui est "bon" peut-il apparaître si menaçant?
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S'il y a un "tour" caractéristique à ce que le pape a déclaré en Australie, c'est la nécessité de reconfigurer les modes de vie, au-delà et en-deça des questions de politique. A maintes reprises, Benoît a mis en garde contre ce qu'il a appelé la "folie de la mentalité consumériste."

Un signe qu'il a été écouté: l'Acton Institute, basé à Grand Rapids, think tank avec un message favorable au libre marché, a publié un communiqué de presse rejetant l'impression que le pape soit "devenu vert" dans le sens laïque. Benoît n'a pas mis en garde contre une crise climatique, déclare le communiqué d'Acton, mais contre une crise morale.

III. Les Journées mondiales de la jeunesse comme «pèlerinage évangélique"
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Parmi les remarques de la messe de clôture, en remerciant Benoît XVI, Pell a déclaré que les Journées mondiales de la jeunesse agissent comme un antidote à l'image d'un catholicisme en déclin ou en proie à la controverse. "Cela montre l'église telle qu'elle est réellement,"a déclaré Pell , "vivante, avec une énergie évangélique."
Cette ligne pourrait servir de devise pour l'émergence d'une Journée mondiale de la Jeunesse comme "pèlerinage évangélique", clairement mise en évidence au cours de l'édition de Sydney. J'ai écrit un essai sur ce sujet, à lire ici: http://ncrcafe.org/node/2003
En résumé, les Journées mondiales de la Jeunesse sont généralement appelées un "pèlerinage", et les premières éditions ont effectivement été des pèlerinages dans le sens classique du terme, avec des destinations traditionnelles comme Saint-Jacques-de-Compostelle en Espagne et le célèbre sanctuaire polonais de la Vierge Noire de Czestochowa .
Chemin faisant, cependant, d'énormes taux de participation et l'énergie de la jeunesse ont fait des Journées Mondiales de la Jeunesse un "happening" dans le sens laïque, captant l'intérêt de la presse et l'imagination populaire.
Des fonctionnaires de l'Eglise ont commencé à comprendre que la valeur d'une JMJ ne réside pas seulement dans son impact sur les jeunes qui y prennent part, mais sur la culture la plus large. En bref, ils ont compris que les Journées Mondiales de la Jeunesse ont un énorme potentiel évangélique pour secouer le monde séculier.
Aujourd'hui, la question-clé, en décidant d'organiser l'événement, n'est plus de chercher l'endroit dont les JMJ ont le plus besoin, mais plutôt l'endroit qui a le plus besoin des JMJ. La réputation de l'Australie comme une société ultra-laïque éloignée des centres traditionnels de la foi en a fait un choix naturel.
L'annonce que la prochaine édition, en 2011, se tiendra à Madrid, s'inscrit également dans cette tendance. Non seulement l'Europe occidentale est le seul endroit sur terre où la laïcité fait vraiment partie de ce que les sociologues appellent le "package" culturel de base, mais sous le gouvernement socialiste du Premier ministre José Luis Rodríguez Zapatero, l'Espagne a également vu de féroces affrontements église / état. L'église espagnole cherche des moyens de s'affirmer, et nul doute qu'une Journée mondiale de la Jeunesse sera une manière remarquée d'envoyer le message que «nous sommes toujours là."

IV. Une goutte de Tradition
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Les Papes influencent la vie liturgique de l'église, c'est à dire la façon dont les catholiques célébrent la Messe et les autres rites de la foi, principalement de deux façons. L'une, à travers les règles émises par le Vatican, l'autre par l'intermédiaire de leur propre exemple. La première est coercitive, tandis que la seconde est plus indirecte et, pourrait-on dire, exhortative. Parfois, leurs propres pratiques liturgiques permettent aux papes de donner une impulsion au culte de l'église dans une direction donnée, même s'ils ne sont pas prêts à la rendre contraignante.
Benoît pourrait avoir donné une telle impulsion à Sydney, à travers la manière dont il a distribué la communion.
Tant à la Messe papale du samedi à la Cathédrale de Ste Mary's, qu'à la messe finale des JMJ de dimanche au champ de courses de Randwick, ceux qui ont reçu la communion directement de Benoît l'ont fait sur la langue, et à genoux. Cette posture était la norme dans les années qui ont précédé le Concile Vatican II (1962-65), mais dans les décennies qui ont suivi, il est devenu plus courant pour les catholiques de recevoir la communion debout, souvent dans la main.
Ce changement a été controversé dans certains milieux, les critiques suggérant qu'il diminue la vénération pour l'Eucharistie. D'autres, cependant, disent que la communion dans la main a été largement pratiquée dans l'église primitive - un exemple, disent-ils, de la récupération par Vatican II d'une coutume de la tradition plutôt que d'inventer quelque chose de nouveau (Saint-Cyrille de Jérusalem, par exemple, au quatrième siècle conseillait aux fidèles de faire "un trône de leurs mains" pour recevoir le roi dans la communion).
En Mai dernier, au cours d'une Messe à Rome pour le Corpus Christi, la fête du Corps du Christ, l'utilisation par Benoît d'un prie-Dieu et la distribution de la communion sur la langue firent sensation. À l'époque, des fonctionnaires du Vatican avaient déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un changement permanent dans la liturgie papale, mais que cela visait plutôt à souligner l'importance du Corpus Christi, qui se concentre précisément sur l'Eucharistie. Ils avaient également insisté sur le fait qu'il n'y avait «pas de débat» concernant l'émission de nouvelles normes rendant obligatoires la communion sur la langue, ou la position à genoux.
Notoirement, Benoît est en quelque sorte un traditionaliste liturgique, dont l'approche a jusqu'ici été de donner à des traditions négligées un nouveau "bail", en les rendant facultatives, plutôt qu'en les imposant par la force du droit. L'exemple le plus saillant a été son motu proprio autorisant une plus large célébration de la messe latine ancienne, tout en conservant la Messe réformée en langue vernaculaire comme le mode de culte "normatif".
Dans cet esprit, la décision de Benoît de distribuer la communion comme il l'a fait à Sydney peut avoir été destinée à renforcer son invitation verbale à approfondir la dévotion eucharistique. Par extension, le pape pourrait avoir invité les congrégations locales à travers le monde à réfléchir s'il pourrait y avoir des occasions analogues, où une touche de tradition se justifierait dans leur propre cadre.
D'ailleurs, à Sydney, le pape a peut-être viré dans une direction classique en ce qui concerne la communion, mais sur plusieurs autres points, les traditionalistes "pure-laine" ont clairement été déçus. Par exemple, au cours de la messe de clôture, un groupe d'insulaires des îles Fidji en pagne a effectué une danse traditionnelle dans le cadre de la procession avec le Livre des Evangiles, tournée en dérision par une critique comme "inculturation run amuck."
Des observateurs attentifs ont également noté que, lors de la Prière eucharistique, Benoît XVI a suivi la traduction actuellement autorisée de l'expression latine pro multis: "pour tous", malgré qu'en Octobre 2006, le Vatican avait enjoint aux Conférences épiscopales anglophones d'adopter la traduction "pour beaucoup". Pour certains critiques, il s'agissait d'un exemple du pape misant sur la collégialité, c'est-à-dire le désir de compter sur l'action des Conférences épiscopales, plutôt que sur la fidélité.

Pour mémoire, les centaines de prêtres qui ont apporté la communion dans l'hippodrome de Randwick , ce dimanche, ont en général distribué les hosties dans la main à ceux qui étaient debout - c'est-à-dire la grande majorité des personnes ayant reçu la communion à la messe papale, dans ce que l'on pourrait grosso modo appeler le style "post-Vatican II". Ce mélange d'ancien et de nouveau, mettant l'accent, peut-être, sur la continuité de Vatican II, avec ce qui s'est passé avant, pourrait être vu comme une "Benedictine touch" caractéristique.


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