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Benoît XVI, le Pape incompris

d'Isabelle de Gaulmyn (7/9/2008)


Je viens juste d'achever la lecture du livre d'Isabelle de Gaulmyn, "Benoît XVI, le Pape incompris", que j'ai déjà évoqué dans ces pages (Un livre d'Isabelle de Gaulmyn sur le Pape ).
Il est intéressant par ce qu'il révèle, non du Pape, mais de ceux qui prétendent représenter les catholiques, en France, et se préparent à l'accueillir.
On peut donc le lire, au moins pour cela.


Commençons par le meilleur: abordant un nombre limité de thèmes, puisqu'essentiellement circonscrits dans un laps de temps qui commence avec l'élection de 2005, et surtout de faits dont l'auteur a manifestement été le témoin direct, c'est un livre au ton vraiment personnel. Il ne ressemble pas à ces pavés qui, brassant une grande quantité de sujets, semblent l'oeuvre indigeste d'une armada de documentalistes branchés sur Google. Et il est réellement très bien écrit, dans une langue élégante: il se lit d'une traite.

L'introduction, et les premiers chapitres, regroupés sous le titre significatif "Fin du Pape superman", nous font brièvement pénétrer dans l'univers des journalistes accrédités au Vatican. Les "vaticanistes", puisque c'est ainsi qu'ils s'appellent eux-mêmes. C'est selon moi le meilleur du livre, c'est très intéressant, et c'est assez savoureux. Car que fait un "vaticaniste" au... Vatican, sous Benoît XVI? Faute de grain à moudre, il s'ennuie à longueur de journée, et il tue le temps (mais alors, pourquoi ces mêmes gens harcèlent-ils le Pape jusqu'à son lieu de vacances, puisque c'est si peu intéressant?). Ceci expliquerait sa frustration, qui se traduit par le traitement médiatique que l'on constate.

L'auteur brosse également dans cette première partie, à très grands traits, un portrait ("la vie monacale d'un vieil intellectuel") qui oscille entre une admiration teintée de sympathie, et une irritante condescendance - pour son âge, son mode de vie, sa fragilité, jusqu'à, de façon déplacée, sa "petite taille".
L'impression générale que l'on cherche à donner ici se résume en un mot: SECRET. Car Isabelle de Gaulmyn a l'honnêteté d'admettre qu'elle ne sait rien de particulier sur la vie du Saint-Père, gardé par un secrétaire tout aussi secret que lui, "veillant jalousement sur la tranquillité de son Pape"; rien de plus, en tous cas que ce que dévoile par exemple le remarquable téléfilm de Giuseppe de Carli "Il papa dell'amicizia con Dio".

Pour le reste... eh bien on y découvre l'explication du titre, qui m'avait intriguée, car je trouvais que "Pape incompris" aurait pu être avantageusement remplacé par "Pape inconnu" (et pas "méconnu!).
Benoît XVI est effectivement inconnu - du grand public, mais surtout incompris - par l'auteur!
Le catholicisme que représente Benoît XVI, et celui dont Isabelle de Gaulmyn se voudrait le porte-parole sont des univers parallèles et disjoints. Ils n'ont pas grand chose en commun, et presque rien de ce que fait le Pape ne semble trouver grâce à ses yeux.
Oh, bien sûr, tout cela est dit sur un ton feutré et courtois, des qualités ou réussites évidentes sont reconnues, des excuses concédées, il y a même quelques apparences d'approbation, mais que ce soit sur le thème du gouvernement de l'Eglise et de la non-réforme de la Curie, de la liturgie révisée (le "nouveau" Mgr Marini en fait trop...) et de l'affirmation de l'identité catholique, du rapport avec les tradis et les "intégristes", des relations avec l'Islam (elle fait partie de ceux qui voient dans le discours de Ratisbonne une bourde de communication, et même la visite à la mosquée bleue d'Istanbul lui apparaît comme "dépourvue de logique"), de la dictature du relativisme dénoncée par le Pape, qui s'inscrit "dans la kyrielle des ismes négatifs utilisés si souvent par le souverain pontife" (page 184) (les allusions qu'y font les hauts responsables de l'Eglise tiendraient du "phénomène de cour"... ce qui est faire bon marché de leurs convictions), de l'oecuménisme... au point mort, de la place des femmes au sein de l'Eglise, du mariage des prêtres (elle prétend que jusqu'à la fin du XIIème siècle, les prêtres pouvaient se marier, je n'en sais rien, mais ce n'est pas ce que dit Messori)... j'en oublie sûrement, les questions sont autant de condamnations, et l'attitude de l'auteur est un scepticisme systématique, et bien français.
Benoît XVI devrait sans doute apprendre de ces "catholiques adultes" comment mener la barque de Pierre, comment "faire le Pape", en somme.

Il y a quelques beaux passages, comme le récit de la visite au sanctuaire de la Sainte Face de Manopello, en septembre 2006: "Longuement, debout, il contemple en silence le visage qui s'inscrit dans la transparence du voile... Le Pape a un regard concentré, fixe et immobile, comme cherchant à voir quelque chose au-delà de l'image"...
Comme aussi celui où elle évoque une des catéchèses a braccio, celle sur Denys l'Aréopagyte, au lendemain du voyage aux Etats-Unis. Elle écrit bellement "Lorsque le Pape improvise, c'est toujours impressionnant. Il regarde devant lui fixement, comme s'il lisait une page dans le ciel". (page 101)
Mais là, c'est pour déplorer, un peu plus loin, que "le pélerin qui viendrait Place Saint-Pierre ... pour en repartir avec un message sur le monde d'aujourd'hui en serait pour ses frais" (il est trop facile de lui répondre que Benoît XVI a le talent de faire ressortir, à travers ces portraits des pères de l'Eglise, le caractère intemporel de l'humanité et de l'Eglise: à chaque fois, en effet, on perçoit à quel point les situations qu'il évoque sont "modernes" et même transposables à notre époque).

Je regrette que pour étayer sa théorie d'un Pape peu médiatique, qui refuse de "faire la star", Isabelle de Gaulmyn déforme parfois la réalité.
Par exemple, il aurait "appris" à lever les bras "de façon un peu mécanique" en agitant ses poignets, pour saluer les gens (alors que c'est le premier geste, extraordinaire, qu'il a eu spontanément lorsqu'il est venu sur la Loge des Bénédictions, le 19 avril 2005, et que des images d'archives témoignent que ce geste lui était déjà familier quand il était archevêque de Munich... en 1977).
Ou encore: "Benoît XVI n'est guère favorable aux grandes foules. Faire du chiffre ne l'intéresse pas. D'ailleurs, il n'en fait pas, rassemble beaucoup moins de monde que son prédécesseur sur son passage, et son entourage s'est résigné à ne plus donner à la presse, à chaque fois, le nombre de participants" (page 35). Faux, archi-faux, et même résolument contraire aux faits, je suis formelle, et cela a été prouvé dans plusieurs pages de ce site (http://benoit-et-moi.fr/2007/...): les chiffres sont bel et bien publiés, puis décortiqués, la foule énorme qui se presse pour le voir, bien plus importante que pour Jean-Paul II est reconnue par tout le monde, et a longtemps été une cause de perplexité pour le microcosme journalistique!

Le livre se termine par un chapitre intitulé "De Rome à Jérusalem", où est évoquée la figure du Cardinal Martini. C'est peut-être une clé pour comprendre ce livre.

Au final, l'auteur, dans son introduction, avouait le but que, "après avoir lu ce livre, le lecteur se plonge dans les discours du Pape".
Pour y retrouver quoi? L'image brouillée d'un intellectuel certes brillant mais secret, profondément pessimiste et même sombre, tourné vers le passé, frileusement replié sur sa culture germanique, en un mot, désespérément européen, que le livre prétend lui faire découvrir? Ou le vrai Benoît qui, à l'exception des deux premiers points, est diamétralement opposé à ce portrait?

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