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Gérard Leclerc, après la visite de Benoît XVI

Il nous livre son journal personnel dans la revue France-Catholique (26/11/2008)

Gerard Leclerc avait déjà livré ses impressions " à chaud" (voir ici: http://beatriceweb.eu/BenoitEnFrance )

Je ne regrette pas d'avoir acheté la version papier de la revue France-Catholique, à laquelle il collabore, même si son "journal" dont je reproduis ci-dessous de larges extraits des pages les plus récentes figure en entier sur le site: http://www.france-catholique.fr/Apres-la-visite-de-Benoit-XVI.html

Après la visite de Benoît XVI

16 SEPTEMBRE
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Benoît XVI est reparti pour Rome, et je reste, comme beaucoup, la tête le cœur, plein d’images et de souvenirs. Il ne m’était pas possible de les noter au fur et à mesure de ces quatre journées, mon emploi du temps consistant principalement à suivre le Pape dans ses étapes de Paris et de Lourdes. Je ne referai pas ici la synthèse que j’ai faite par ailleurs, même si je ne me priverai pas d’en reprendre certains éléments.
D’abord le Pape lui-même. J’ai confié plusieurs fois mon sentiment que les éminentes qualités du cardinal Ratzinger se trouvaient amplifiées, surdéterminées par son accession au siège romain. C’est pour moi un sujet de réflexion sans fin. J’ai vu le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lors de deux de ses passages à Paris. J’avais respect et admiration pour lui. Sa discrétion extrême constituait le pendant de sa sûreté doctrinale et de sa maîtrise intellectuelle. Mais je ne l’aurais pas imaginé en pape? ! Il faut dire que l’aura de Jean-Paul II était telle qu’on avait peine à lui inventer un successeur.
Pourtant, l’heure venue, les cardinaux ne se sont même pas donné le luxe d’hésiter. Celui-là s’imposait. Pardon, mais je vois dans cette décision une sorte de « preuve » de l’assistance de l’Esprit Saint. Les spéculations vaticanistes, même sous la plume des meilleurs, m’ont toujours indisposé, avec leur catégorisation, leurs investigations sur les manœuvres de couloir. Je ne nie pas la part de tractation, d’échanges, voire de calcul qui existe entre membres du Conclave. Mais je crois que, sans naïveté, on peut juger leur importance subordonnée, eu égard à la suprématie de l’enjeu et de la concentration ex­trême sur la figure singulière de celui qui doit être choisi. Karol Wojtyla et Joseph Ratzinger se sont imposés par la force de leur personnalité, leur rayonnement et par la conviction impérieuse du collège cardinalice que ce ne pouvait être que ceux-là !

Cette suprématie s’est finalement imposée à l’opinion française en général
. J’ai été frappé par le titre qu’un quotidien aussi populaire que Le Parisien avait trouvé pour sa une « Un Pape qui va marquer! » (en réalité: ce pape va compter, ndr). C’est une évidence qui s’est imposée dès la première journée de la visite. Le cardinal André Vingt-Trois avait noté que le Pape demeurait largement inconnu des Français en s’appuyant sur un sondage révélateur. Pour qu’il y ait une réelle empathie avec un personnage public, il faut que s’affirme une certaine familiarité. Celle que Jean-Paul II avait imposée très vite. Pour un homme aussi intérieur que Benoît XVI, l’empathie se révélait plus difficile. Et puis les médias n’avaient dit que des bêtises à son sujet. Je ne pense pas seulement à l’inepte « panzer-kardinal ». La typologie qui classe les hommes selon des critères politiques du type conservateur-progressiste est inadéquate à faire entrer dans l’univers propre des hommes d’Église. Il a donc fallu « l’épreuve » de la visite, pour que l’opinion française soit en relation directe avec un pape qui s’exprimait dans sa langue avec plus que de l’aisance, de la virtuosité. Elle s’est aperçu ainsi qu’il s’agissait d’une personnalité tout à fait singulière dont la hauteur de vue, la cordialité et la simplicité renvoyaient à une dimension peu commune, et en tout cas appartenant à un ordre qui n’est pas celui de la politique.

Ce qui frappe d’abord, lorsqu’on voit et entend Benoît XVI, c’est le sentiment de l’homme intérieur. Le mot n’est pas à prendre dans une acception directement psychologique, celle qui oppose l’introverti à l’extraverti. Il renvoie à toute la culture chrétienne qui a longuement réfléchi à cet espace intérieur qui est celui de la prière, de l’examen personnel, de la relation au maître intérieur, et généralement désigne la vie mystique dans le château de l’âme décrit par Thérèse d’Avila.
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Benoît XVI est le vivant exemple d’une intériorité habitée, d’une présence à soi-même qui a toute la profondeur de cet espace où Dieu est présent. Le paradoxe est que cela passe par la discrétion, la réserve. Imagine-t-on la chape de plomb qui est tombée sur les épaules de Joseph Ratzinger le jour où son élection l’a, en quelque sorte, livré aux foules, à ce redoutable contact de la masse où son prédécesseur était si naturellement à l’aise, mais que lui a dû apprivoiser en prenant énormément sur lui?
Il faut dire que la tâche lui est facilitée par la nature particulière des assemblées qu’il rencontre et qui ont vocation à être liturgiques, et donc à rentrer dans une démarche de communion.
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10 SEPTEMBRE
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...
Il [y] a .. une réserve - typiquement protestante - à l’égard du cérémonial qui entoure le Pape et où [on dénonce] une forme d’idolâtrie : « Il y a un culte de la personnalité absolument incroyable ! La papauté est au cœur du rapport ambigu que nous avons avec le catholicisme comme force politique. » ...

Quant à moi, catholique, comment me débrouiller avec cette accusation d’idolâtrie? À vrai dire, je n’y crois pas une seconde. Mais il me faut bien m’expliquer avec ceux que le phénomène étonne, indispose ou révolte. Cela commencerait par la phénoménologie de mes propres sentiments. Face à Jean-Paul II, à Benoît XVI, je reconnais éprouver un sentiment de joie profonde, mais justement à proportion de ce qu’ils sont. C’est-à-dire le contraire d’idoles. De serviteurs qui ne cessent de renvoyer à l’Autre, dont ils témoignent.
L’affection qu’ils suscitent est la plus légitime qui soit, elle se rapporte à une beauté et une bonté indiciblement liées à la vérité qui les habite… Je reconnais ainsi leurs singularités. C’est « le Pape » incontestablement que je salue, applaudis et révère, comme successeur de Pierre, porteur d’une autorité qui le distingue et le met à part, mais nullement anonyme, incarnée, proche en dépit de la distance qui est la sienne et le protège aussi de l’idolâtrie.

Lorsque j’observe les manifestations des jeunes qui scandent « Benedetto », j’éprouve aussi la singularité et la distance qu’ils manifestent par rapport aux idoles modernes qu’ils pourraient acclamer. Ce n’est ni la force, ni la séduction mondaine, ni la fascination pour l’apparence qui se révéleraient vite tromperie et avoueraient l’erreur d’identification qu’indique l’étymologie première, du grec : l’idole, c’est en effet le fantôme. Mais je reconnais bien volontiers la difficulté pour un protestant de rentrer dans ce style de rapport, sa théologie le rendant fort éloigné du charisme de Pierre. À cette réserve près que Benoît XVI en a touché plus d’un lors de son passage à Paris.
(...)

20 SEPTEMBRE
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Les Bernardins ! (...) Il y a quelque chose de saisissant dans cette beauté architecturale qui vous pousse au-delà de vous-même. On se dit qu’il sera difficile d’être médiocre dans un cadre qui appelle à se surpasser.

Et de ce point de vue, la leçon inaugurale du Pape était étonnamment accordée à l’appel du lieu. C’est comme si Benoît XVI s’en était imprégné par avance, qu’il en avait lui-même rêvé.
(...)
Mais qui sont donc les personnes ici réunies pour écouter le Pape? L’attente du visiteur, qui durera une heure et demie, permettra de s’en rendre compte. Le « monde de la culture » est bel et bien ici assemblé dans une diversité étonnante. Bien sûr, les chrétiens connus comme tels sont nombreux, mais ils sont mêlés à toutes sortes de figures, parfois inattendues. Je constaterai que ces dernières sont aussi attentives, aussi bienveillantes, et parfois aussi enthousiastes. Il y a une grâce de la parole papale. Et pourtant, Benoît XVI ne ménage pas son monde. Il l’entraîne dans une méditation assez escarpée. Les visages sont concentrés pour suivre ses paroles. Il faut tendre l’oreille car l’audition n’est pas parfaite. Petite défaillance technique, même pas imputable à la technologie très performante des Bernardins, mais qu’un léger déplacement de micro aurait suffi à corriger au témoignage de l’excellent Philippe Meyer.

Irène Fernandez me dira à la fin que rien ne lui a échappé. Mais on devine son extrême empathie. Moi-même, j’ai goûté du privilège à peu près exclusif de pouvoir écouter le Saint-Père tout en ayant son texte devant les yeux. Ayant à présenter le message à mes collègues en conférence de presse plus tard en soirée, j’avais pu le lire tranquillement sous embargo dès le matin, subjugué par sa profondeur.

En cherchant Dieu, ce qui est le but exclusif de la vie monastique, les moines ont fondé une culture nouvelle sans l’avoir voulu expressément. Mais cette recherche mettait en mouvement toutes leurs facultés, corps et âmes associés intimement. Cela m’a paru très neuf, à tel point que j’ai cherché s’il y avait des précédents dans l’œuvre de Joseph Ratzinger. Je n’ai pas trouvé, mais je n’exclus pas qu’il y ait des textes qui m’auraient échappé…

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