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Autopsie de la réunion des évêques américains

... et relations avec le saint-Siège: la chronique hebdomadaire de John Allen (16/11/2008)



Le compte rendu de John Allen, bien documenté et en apparence objectif, puisqu’il était sur place, laisse chacun libre d’interpréter à sa guise les simples faits
Après le coup de téléphone d'Obama à Benoît XVI , qui témoigne justement de son talent prophétique, son dernier « dada » si j’ose dire est la nomination de l’ambassadeur des Etats-Unis auprès du Saint-Siège, première mesure politique significative de la nouvelle administration. Il a raison, c’est important.
[Notons que le "renvoi" par le saint-Siège d'une personnalité proposée par son pays a eu lieu tout récemment avec la France, qui ignorait les usages, ou versait carrément dans la provocation... (Ambassadeur au Vatican un honneur qui se mérite)]
A titre personnel – mais mon avis risque d’avoir moins d’écho que le sien ! – quitte à élargir le vivier de recrutement, comme suggéré plus bas, je souhaiterais qu’Obama conserve l’ambassadeur actuellement en poste, Mary Ann Glendon – ou plus exactement, c’est ce qu’il devrait faire s’il voulait vraiment envoyer un signal fort de bonne volonté. A ceux qui objecteront que ce n’est pas l’usage aux Etats-Unis lorsqu’on change d’administration, je répondrais que ce président a justement été élu, en principe, pour incarner le changement.
L’alternative proposée par Allen, d’un non-catholique (contre un catholique pro-choix) me paraît par contre relever d’une même attitude de provocation.
Mais je rêve, sans doute...
A suivre attentivement, donc.

Article original en anglais sur le site de NCR: http://ncrcafe.org/node/2281
Postmortem of the bishops' meeting; U.S. relations with the Holy See

Ma traduction:

Autopsie de la réunion des évêques américains; relations avec le Saint-Siège
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Vu de l'extérieur, il est tentant de conclure que c’est la ligne dure de la position sur l'avortement qui a prévalu parmi les évêques des Etats-Unis, dans leur réunion d'automne, du 10 au 13 novembre à Baltimore. C'est l'impression que les gens ont retirée des reportages dans les medias; par exemple, un éminent dirigeant juif américain m'a appelé mercredi, me demandant pourquoi les évêques ont été le premier groupe important dans le pays à tirer un coup de feu de sommation (shot across the bow) sur la future administration Obama.
Cette réaction n'est sans doute pas sans fondement. Les évêques ont été remarquablement "soudés" dans leur détermination à ne pas accorder de «trêve» dans leur défense de la vie prénatale, comme l'a dit Daniel Conlon, évêque de Steubenville, dans l'Ohio. Les évêques semblent particulièrement galvanisés dans leur opposition au Freedom of choice act (FOCA), qui interdirait les restrictions sur l'avortement au niveau des états et au niveau fédéral, telles la notification aux parents ou les limites à la loi sur l'avortement par naissance partielle, et qui, dans le pire des cas, pourrait éventuellement mettre les hôpitaux catholiques face à l'alternative entre pratiquer l'avortement ou fermer leurs portes.
Toutefois, le fait que les évêques aient confirmé leur opposition à l'avortement semble être un cas classique de "dog byte man" en termes d’informations. Au-delà de ce résultat tout à fait prévisible, les évêques ne peuvent sembler tenir une "ligne dure" que selon les normes de l'opinion laïque; à toute personne qui connaît les réalités du débat intra-catholique, le tableau est très différent.
Le plus grand paradoxe de la vie catholique en Amérique est peut-être que depuis longtemps, l'avortement est l'une des rares questions litigieuses où les catholiques sont d'accord sur le fond. Il est difficile de trouver beaucoup de catholiques qui désapprouvent l'idée que l'avortement est toujours une tragédie, et qu'un monde sans l'avortement serait un monde meilleur. Pourtant, l'avortement alimente aussi les plus douloureuses divisions dans l'Eglise, parce que les catholiques sont divisés de trois autres façons:

• Tout d'abord, si l'opposition à l'avortement implique nécessairement des efforts visant à le proscrire, les catholiques démocrates font valoir que souvent une "stratégie de réduction" par une politique sociale en faveur des femmes et des enfants est plus efficace, sans compter qu'elle provoque moins de divisions. Les pro-vie, au contraire, comparent souvent de tels arguments aux faux compromis du 19ème siècle sur l'esclavage, insistant sur le fait que, tôt ou tard, le pays devra faire face à la question elle-même - si oui ou non elle permettra la destruction légale de toute une catégorie d'êtres humains.
• Deuxièmement, quel poids l'avortement devrait-il représenter parmi les préoccupations sociales de l'Eglise. Pour un camp, l'avortement est un Holocauste contemporain, et prétendre que toute autre question puisse lui être comparée est une sorte de cécité morale. D'autres insistent sur le fait que l'église doit avoir une "éthique cohérente de la vie", donnant un poids comparable à des questions telles que la pauvreté, les soins de santé, et la guerre.
• Troisièmement, quelles sanctions prendre contre les catholiques, en particulier les hommes politiques, qui ne défendent pas les restrictions juridique à l'avortement. Certains préconisent de dialogue, tandis que d'autres sont fermement convaincus que les catholiques pro-choix doivent se voir refuser la communion - parce que, comme l'a dit Jim Sedlak, vice-président de l'American Life League, dans une retentissante prise à partie des évêques, à Baltimore, «Vous ne pouvez pas dire que l'avortement est un péché contre Dieu, et ensuite mettre ce Dieu dans les mains de ceux qui votent pour l'avortement".

A vrai dire, ce n'est que sur le premier de ces points qu'on peut véritablement parler d'une victoire claire pour les tenants de la "ligne dure" à Baltimore. Les évêques ont été tout à fait clairs pour dire qu'il ne suffisait pas de favoriser la réduction des avortements, aussi souhaitable que serait ce résultat; en dernier lieu, ont-ils affirmé, la vie humaine doit également être protégée par la loi. Comme le Cardinal Francis George de Chicago, Président de la Conférence, l'a dit dans son allocution d'ouverture, "Le bien commun ne peut jamais être incarné de manière adéquate dans une société où ceux qui attendent d'être nés peut être légalement tués, selon ses convenances." À la fin, George a eu droit à une standing ovation.

Sur les deux autres questions, cependant, la discussion a suggéré la persistance de tensions entre les évêques, et dans aucun des deux cas la "ligne dure" n'a pu afficher clairement sa prééminence.
Pour être clair, il n'y a pas eu de véritable dissension autour du consensus sur le fait que l'avortement doit être une priorité sociale et politique. Il y a eu, cependant, des accents différents sur le degré d'exclusivité à accorder au sujet, et sur la combativité du plaidoyer.
Mgr Blase Cupich, évêque de Rapid City, par exemple, a prévenu que "la prophétie de dénonciation devient vite inefficace", faisant valoir que "nous devons être, et être considérés comme des pasteurs attentionnés et aussi des enseignants de la foi." Elden Curtiss archevêque de Omaha, dans le Nebraska, a exhorté ses frères évêques à " ne pas être vus comme étant délibérément des facteurs de division, ou des créateurs de division par nos actions."
La preuve la plus manifeste est peut-être venue mardi, avec l'élection du nouveau président du «Comité épiscopal pour la communication". Dans une certaine mesure, l'évêque qui tient l'emploi joue le rôle de porte-parole public de la conférence.
Cette fois, la compétition opposait Mgr Robert Finn de Kansas City à l'Evêque auxiliaire de Los Angeles, Mgr Gabino Zavala. Elle offrait un contraste marqué entre ce que l'on pourrait appeler la "ligne dure" et le bloc "modéré" de la conférence. Avant les élections, Finn avait mis en garde les catholiques envisageant de voter pour Obama qu'il y allait de leur «salut éternel», tandis que Zavala avait déclaré que "nous ne sommes pas l'église d'un seul problème" et que des questions telles que "le racisme, la torture, le génocide , l'immigration, la guerre, et l'impact du ralentissement de l'économie "méritent d'être examinées parallèlement à l'avortement".
En fin de compte, Zavala l'a emporté par 129 voix contre 97 à Finn, soit 57% contre 43%. Même s'il ne convient pas de sur-interpréter ce résultat, il est néanmoins intéressant que les modérés aient remporté une nette une victoire.
Il semble également que Baltimore ait témoigné de peu d'enthousiasme pour revenir sur la question de l'interdiction de la communion. En marge de la réunion, par exemple, Mgr Donald Wuerl de Washington, DC, a déclaré qu'il ne chercherait pas à refuser la communion au Vice-Président élu Joseph Biden quand il sera devenu, en Janvier, le premier vice-président catholique du pays.

Pour avoir une idée de l'humeur de la conférence, examinons l'évolution du langage à propos des hommes politiques catholiques dans la déclaration publiée mercredi.

Avant l'ouverture de la conférence, le Committee on Pro-Life Activities avait préparé un projet de déclaration contenant des mots assez forts sur le fait que les catholiques ne suivant pas l'enseignement de l'Église sur l'avortement ne devraient pas recevoir la communion. Le mardi, lors du débat public entre les évêques sous la direction de George, la langue avait été adoucie en expression de la volonté que «tous les catholiques impliqués dans la vie publique soient pleinement engagés pour le bien commun », et que la communion dans l'Eglise « puisse toujours être complète »
Et dans la déclaration effectivement publiée le mercredi, le langage est encore plus diplomatique: Les évêques, y est-il dit, "tiennent à remercier tous ceux qui, dans le domaine politique, font de leur mieux pour protéger la vie des plus vulnérables d'entre nous. Certains, dans la vie publique, le font parfois au prix de grands sacrifices, pour eux pour leur famille et nous leur sommes reconnaissants. Nous exprimons encore une fois notre grand désir de travailler avec ceux qui chérissent le bien commun de notre pays. Le bien commun n'est pas la somme des désirs et des intérêts; il est atteint par le travail en vue d'une vie en commun basée sur la raison et la bonne volonté de tous ».

La façon dont les choses ont tourné a de toute évidence irrité quelques évêques, qui pensaient le moment venu d'une approche plus musclée.

"Il viendra un moment où cette conférence devra affronter ses réticences face à des hommes politiques catholiques non seulement réservés, mais bruyamment anti-vie», a déclaré Mgr Joseph Martino de Scranton
Martino a fait valoir que, dans le passé, alors que certains politiciens catholiques soutenaient les lois racistes, les évêques catholiques de l'époque « avaient parlé fort et pris des mesures canoniques contre eux ».

Cependant, dans les commentaires aux journalistes mardi après-midi, George a suggéré que la comparaison de Martino était inexacte, car il y a une différence entre le fait d'être ouvertement raciste, et le fait de dire qu'en privé on s'oppose à l'avortement, mais qu'on ne votera pas pour imposer ce point de vue dans le droit civil. George a également dit que la question de savoir si un vote pro-choix constituait « une coopération formelle » avec l'avortement, dans le cadre des catégories classiques du droit canonique et la théologie morale, « devrait être étudiée ».

Le point essentiel qui ressort de Baltimore, semble donc que les évêques suivent une ligne qui a peu de chances de satisfaire pleinement l'un ou l'autre des pôles dans le débat catholique - beaucoup trop explicite pour le "terrain d'entente" électoral, et pas assez dure pour les plus militants parmi les pro-vie.

Reste à voir ce que tout cela augure pour les relations entre les évêques et l'administration Obama .
Au moins dans les premiers jours, les étoiles semblent alignées pour la confrontation, puisque l'équipe du président élu a déclaré qu'il envisageait de signer les décrets levant les restrictions concernant le financement fédéral pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et pour les ONG d'assistance à l'avortement dans les différentes parties de la monde. Certes, si l'administration va de l'avant avec le FOCA, point n'est besoin d'être un oracle pour prédire que les évêques vont "lâcher les chiens de guerre".
Pourtant, il y a aussi à Baltimore des indices d'ouverture à la collaboration avec Obama sur d'autres fronts, la déclaration de George mentionnant « la justice économique et l'égalité des chances, l'immigration et la situation des sans-papiers; l'amélioration de l'éducation et des soins de santé adéquats pour tous, en particulier pour les femmes et les enfants, la liberté religieuse et de la paix intérieure et à l'étranger ».
Quoi qu'on puisse dire d'autre à ce sujet, il ne s'agit pas d'une ligne dure au point de réduire les évêques au rôle d' « aumôniers » de l'opposition à Barack Obama. Interpréter Baltimore de cette manière ne rend pas justice à ce qui s'est réellement passé, ni à ce qui pourrait se produire, selon la manière dont les évêques et la Maison-Blanche navigueront entre les dangers et les promesses de leur relation.
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A propos des relations entre Obama et l'Eglise, les lecteurs se rappellent peut-être que la semaine dernière, j'ai écrit une lettre ouverte à Obama (Lettre ouverte au Président-élu ), lui conseillant de "décrocher le téléphone" si le pape appelle, ou, mieux encore, d'engager la conversation lui-même.
Bien que je ne puisse réclamer aucun crédit pour le résultat, c'est justement ce que le président élu a fait mardi. Obama a téléphoné au Pape Benoît XVI pour le remercier de ses félicitations, à l'occasion une série d'appels qui impliquait également le président Luiz Lula da Silva du Brésil, le Premier ministre Manmohan Singh d'Inde, le roi Abdallah de Jordanie et le Président Mwai Kibaki du Kenya (ndt: et notre Président?).
Le Père jésuite Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a déclaré que le pape et le président élu n'ont pas abordé les questions litigieuses, comme la perspective qu'Obama pourrait lever les restrictions sur le financement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
C'était plutôt une «prise de contact », bien qu’elle ait eu lieu le jour même où le responsable du Vatican pour la santé, dans un autre contexte, avait réitéré l'opposition de l'Eglise à la destruction d'embryons.

Reste à voir si Obama recevra l'autre conseil non sollicité que je lui ai donné, qui est de nommer au Vatican un ambassadeur sérieux - une personne connue pour avoir son oreille, qui puisse "faire avancer la balle" sur les domaines d'intérêt commun.

Voici une autre réflexion à ce sujet.
L'équipe Obama pourrait élargir le vivier de talents en ne limitant pas la recherche aux catholiques, du moins au début. Même si ce fut la tradition américaine de nommer des catholiques depuis que des relations diplomatiques complètes ont été établies en 1984 sous la présidence de Ronald Reagan, il n'y a aucune obligation légale à cet effet, et d'autres pays n'envoient pas toujours des catholiques (par exemple, l'actuel Ambassadeur du Royaume-Uni, Francis Campbell, est le premier catholique à tenir l'emploi depuis l'époque de Henry VIII).
Il y a une raison pratique pour laquelle il pourrait être sage de la part d'Obama de penser en dehors de la case catholique. Bon nombre des plus éminents catholiques dans le Parti démocrate sont pro-choix, et essayer d'envoyer un catholique pro-choix à Rome serait considéré par le Vatican comme une provocation.
En vertu du droit international, le pays hôte a le droit de refuser un futur ambassadeur, pour une raison quelconque, et il ne serait bon pour personne que le premier chapitre de cette relation conduisît le Vatican à renvoyer le choix de la nouvelle administration.
Bien entendu, il est souhaitable que l'ambassadeur au Vatican connaisse quelque chose de l'Eglise, - une des raisons pour lesquelles le choix se portait sur un catholique. Pourtant, mes conversations avec de hauts diplomates du Vatican, au fil des ans, indiquent qu'ils préfèrent de loin avoir un ambassadeur sérieux avec une réelle influence dans le gouvernement qu'il représente, indépendamment de l'appartenance religieuse, qu'un catholique inexpérimenté qui a obtenu le poste en grande partie comme un "retour d'ascenseur" pour son soutien durant la campagne.
En tout état de cause, ce sera la première décision importante prise par la nouvelle administration en ce qui concerne les relations avec le Vatican. Pour une foule de raisons, on prie pour qu'elle fasse le bon choix.

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Un ami du Saint-Père: le cardinal Giacomo Biffi Obama, droits civils et religion