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Tous les 'non' du Pape

Attaque en règle dans un grand journal italien, et la réponse dans l'Osservatore Romano (17/12/2008)

Ces temps-ci, la "grosse presse", essentiellement italienne, soumet le Saint-Père à un tir de barrage fourni.
Deux polémiques récentes ont servi de prétexte: l'affaire de la motion de l'ONU pour la dépénalisation de l'homosexualité (L'Onu et l'Ue...), et le document Dignitas Personae.

Cet article signé Marco Politi, paru il y a trois jours sur le site de La Repubblica, et signalé sur le blog de Raffaella, m'avait échappé...
Une première lecture m'a fait littéralement dresser les cheveux sur la tête.
Après quoi j'ai lu l'éditorial de L'Osservatore Romano, où Gian Maria Vian répond sur un ton mesuré mais où l'on sent quand même poindre une certaine colère.

Une haine tenace - dont certains passages laissent entrevoir la raison - contre le Saint-Père s'y étale.
Décidément, le milieu des journalistes accrédités auprès du Vatican est un univers hostile, et on comprend la méfiance de Benoît XVI.

Les arguments oscillent ici entre déni absolu des faits et mauvaise foi, j'en cite plusieurs:
- Le témoignage de la jeune mère dont l'enfant est mort d'une maladie rare relève d'une technique classique de propagande: instrumentaliser des cas extrêmes en suscitant des larmes de compassion afin de légitimer l'innacceptable. Sans compter qu'incriminer l'Eglise pour la mort du bébé me paraît relever d'un curieux amalgame.
- Pie XII, honni et vilipendé par la même presse est brusquement promu moderniste, et on ose comparer les techniques de manipulation génétiques morbides actuelles avec son acceptation de l'"accouchement sans douleur" et l'introduction dans la liturgie de prières en langue vernaculaire!
- Jean Paul II, qui n'a lui non plus pas été épargné de son vivant, est présenté comme une antithèse positive de Benoît XVI.
- La prière dans la mosquée bleue était certes une belle démarche, mais faire croire que le rôle du Pape se limite à essayer d'avoir de bonnes relations avec "les autres religions" est une escroquerie.

Réforme, réforme, réforme
: ceux qui accusent le Pape de suremployer les trois lettres NON n'ont que ce mot à la bouche. Ils confondent un pontificat avec un mandat présidentiel. L'agitation perpétuelle leur tient lieu de pensée. Ils croient qu'ils peuvent conseiller le Saint-Père sur la manière de guider l'Eglise!! Ils croient que l'Eglise est une démocratie, où des gens comme eux devraient avoir leur mot à dire!!

"On ne peut pas éviter le rapport avec les mass media dans la société contemporaine, quelle que soit la ligne suivie".
Voilà, c'est dit!
Sous cette forme ou une autre, c'est loin d'être la première fois que je lis ce discours.
En fait, c'est cela, qu'ils ne lui pardonnent pas: Le Saint-Père refuse le jeu médiatique, il les ignore. Il suit sa manière, son chemin, et il prouve qu'on peut se passer de tous les charlatans experts en comm', dont un specimen est appelé à la rescousse sans l'article de Politi. (*)

Après cela, tous les coups sont permis, y compris les comptes sordides sur les présences aux audiences et angelus (un jeu auquel le Vatican a commis l'erreur de se prêter en publiant ces chiffres): la baisse était prévisible, et elle est facile à comprendre. Les pélerins qui sont venus le voir il y a mettons 3 ans ne vont pas revenir immédiatement. C'est mon cas.
Ce que je refuse absolument, c'est l'insinuation qu'il ne parvient pas à briser la cloison de cristal qui le sépare des gens.
C'est violemment et absolument faux, je peux encore témoigner de ce que j'ai vu et entendu cet été à Bressanone.
Les gens l'aiment, et sont touchés.
Les gens qu'il n'atteint pas, ce sont ou bien ceux qui ne le connaissent pas (bien sûr:!) ou bien ceux qui ont décidé de le détester pour ce qu'il représente. Et parmi eux, certains lobbies...

Politi a certainement senti ce que ses attaques avaient d'indécent, car il conclut son article par quelques propos lénifiants sur "la tendresse" du Pape. Une couche de pommade assez hypocrite, en somme.

Reste l'impression pénible, et qui serre le coeur pour lui, que le fardeau humain dont Dieu l'a chargé doit par moments être effrayant à porter.
Il me revient à l'esprit ce qu'il avait dit lors de l'Angelus du 24 août dernier, à Castelgandolfo:
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Devant l'énorme responsabilité de ce devoir, je ressens de plus en plus l'engagement et l'importance du service à l'Eglise et au monde que le Seigneur m'a confié.
Pour cette raison, je vous demande à vous, chers frères et soeurs, de me soutenir avec votre prière, afin que, fidèles au Christ, nous puissions, ensemble, en annoncer et témoigner la présence...


L'automne du Pape Ratzinger se présente avec un chapelet de « non ». (14 décembre)
Marco Politi, La Repubblica (ma traduction)
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Le président Sarkozy lance au nom des pays de l'Union européenne la proposition d'une résolution de l'Onu pour dépénaliser l'homosexualité dans le monde ? Le Vatican s'oppose.
Vingt quatre heures après, le Saint Siège communique aussi son refus de signer la convention des Nations Unies sur les droits des handicapés, parce que dans le document il y a un paragraphe concernant la « santé reproductive », c'est-à-dire l'avortement légal et sûr.
Et, toute fraîche, il y la publication d'une nouvelle Instruction du Saint-Office qui tresse une couronne de vetos.
Pas de recherche sur les cellules souches embryonnaires, pas de fécondation in vitro, pas d'utilisation d'embryons congelés, pas de sélection des embryons à implanter dans l'utérus d'une femme au risque de faire naître un enfant gravement malade et destiné à mourir. Non, non, non.
Naturellement, viendra ensuite du Palais apostolique, l'explication que le Saint Siège ne se range pas du côté des quatre-vingt-onze Pays où l'homosexualité est un délit (puni de prison, de fouet ou de mort).
« Il faut réaffirmer avec clarté - affirme Radio Vatican - que l'Église soutient la dépénalisation de l'homosexualité mais est contre l'intention de placer sur le même plan toutes les orientations sexuelle ».
Mais la difficulté à ajuster le tir trahit le faux départ. Il est symptomatique qu'à la publication du document Dignitatis Personae, rempli de prohibitions sur le thème de la fécondation et de la recherche scientifique sur les embryons, le porte-parole du Vatican, le père Lombardi ait senti le besoin de faire une déclaration préventive : « Le nouveau document sur la bioéthique peut donner, dans une première lecture superficielle, l'impression d'être une collection d'interdits ».
C'est exactement ce que l'opinion publique perçoit.
Valeria, une jeune mère qui a vu son enfant mourir d'amyotrophie spinale (Sma) de type I, n'a que faire d'un texte qui interdit le diagnostic pré-implantatoire, étiqueté comme pratique « eugénique ». Valeria, catholique, ne peut que raconter que son enfant est né au printemps avec une difficulté croissante et inexorable à déglutir et un dimanche de décembre son papa et sa maman l'ont vu « devenir tout noir… Pendant un petit moment, le coeur a continué de battre, puis il s'est éteint ».
Ceux qui prétendent qu'un grumeau (amas) de cellules a une existence comme un enfant né, dit Valeria, « devraient se trouver face à un enfant qui meurt devant lui, (...). Là peut-être ils commenceraient à se demander si le droit à la vie n'est pas aussi le droit à ne pas naître pour des personnes qui sont destinées seulement à mourir ».

Trois ans de pontificat de Joseph Ratzinger transmettent à l'opinion publique l'image d'une Église et d'un pontife éternellement sur la défensive (?arroccati). Ce n'est pas ce que Benoît XVI voudrait. La mission qu'il s'est fixé, raconte un intime, est « de défendre l'intégrité de la foi et de transmettre l'idée que le christianisme est joie ». Des deux objectifs, le second n'atteint pas le gens. Ce qui prévaut, c'est l'image d'une défense des principes qui refroidit le coeur des personnes de chair et d'os.
La comparaison à Pie XII est erronée. Le Pape Pacelli, tout en gardant la vision d'une Église qui jugeait tout et savait tout, était un modernisateur. Il suffit de se rappeler de son discours aux obstétriciens, dans lequel, au nom de l'Église catholique, il dédouanait l'accouchement sans douleur, ou aux premières autorisations à célébrer la liturgie dans les langues nationales en France et en Allemagne.
Le pontificat de Ratzinger est bloqué. Depuis des années le pontife garde dans un tiroir une réforme de l'annulation de mariages, qui donnerait aux évêques la faculté de dénouer le lien, en résolvant la situation de millions de catholiques divorcés remariés (ndt:?) qui ne peuvent pas accéder à l'eucharistie.
Aucun changement considérable n'est enregistré au Synode pour accorder une réelle participation de l'épiscopat mondial au gouvernement de l'Église. Et devant l'énorme crise de vocations, le Pape ne se décide pas à affronter le problème des « viri probati », l'ordination sacerdotale d'hommes mariés, mûrs et de moralité éprouvée.
Plus qu'à une transition, le pontificat ressemble à une grande paus
e.
A peine élu, Ratzinger, dans la Chapelle Sixtine, avait commencé par proclamer que son « ambition et son devoir pressant » étaient de travailler sans épargner son énergie à la reconstitution de la « pleine et visible unité de tous les disciples Christ ».
Trois ans après, à Sidney, il annonce que l'oecuménisme est arrivé « à un point critique » et la route vers l'unité « reste ardue ». Même des gestes émouvants comme la prière avec le grand muftì turc dans la Mosquée bleue d'Istanbul sont restés sans suite. Au contraire, il y a quelques semaines est arrivée la douche froide avec la lettre de Benoît XVI à Marcello Pera, dans laquelle le pontife témoigne adhérer à l'idée que « le dialogue interreligieux dans le sens strict du terme n'est pas possible », tandis qu'il y a place seulement pour « le dialogue interculturel ».
Réduisant ainsi de façon drastique les possibilités de rapport avec les juifs, les chrétiens et les musulmans qui croient dans le même Dieu d'Abraham.
Ainsi donc, les deux seules réformes lancées durant le règne ratzingérien sont le rétablissement universel de la messe préconciliaire en latin et le changement des uniformes de la gendarmerie : désormais, la sécurité, avec le képi de type français, a un nouvel aspect, plus militaire.
Giovanni Miccoli, historien, commente que le pontificat de Ratzinger se révèle riche de déclarations, mais « pauvre de faits ». Ce n'est pas tant une question de ligne doctrinale (la même que celle de Wojtyla), explique t’il, que d'une capacité insuffisante à parler au monde et à avoir prise sur la situation planétaire, comme Jean Paul II réussissait au contraire à le faire.
Sans oublier que sur le plan interne à l'Église une « vision minimaliste du Concile » est mise en avant, toute à l'enseigne de la continuité.
Pour commencer, le langage de beaucoup de documents est hostile, et a un goût d'ancien.
Gianni Geraci, animateur du portail catholique gay Jonathan (ndt!!!), se référant aux polémiques du Vatican sur l'initiative de Sarkozy à l'Onu, soutient qu'il suffirait de peu de choses pour dire les mêmes choses sans blesser. « Une chose - dit-il - serait d'inviter les homosexuels à la chasteté, repoussant immédiatement toute condamnation pénale et toute répression contre leur orientation. Une autre est de mettre au premier l'affirmation qu'ils ne sont pas comparables aux hétérosexuels. C'est cela qui frappe ». C'est comme s'il y avait constamment, ajoute t’il, le souci de vouloir « nettoyer » la doctrine d'interprétations qui pourraient la « souiller ».

Reste à comprendre jusqu'à quel point Ratzinger veut réellement entrer en communication avec l'opinion publique. On ne peut pas éviter le rapport avec les mass media dans la société contemporaine, quelle que soit la ligne suivie. Que ce soit un Reagan ou un Obama, un leader doit savoir parler à son peuple et se servir de la presse. Benoît XVI la tient à distance. Alors que chez Wojtyla, l'intention d'utiliser les media était claire (durant les voyages en avion, il se rendait auprès de chacun des journalistes qui le suivaient), Ratzinger reste à distance en concédant des réponses à cinq questions déjà filtrées. S'il rencontre un reporter pendant ses vacances, les premiers mots qui affleurent sur ses lèvres sont « Merci, pas de questions ». Ainsi se crée un écran, que l'opinion publique a perçu depuis longtemps. Il est impressionnant, comme journaliste, de s'entendre demander encore trois ans après l'arrivée de Benoît XVI la même phrase de tant d'hommes et de femmes différents : « Mais, comment il est, ce Pape ? ».
Une interrogation qui trahit un manque de syntonie. Le professeur Mario Morcellini, grand expert en communication, explique que Ratzinger a débuté justement son pontificat en évitant d'imiter son prédécesseur : « Mais maintenant il apparaît en difficulté pour casser la carapace communicative et entrer en contact avec les masses ». Est-ce un fait intentionnel, se demande Morcellini ? Cela dépend-il des media ? Le fait qu'à Mexico soient apparues des banderoles sur lesquelles était écrit « Juan Pablo, tu ne sais pas combien tu nous manques » ne dépend certes pas de la presse. Pour beaucoup de croyants ou même de non-croyants, Ratzinger ne réussit pas à casser la cloison de cristal pour arriver « à les toucher » directement. La récupération des parements "triomphalistes" d'un autre temps, ou la croix de Pie IX, qui s'est substituée au bâton pastoral avec le Christ souffrant que portaient Paul VI et Jean Paul II n'y aide pas non plus.
Pourtant le Pape allemand a deux visages. Lorsqu'il prononce son homélie dans une paroisse ou dans un cercle où il se sent à son aise, Benoît XVI montre une surprenante capacité d'implication et même une grande tendresse. Le cardinal Paul Poupard, homme de lettres, le décrit comme une personnalité capable de transmettre « aux fidèles avec une superbe simplicité la grande intensité de sa méditation des Écritures ». Qui a lu son livre sur Jésus, sait que Benoît XVI, en illustrant le Discours sur la Montagne, la Parabole du Samaritain ou les passages-clés du Notre Père, sait être captivant. Lors de la messe des malades à Lourdes, en septembre dernier, ses mots sur le « sourire de Marie » et sur la présence du Christ qui « entre » dans l'isolement et dans la cruelle souffrance de ceux qui sont pliés par la maladie, ont profondément ému l'auditoire. En ce sens, c'est un grand prédicateur et pas seulement un important théologien.
Mais face au grand public, cette foule planétaire où se mélangent indistinctement des croyants, et des croyants différemment, le fossé demeure.
L'attraction qui, durant la première année du pontificat avait amené aux cérémonies et aux audiences papales plus fidèles que ce qu'on voyait durant les dernières années du pontificat de Wojtyla, est elle aussi retombée. Si la première année du règne de Ratzinger, les pèlerins avaient été plus de quatre millions, pour la seconde année, la Préfecture de la Maison pontificale en a enregistré trois millions trois cent mille. Alors que pour toute l'année 2007, les fidèles ont été deux millions huit cent trente mille. -

(*)


Isabelle de Gaulmyn écrit dans "Benoît XVI, Le Pape incompris", page 39-40:
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Peut-on encore, au XXIe siècle, lorsque l'on est un personnage de l'influence du pape, responsable de l'Église catholique, refuser à ce point d'entrer dans le système médiatique ? Le pari, c'est que l'authenticité des paroles de Benoît XVI finisse par l'emporter. De ce point de vue, son séjour aux États-Unis, en avril 2008, patrie de la communication globalisée donne peut-être une piste. Avant l'arrivée du pape, le très sérieux Boston Globe n'était guère favorable à cette visite. Il s'interrogeait dans son éditorial : que pouvait bien apporter à l'Église américaine un pape qui semble tellement loin des préoccupations des croyants d'aujourd'hui ? Mais l'éditorialiste fut, comme la majorité de ses compatriotes, conquis par la manière, modeste et sereine, de Benoît XVI. « Celui que l'on pensait antimoderne, connu comme le "panzer cardinal", s'est révélé un leader compatissant et priant », écrit le journal dans son édition du 22 avril, après le départ du pape. ...

La réponse de L'Osservatore Romano

Répondre par l'anathème est contre-productif.
Sans négliger la gravité de l'attaque - car Politi est connu, repris à l'étranger, on se demande bien pourquoi, et La Repubblica est un "grand" journal, une des stars de la presse quotidienne italienne- le directeur de l'Osservatore Romano Gian Maria Vian répond sur un autre ton, entre ironie mordante et fermeté. Il ne peut évidemment pas tout dire (et c'est pourquoi il est si facile d'attaquer le Pape), mais il dit quand même pas mal de choses!
Malgré tout, j'aurais aimé un peu plus d'agressivité, dans la défense.


Quand les critiques font fi de la réalité
http://paparatzinger2-blograffaella.blogspot.com/...
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Il y a quarante ans, en plein soixante-huit, le livre sur le Symbole apostolique (une des plus anciennes formulations de la foi chrétienne) d'un jeune et brillant théologien allemand se révéla un surprenant succès editorial, que le passage du temps a confirmé et renforcé. Un best seller inattendu et de longue durée, qui a connu une nouvelle diffusion après que son auteur, Joseph Ratzinger, ait été élu évêque de Rome et ait choisi le nom de Benoît XVI.
Précisément au début de son Introduction au christianisme, pour montrer la difficulté de parler de Dieu dans le monde d'aujourd'hui l'auteur se sert d'un apologue (ndt: discours narratif démonstratif, à visée argumentative et didactique, très souvent allégorique, rédigé en vers ou en prose, qui renferme des enseignements, dont on tire une morale pratique, wikipedia) raconté par Søren Kierkegaard.
Un cirque avait pris feu et afin d'appeler le village voisin à l'aide, on envoya en toute hâte un clown, "déjà en costume de représentation" . Il y avait en effet le risque que le village lui-même prît feu. Mais les villageois "prirent les cris du clown uniquement pour un truc de métier", et ils l'applaudissaient.
"Le pauvre clown avait plus envie de pleurer que de rire, et il tentait en vain de conjurer les hommes de venir, en leur expliquant qu'il ne s'agissait pas du tout d'une fiction, ni d'un truc, mais plutôt d'une amère réalité, vu que le cirque brûlait vraiment. Ses pleurs ne faisaient qu'intensifier les rires: on trouvait qu'il récitait son rôle de façon splendide " . Et lorsque le feu atteignit le village, il était trop tard, de sorte que le cirque et le village finirent détruits.
Pour le théologien Ratzinger toutefois, le fait de savoir qui sonne l'alarme ne suffit pas pour résoudre le problème de la crédibilité de la foi chrétienne, qui reste de toute façon l'unique salut contre l'abîme. La question n'est pas en effet seulement théologique au sens abstrait, mais elle concerne tout le monde, parce que le village évoqué par Kierkegaard risque vraiment de prendre feu. Comme il advient dans la vie de tous les jours parmi des difficultés économiques, les injustices et une perte de sens éthique qui en arrive à douter de la nature même de l'identité humaine, mise en discussion, et qu'au contraire une partie du monde scientifique voudrait manipuler ou même transformer.
Comme théologien et comme pasteur, pendant toute sa vie Ratzinger a sans relâche cherché à élargir les espaces de la raison et à rendre compréhensible le choix chrétien aux femmes et les hommes d'aujourd'hui, et ce devoir, il l'a assumé dès le premier jour de son pontificat.
Benoît XVI n'élève pas la voix, il raisonne calmement et il invite à raisonner, en demandant d'être écouté, en visant toujours à l'essentiel et en invitant à être concret. S'adressant aux catholiques et à ceux qui ne le sont pas, avec des résultats déjà très positifs, comme cela se produit, par exemple, dans les relations avec le judaïsmeet et l'islam. Cette intention et cet effort continus du Pape sont en général reconnus, mais souvent des critiques s'élèvent.

Des critiques discutables si elles manifestent un désaccord qui, naturellement, est plus que légitime; inacceptables par contre lorsqu'elles faussent l'image d'un homme qui est sous les yeux de tous: comme cela s'est produit, au-delà de la vie quotidienne de l'évêque de Rome, surtout dans les visites qu'il accomplies aux Etats Unis, en Australie, en France, et en particulier parmi les jeunes.
Des visites qui ont annulé la caricature du "grand inquisiteur", une étiquette appliquée à tort au cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Aujourd'hui, la caricature revient avec l'image d'un Pape qui serait enfermé dans des élaborations intellectuelles raffinées, décidé à répéter toujours non, impitoyablement, sourd à la modernité, hostile aux autres religions, capable seulement d'avoir rétabli la messe pré-conciliaire en latin et d'avoir réformé les uniformes de sa gendarmerie.
Si ces jugements n'avaient pas été lus sur quotidien italien très diffusé, on pourrait croire qu'il s'agit de boutades, et il faut les repousser parce qu'ils peuvent faire l'opinion, en niant la réalité de manière irresponsable.

Benoît XVI est critiqué non seulement parce qu'il soutient la vision chrétienne de la vie humaine mais parce qu'il la déclare raisonnable et même partageable par beaucoup de non chrétiens, en se élevant une voix sereine en défense de chaque être humain.
Et il y en a beaucoup à qui cela ne plaît pas.

Gian Maria Vian

L'Osservatore Romano - 17 décembre 2008)

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Le Pape en Terre Sainte, un pèlerinage de foi Les 'oui' de l'Eglise plus grands que ses 'non'