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Une réponse chrétienne à la crise économique (3)

Les économistes de Benoît XVI (4/1/2009)


Article original en italien ici: http://paparatzinger2-blograffaella.blogspot.com/...
© Copyright Il Sole 24 Ore, 2 gennaio 2009
Traduction:

Les économistes de Benoît XVI
Intérêt pour Novak, Sen, Koslowski -

En finance, Tietmeyer et Gotti Tedeschi écoutés

Carlo Maroni
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C'est Benoît XVI en personne qui a écrit que la finance, la bonne, est « le pont entre le présent et le futur ». Il est très probable qu'on ne trouve dans aucun texte d'économie une définition aussi neutre et sèche. Et puis il y a la finance moins vertueuse, « aplatie sur le court et le très court terme », qui a amorcé et amplifié la plus grave crise économique depuis 1929. Joseph Ratzinger est tout entier dans ce passage, paragraphe 10, du message pour la Journée Mondiale de la Paix, qui affronte le coeur de la crise.
Une analyse qui va en profondeur. Un peu comme dans l'approche théologique, où le lien entre foi et raison est étroit, dans les phénomènes socio-économiques aussi, la pastorale de Benoît XVI est rationnelle, avec une orientation concrète évidente. Signe des temps, mais aussi d'une papauté qui sur ce front a fait un 'saut de qualité', comme le montre la grande attention que chaque jour l'Osservatore Romano réserve aux thèmes économiques.

L'intérêt pour l'économie n'est pas nouveau.
Depuis Rerum Novarum (1891) de Léon XIII, encyclique qui marqua le début de la Doctrine sociale de l'Église, du temps a passé.
Mais déjà en 1931, Pie XI, le pape du Pacte du Latran, jugé parfois comme théocratique et enfermé derrière les murs léonins, publia une encyclique sur les effets de la crise de 1929, Nova Impedent, qui débutait ainsi : « Un nouveau fléau menace et en grande partie frappe déjà le troupeau à Nous confié, et plus durement la portion la plus tendre et plus affectueusement aimée, c'est-à-dire l'enfance, les humbles, les travailleurs les moins aisés et les prolétaires. Nous parlons du grave tourment de la crise financière qui pèse sur les peuples et amène dans tous les pays un inquiétant et continu accroissement du chômage ».
Beaucoup d'encycliques à caractère spécifiquement économique ont suivi, en particulier sous Jean Paul II, de Laborem Exercens (1981) à Sollicitudo Rei Socialis (1987), et à Centesimus Annus (1991).
Benoît XVI devrait lui aussi en publier une à brève échéance, sur les thèmes de la globalisation, mais l'attente se fait de plus en plus longue. Les courants économiques qui depuis toujours ont inspiré la "politique économique" de l'Église ont en bonne partie inspiré la Doctrine sociale, mais aujourd'hui le scénario de fond a changé. Même si la position solidaire est toujours au centre, l'économie doit désormais compter avec de nouveaux paradigmes, avec de nouveaux marchés.
L'appel de l'Église de Ratzinger porte sur des questions spécifiques : démographie, spéculation alimentaire, finance irresponsable, finalement plus myope que gloutonne. Thèses qui sont à la base de beaucoup d'analyses de l'économiste catholique libéral Ettore Gotti Tedeschi, depuis bientôt un an éditorialiste de pointe pour l'économie à l'Osservatore Romano de Gian Marie Vian. Gotti Tedeschi, représentant italien du colosse espagnol Santander, proche de l'Opus Dei, fait émerger dans ses articles une tension nouvelle vers l'éthique et la bonne finance, qui vise au développement et à la 'bonne' occupation, et combat les gains faciles.
Gotti Tedeschi est depuis quelques mois conseiller du ministre Giulio Tremonti, lequel, après avoir rencontré le Pape l'été dernier à Bressanone a connu ce que beaucoup appellent le "tournant ratzingérien": le 20 novembre à l'Université Catholique de Milan, il a rappelé que le Pape actuel avait prévu la crise dans un écrit de 1985.

Certains ont pensé qu'il y avait la main de Tremonti dans le message du premier janvier : mais en fait, assurent les gens bien informés (selon lesquels le brouillon du message aurait été plusieurs fois réécrit), il semble qu'il se soit agi de celle de Gotti qui confirme ainsi son rôle d'économiste très écouté au Palais Apostolique.

Mais quels sont les courants de pensée, les écoles économiques, intellectuelles, qui interagissent avec les réflexions de Benoît XVI et les choix du Vatican sur les thèmes de l'économie et de la finance? Il s'y témoigne de l'attention pour les recherches menées aux Usa, en particulier dans le milieu conservateur. Michael Novak, par exemple, théologien catholique de l'économie de marché (bien connu également de la précédente papauté), était présent à Rome à la présentation du livre de Marcello Pera (où il y avait aussi Michael Leeden, auteur de la Bible "théocon", Machiavelli on Modern Leadership) où apparaît, sous forme de lettre, une préface de Benoît XVI et dans lequel sont exposées beaucoup de thèses fortes de sa papauté.
Le monde américain - y compris protestant - est une autre référence de la pensée dominante, là où la liberté économique fortement inspirée à l'éthique peut donner des garanties à la liberté religieuse.
Le « modèle américain » du rôle public des religions, exalté par le Pape durant son voyage aux USA en avril 2008 et qui est à la base du fort lien établi avec George W. Bush (donné en odeur de conversion au catholicisme grâce à la proximité avec l'ex protestant le père Richard Neuhaus), peut être une des clés de lecture des probables futures lignes d'action du Saint Siège.
La lutte contre le relativisme éthique (qui passe aussi à travers l'économie) doit avoir des bases solides. Ce n'est peut-être pas un hasard si à Rome le 13 janvier prochain (à une semaine de l'installation de Barack Obama) l'ambassadrice des USA auprés du Saint Siège, la catholique Mary Ann Glendon, qui fut un temps à la tête de l'Académie Pontificale pour les Sciences Sociales, présidera une rencontre sur "The American Model of church-state Relation", en présence de Pera et du cardinal Jean Louis Tauran, "pointe de diamant" dans le dialogue interreligieux.
Dans le document présenté par le Saint Siège - plus précisément par le Conseil Pontifical Justice et Paix, dirigé par le cardinal Renato Raffaele Martino, et approuvé par le Secrétariat d'État du cardinal Tarcisio Bertone - à la Conférence de Doha sur le financement du développement, en décembre dernier, l'Église demanda un nouveau pacte sur le système financier.
Un autre signal de la ligne économique suivie au-delà du Tibre, est venu de la nomination de l'économiste coréen Thomas Hong-Soon Han, comme Réviseur général de la Préfecture pour les affaires économiques, le dicastère qui a fonction de ministère du budget et de Cour des comptes. Han a participé au Synode en octobre dernier (lors de l'ouverture, le Pape a par surprise et a braccio dénoncé la caducité de l'argent facile, « qui n'est rien ») : sans employer de moyens termes, il avait demandé une moralisation de l'Église sur l'emploi de l'argent. Mots qui avaient plu au Pape, qui voit dans l'éthique (non tant celle de marque protestante européenne, qui revendique la primauté du capitalisme, que celle qui par l'Église vit le jour dans la chrétienté médiévale et trouve sa plus grande expression dans l'École de Salamanque), ou mieux dans son absence, la cause principale de la crise.
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Une éthique qui renvoie aussi aux lumières de l'économiste Stefano Zamagni, consultant du Conseil Pontifical justice et paix, qui a récemment souligné combien les mots du Pape sont désormais devenus un point de référence, au vu de l'écroulement de la réputation d'une bonne partie de l'establishment. Certes, la Doctrine sociale reste le fondement de la pensée qui inspire chaque action de fond, et qui donc relègue les instruments au rôle de moyens par rapport aux fins. Fins de justice et d'égalité, qui trouvent dans quelques penseurs des points de référence.
De l'économiste indien Amartya Sen, prix Nobel en 1998, avec son approche de la pauvreté, à Muhammad Yunus, un autre indien, fondateur de la Grameen Bank, la banque des pauvres, Nobel d'économie en 2006.

L'Église est vaste, et naturellement il n'y a pas une pensée unique à laquelle se référer. Ratzinger a commencé une analyse nouvelle de l'économie. Samuel Gregg, directeur de recherches pour l'Acton Institute of Michigan a étudié la pensée économique du Pape. Le travail - qui inclut ce que Ratzinger a dit lorsqu'il était cardinal - affirme que la Doctrine sociale n'admet pas de catégorisations idéologiques, la valorisation de la liberté humaine et la supériorité du capitalisme dans la production de richesse (tout en ne manquant pas de critiquer toute interprétation déterministe et positiviste du marché).
Raztinger est allemand de Bavière, et donc il n'ignore pas les théories de l'école autrichienne de von Hayek et von Mises. Mais une pensée va à coup sûr à Peter Koslowski, cité par Ratzinger dans le désormais très célèbre discours du novembre 1985 a l'Université Saint-Urbain sur l'Église et l'Économie : « Je voudrais seulement rappeler une phrase de Peter Koslowski, parce qu'elle indique le point qui nous intéresse : "L'économie n'est pas dirigée seulement par les lois économiques, mais elle est guidée par les hommes". Même si l'économie de marché se fonde sur l'action de l'individu dirigé selon un jeu déterminé de règles, toutefois elle ne peut pas considérer l'homme comme superflu ou exclure du secteur économique sa liberté morale. Aujourd'hui plus que jamais il apparaît clairement combien le développement de l'économie mondiale est reliée aussi avec la croissance de la communauté mondiale, de l'entière famille humaine et combien l'implication des forces spirituelles dans l'économie est fondamentale pour la croissance de la communauté mondiale. Même les énergies spirituelles sont un facteur économique : les règles du marché fonctionnent seulement s'il existe un consensus moral de fond que les soutient ».
De ces thèmes le Pape - en temps de crise - parle avec une vieille connaissance, l'ex président de la Bundesbank, Hans Tietmeyer, catholique allemand membre de l'Académie Pontificale des Sciences.
Des voix et des expériences extérieures qui au-delà du Tibre sont écoutées avec intérêt - comme celle de Simona Beretta, professeur à l'Université Catholique et proche de CL (communion et libération), elle-même consultante de Justice et Paix - mais dans tous les cas, le Pape privilégie toujours ce qui lui arrive de "ses" hommes, en particulier du cardinal Tarcisio Bertone, le très actif premier ministre vatican qui rencontre les "big" de l'économie de temps en temps et même publiquement, comme il le fit à Milan il y a deux ans, pour expliquer l'ère Ratzinger à ceux qui font la finance.

© Copyright Il Sole 24 Ore, 2 gennaio 2009


Voir ici: En attendant l'encyclique sociale

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