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Des nouvelles du Portugal

Le Pape et le préservatif.
Ce que l'Église doit défendre c'est sa doctrine, non les idées des autres. Si elle n'avait pas une voix différente, à quoi servirait-elle ?
C'est l'évidence, mais cela va mieux en le disant, surtout lorsque c'est un représentant de la gauche libérale qui le dit: un article de la presse portugaise traduit par un correspondant (29/3/2009)


Je suis très honorée de reproduire ce texte que m'a envoyé un correspondant du Portugal, le Docteur Gérard Leroux, ex-professeur à l'Université de Lisbonne: il s'agit d'un article écrit par un journaliste de la presse libérale, qu'il a traduit.
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Un grand journaliste portugais s'exprime sur le Pape et le préservatif.
José António Saraiva, directeur de l'hebdomadaire Sol, publié à Lisbonne, est un des représentants éminents de la gauche libérale portugaise.
Il vient de publier, dans le dernier numéro de son journal, un retentissant article d'appui au Pape Benoît XVI, qui contraste avec le silence choquant maintenu par le cardinal-patriarche de Lisbonne -- et par l'épiscopat portugais en général -- lors de la récente crise.

Le Pape et le préservatif
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La position de l'Église catholique relativement au préservatif a déjà fait couler beaucoup d'encre. Qui ne se souvient du cartoon d'António représentant le pape Jean-Paul II avec un préservatif enfilé sur le nez ? Les catholiques protestèrent, il y eut une pétition envoyée au Parlement, la polémique a duré des années.

Le destin a voulu que, comme directeur du journal lors de la publication du cartoon, j'aie été finalement responsable de sa publication. Ce qui ne signifie pas nécessairement que j'étais d'accord avec le message qui s'y exprimait. Les journaux publient souvent des opinions avec lesquelles leurs directeurs ne sont pas d'accord. Un journal est un espace pluriel, qui a évidemment ses limites, comme tout dans la vie -- mais ces limites doivent être le plus larges possible, pour que dans le journal puissent avoir place la diversité, la controverse, le débat. C'est cela qui fait la force d'un moyen de communication.

Le problème soulevé par les nombreuses opinions qui s'expriment sur l'Église catholique -- et sur le Pape en tant qu'il est son suprême représentant -- est que beaucoup de personnes qui ne sont pas catholiques et moins encore chrétiennes voudraient que le Pape exprime ce qu'elles pensent. Au fond, pour ces personnes, l'Église devrait
abdiquer sa doctrine et ses convictions pour défendre les positions des non-catholiques, de ceux qui professent d'autres idéologies ou partagent d'autres idées. Ceci est évidemment absurde.

Il appartient à l'Église de défendre ses positions et sa doctrine, non celles de ses ennemis. Elle ne peut pas transiger constamment, sous peine de se dénaturer. L'Église ne peut pas suivre la mode. Elle ne peut pas être toujours d'accord avec l'air du temps. Parfois, son rôle est même de le contrarier, de combattre les idées en vogue.

En cela, l'Église se distingue clairement de l'Etat. L'Etat -- les divers États nationaux -- doit souvent s'adapter aux circonstances, transiger, mettre en œuvre des poliques douteuses du point de vue des principes.

C'est le cas de l'avortement, de la distribution de seringues ou de l'implantation de salles de shoot. Personne ne peut dire qu'avorter est une bonne chose, ou qu'il est bon que les personnes se droguent.
Les gouvernements font ces concessions au nom du pragmatisme. Bien qu'ils ne soient naturellement pas d'accord avec l'avortement ou la consommation de drogues, ils estiment que, ne pouvant les éviter, il est préférable de créer les conditions pour qu'ils se réalisent de la meilleure façon possible. C'est ce que j'ai appelé ailleurs les « politiques de capitulation ». Autrement dit, l'abdication des principes au nom du « moindre mal ».

Il est évident que l'Église ne peut pas suivre ce chemin. Elle ne peut pas s'engager sur la voie du pragmatisme sans principes. Elle ne peut pas dire : avortez en sécurité, droguez-vous sans problème.

Il en va de même pour les préservatifs. L'Église ne peut pas dire: ayez des relations sexuelles à volonté, mais faites-le avec des préservatifs pour ne pas contracter de maladie. L'Église a l'obligation de dire : la relation sexuelle doit être responsable, elle doit avoir lieu au sein du mariage, la promiscuité sexuelle est
mauvaise -- et, parce qu'elle l'est, tout ce qui la facilite est condamnable.

L'Église catholique ne peut pas abandonner cette position. Si elle le faisait, si elle commençait à reculer en matière de doctrine, elle risquerait un jour de perdre sa raison d'être.

Ceux qui attaquent le Pape et s'efforcent de le rabaisser, comme s'ils se tenaient, eux, sur un plan supérieur, ne se rendent pas compte du ridicule dans lequel ils tombent. Le Pape -- aucun Pape -- ne dit ce qu'il dit en méconnaissance de cause ou par mégarde. Et, moins encore, par méchanceté ou par indifférence devant les drames humains. Peu d'organisations comme l'Église sont aussi sages, possèdent autant d'expérience accumulée.

L'Église ne dit pas ce qu'elle dit par ignorance ou par inadvertance, mais parce qu'il lui appartient de défendre une doctrine. Une doctrine qui n'est ni d'aujourd'hui ni d'hier, qui a deux mil ans d'âge, et dont les catholiques souhaitent qu'elle dure toujours.

Or c'est un fait que le sida, comme d'autre maladies qui sont un fléau pour l'humanité, ne peut être combattu que par un changement d'habitudes, par un changement de pratiques, par des altérations culturelles. Par une réforme des mentalités. Par une attitude plus responsable face à la vie, moins hédoniste, dans laquelle le plaisir et le devoir s'articulent de façon plus équilibrée.

On n'est pas obligé de n'avoir de relations sexuelles que pour procréer. Mais on n'est pas non plus obligé de se comporter comme des animaux, comme si l'instinct l'emportait sur toutes les autres valeurs.

Le préservatif est peut être aujourd'hui un paliatif, une solution d'urgence, mais il n'est pas « la solution ». L'humanité ne peut pas le considérer comme une solution pour le sida. En parlant du préservatif comme elle en parle, l'Église attire l'attention sur ceci: elle refuse de céder à la promiscuité et à la facilité, elle met l'accent sur les valeurs et sur la responsabilité de l'être humain.

Ne veut pas le comprendre que qui le veut bien.

Les communistes voudraient que l'Église defende leurs idées. Les socialistes voudraient que l'Église défende leurs idées. Les libertaires voudraient que l'Église défende leurs idées. Mais ce que l'Église doit défendre c'est sa doctrine, non les idées des autres. Si elle n'avait pas une voix différente, à quoi servirait-elle ? Si elle ne formait pas un contrepoint, un lieu de référence pour d'autres valeurs, à quoi servirait-elle ?

Et si la doctrine de l'Église s'oppose à la promiscuité sexuelle, si elle est favorable à une autre idée de la relation sexuelle associée à l'amour et à la fidélité, elle ne peut évidemment pas défendre le préservatif ou les seringues, qui renvoient à d'autres pratiques et à une autre vison du monde et des relations humaines.

L'Église ne peut pas dire : servez-vous du préservatif, parce que c'est le seul moyen d'avoir des relations sexuelles sans risque. De même qu'elle ne peut pas dire : utilisez des seringues nouvelles, unique moyen de vous shooter sans vous infecter.

Les Etats, les gouvernements, auxquels il revient de gérer le quotidien, peuvent recourir à des expédients, à des solutions transitoires, dictées par l'urgence. L'Église, elle, ne le peut pas.
L'Église doit voir au-delà. Elle doit défendre et préserver une doctrine fondée sur des idéaux et des comportements qui ne valent pas seulement pour aujourd'hui ou pour hier. Des idéaux et des comportements qui ne peuvent changer, comme les lois, au gré des
circonstances.

José António Saraiva.

(Traduit de Tabu, supplément de Sol, n.o 133, 28 mars 2009, p. 64-65.)

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Lettre d'une amie (II) Et si c'était vrai?