Pourquoi le Pape veut aller à Jérusalem

Une défense ambigüe du Figaro, et un article dans un journal italien, sur les ennemis de l'Eglise (15/2/2009).


Jean-Marie Guénois, dans le Figaro, consacre un article à "l'affaire" sous le titre "Pourquoi Benoît XVI veut aller à Jérusalem" (http://www.lefigaro.fr/international/...)
L'article est modéré, en apparence plutôt objectif, et même favorable au pape, et je pense que le journal a été obligé de prendre en compte les réactions de ses lecteurs (comme cela avait été le cas après un scandaleux article du précédent "vaticaniste" du même journal, après la visite du pape aux Etats-Unis), c'est du moins ce que laissent supposer les commentaires, par exemple celui-là:
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ENFIN !
Voilà un article fouillé (??), équilibré, qui nous apprend beaucoup et en termes exacts. Félicitations au journaliste ! Et merci au figaro qui nous avait un peu "laissé sur notre faim" en hurlant avec les loups et en véhiculant des informations manipulées et fausses (lever une excommunication n'a jamais été une réintégration). On aurait pu éviter beaucoup de bruit et de souffrances. Retour à la paix, c'est pour cela que l'Eglise existe ! Et encore MERCI pour ce bel article !

Au risque de refroidir un peu l'enthousiasme de cet internaute manifestement de bonne foi mais naïf, je suis plus réservée sur le contenu d'un article qui commence ainsi:
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De mémoire romaine, la crise affrontée par le Pape, ces trois dernières semaines, est sans précédent. Il y avait eu, en 2006, le malentendu de Ratisbonne avec l'islam. Il est aujourd'hui pardonné (!!!). Après tout, Benoît XVI «débutait» dans sa fonction, et ce faux pas a été minutieusement rattrapé depuis. Il laisse des traces qui ne sont rien face à l'ampleur du trouble, hors et dans l'Église catholique, lié à la levée des excommunications de quatre évêques lefebvristes, dont un négationniste, Mgr Richard Williamson.

Selon Jean-Marie Guénois (qui finalement ne nous dit absolument pas "pourquoi le pape veut aller à Jérusalem", ce qui est quand même le titre de son article! c'est un comble), ce voyage serait le pendant pour le monde juif de ce qu'avait représenté la visite à la Mosquée Bleue d'Istanbul pour les musulmans.
Une manière de "sortir de la crise", et de rattrapper une gaffe. De rassurer les esprits inquiets. De s'excuser, en somme!
Donc, à trois mois du voyage (s'il a lieu!), ce dernier est déjà totalement balisé, délimité, décortiqué, récupéré. Ce qui est innacceptable.
Rappelons quand même qu'au moment où le voyage avait été décidé, cette crise-là n'avait pas encore eu lieu.

Sur ce thème de la signification du pélerinage à Jérusalem, je préfère l'article de "Il Messagero".
Il commence un peu comme l'autre, mais c'est pour mieux souligner ensuite le caractère nouveau pris par la confrontation, disons culturo-religieuse, inauguré avec l'avènement de ce pape théologien, [qui] atteint désormais un niveau de violence et de radicalité difficilement comparable avec les temps récents...

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Ce pont de dialogue qui a trop d'ennemis
Gennaro Acquaviva
© Copyright Il Messaggero, 13 febbraio 2009
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La confirmation du prochain voyage du Pape en Israël, venu de la bouche même de l'intéressé, est à coup sûr une nouvelle importante; par le moment où elle a été annoncée, et peut-être plus encore, par les interlocuteurs auxquels Benoît XVI a voulu la communiquer. Mais c'est aussi une bonne nouvelle, parce qu'elle permet au Saint-Siège de dissiper cette chape d'ambigüité qui pesait depuis quelque temps sur elle et sur quelques uns de ses principaux dirigeants, effleurant même le souverain pontife lui-même.

Il sera possible, et aussi plus utile, de reparler de ce voyage du Chef de la catholicité, quand on en connaîtra l'itinéraire, et surtout les interlocuteurs programmés, et les lieux choisis, autres que ceux "canoniques" (voir ici: Nouvelles du voyage en Terre Sainte ).
Aujourd'hui, peut-être convient-il davantage de chercher à comprendre ce que cette annonce semble vouloir faire entendre à tous: sous le signe, naturellement, du très vif désir du Pape Benoît de poursuivre en paix sur le chemin engagé de façon si profitable par son témoignage de foi, et sa prédication universelle centrée sur la figure du Christ.
Il y a avant tout la volonté de clore définitivement l'incident, né avec la rémission de l'excommunication au mouvement lefebvriste; et cette coupure nette dans le flou qui a accompagné durant plusieurs mois, la fixation de la date, et donc la confirmation de la visite, semble le confirmer pleinement.
Il y a en second lieu le soulignement de la sensibilité particulière qui existe depuis toujours dans le coeur du Pape allemand envers le délicat sujet de la Shoah. Ratzinger s'est senti problablement touché au plus profond de lui-même par les paroles et les comportements de beaucoup de juifs qui se sont exprimés sur le cas Williamson. On ne peut pas ne pas voir, en effet, dans l'attention que lui-même a consacré aux conséquences de cet épisode, comme, par exemple, dans la réponse qu'il a voulu donner à la chancelère Merkel, un trait personnel, qui est un indice de sa profonde sensibilité personnelle sur l'argument, exprimée dans sa très humaine douleur.
Il y a enfin la constatation que le caractère nouveau pris par la confrontation, disons culturo-religieuse, inauguré avec l'avènement de ce pape théologien, atteint désormais un niveau de violence et de radicalité difficilement comparable avec les temps récents, au moins si on regarde les trente dernières années.

En ce qui concerne le cas lefebvriste, il est clair que les bureaux du Saint-Siège ont commis des erreurs, même puériles, et pas qu'un peu! Outre la lenteur inexcusable, et la banalité de la réaction, il suffit de rappeler que seule une belle grande dose d'ingénuité pouvait permettre d'ignorer que le jour fixé pour la publication de la rémission papale était aussi le jour consacré à la mémoire des ignominies nazies (ndt: humm! C'était aussi la fin de semaine de prière pour l'unité des chrétiens, et toute autre date aurait été un prétexte)
Mais à ces (saintes!) stupidités, s'est superposée une série de coïncidences douteuses ayant eu pour protagoniste l'évêque schismatique inconnu Williamson, et des épigones de Rimini tout aussi inconnus (ndt: il s'agit sans doute du Père Abramowiczk, qui a surenchéri sur le négationnisme.)

A toute personne de bonne foi, il est apparu évident que la mise en scène du scandale qui a immédiatement suivi l'explosion du cas, son rappel et sa reprise en boucle dans le monde entier comme un tam-tam incontôlable, ont été suscités, et abondamment alimentés par un désir de toucher, et donc de salire le Pape, par la volonté de de dénigrer, et donc de diviser la communauté des croyants, en cherchant à asséner à l'un et aux autres un bon coup, là où ils sont le plus vulnérable.
Le pélerinage de Benoît XVI à Jérusalem est donc de ce point de vue une juste et opportune initiative qui, répétons-le, sera également utile pour dissiper les hypocrisies et les ambiguïtés qui s'étaient accumulées autour du Siège Apostolique.

Reste le point que j'ai rappelé plus haut. En cette circonstance, mais ce n'est pas la première fois, nous avons vu à l'oeuvre un univers vaste et ramifié d'opposition non seulement au christianisme, mais surtout à ses témoins; il existe, et elle très vivace, une réalité très active, et ramifiée d'opposition à la prédication de ce Pape - prédication qui a une dimension immense, et une qualité élevée.

Certes, l'Eglise ne manque pas de promesses divines écrits en caractères majuscules jusque dans la coupole de Saint-Pierre; ni du rappel du "non prevalebunt" au frontospice de l'Osservatore Romano - placés là en de tout autres périodes historiques et politiques . Mais mieux comprendre, et s'équiper au mieux, n'est certainement pas inutile. Cela peut même devenir la carte décisive...

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