Crise de confiance

L'avortement d'une petite fille, et, a priori sans rapport, une remarquable réflexion de Pro Liturgia sur la révolte contre l'Eglise (11/3/2009).


(Crise de) confiance:
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Cette révolte plus ou moins, ou de moins en moins larvée, devient préoccupante.
Dernier épisode en date, alors que l'affaire Williamson est encore chaude - les amalgames indécents laissent supposer que "ça ne passe pas": la déplorable affaire de la petite brésilienne violée par son beau-père (de 24 ans, alors que sa mère est séparée de son père biologique!!) , enceinte, et avortée (Polémique au Brésil, déchaînement en France ).
Avouez que c'est un peu violent de prétendre que le Pape y est pour quelque chose.
Et pourtant... il y en a que le raccourci ne gêne pas, poussés par d'autres, il est vrai mieux informés.

Je suis plutôt attentivement l'actualité reliée à l'Eglise, et je dois avoir raté un épisode.
Tout le monde, sauf moi, semblait savoir exactement comment cela s'était passé, qui avait dit quoi, et à quel moment, alors que je n'avais vu aucune relation détaillée des circonstances qui avaient amené cette affaire à un tel degré de médiatisation... jusqu'à aujourd'hui, où le Monde se fend d'un récit circonstancié au ton franchement caricatural, intitulé "La Croisade conservatrice de Dom Dede, archevêque de Recife":
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Entre alors en scène, prévenu de l'affaire, un personnage considérable : dom José Cardoso Sobrinho, dit "Dom Dedé", archevêque d'Olinda et de Recife. Monseigneur se déplace en personne au tribunal pour s'assurer auprès de son président que l'intervention ne sera pas autorisée. Bardé du droit canon et brandissant le commandement de l'Eglise ("Tu ne tueras point"), il tranche : "Le Brésil a des lois sur le divorce ou l'avortement qui vont contre la loi de Dieu. Celle-ci est supérieure à la loi des hommes."
Une fois la grossesse interrompue, le prélat excommunie la mère de V. et toute l'équipe médicale. Les victimes de ce châtiment collectif ne pourront plus recevoir les sacrements de l'Eglise. Seuls la fillette et son violeur échappent aux
foudres de Dom Dedé. Elle, parce que mineure ; lui, parce que la jurisprudence catholique n'a rien prévu pour le châtier. "Il a commis un péché très grave, admet l'archevêque. Mais, aux yeux de l'Eglise, l'avortement est un crime encore plus grave."
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On apprend aussi que "dom Dede a succédé à Dom Helder Camara, figure de proue de la 'théologie de la libération', mort en 1999, et dont il est le contraire". Tiens donc!
Et aussi, de plus en plus troublant, qu'une organisation non gouvernementale catholique, favorable au droit de choisir, a fustigé l'attitude intolérante et cruelle de l'archevêque!

Le Monde n'étant pas forcément une référence en terme d'impartialité, surtout lorsque la critique de l'Eglise est en jeu, j'ai du mal à croire que l'archevêque brésilien soit intervenu de cette manière - et je soupçonne qu'à Rome, le cardinal Re n'a fait que répondre aux sollicitations de journalistes alléchés par l'odeur du sang.
Quand on parle de la communication du Vatican, on voit bien que là encore, on se moque du monde.
La communication nécessite des relais favorables, ou, au moins, pas trop hostiles. Rien de tel ici.

Il suffit de parcourir les réactions des internautes (tous sites confondus, y compris catholiques) pour mesurer la gravité de la situation.
Chacun donne son avis. Et c'est la curée.
Elle paraît de plus en plus unanime (99,9% aujourd'hui, c'est quand même beaucoup, dans une société qui réclame à cor et à cri la pluralité d'opinion), au fur et à mesure que les jours passent. Certaines réactions sont d'une violence inouïe, au point que, si la cible n'était pas l'Eglise catholique, on parlerait d'incitation à la haine, et même au meurtre. L'obscurantisme supposé de l'Eglise (le Vatican!!!) est responsable de tout, il est même question de génocide!!!
Il faut que "l'opinion" croie, au minimum, ce qu'écrit doctement ce journaliste de l'Express, qui ne doit pas avoir mis souvent les pieds à l'église, et qui se moque évidemment du magistère du Pape:
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Fermer les yeux, se rendre sourd aux "impurs" et au monde: telle est l'image renvoyée aujourd'hui par le Vatican au peuple de Dieu, les fidèles. Après la main tendue aux schismatiques lefebvristes - que les intéressés ont refusée - et le scandale du prélat antisémite Richard Williamson, l'institution catholique s'enferre dans une attitude ultra-conservatrice et insensible aux tourments des hommes et des femmes auxquels, pourtant, l'Eglise est censé (sic!) prêter toute son attention. Est-ce vraiment de cette source-là que jaillira le renouveau?
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Ce texte de Proliturgia met vraiment le doigt sur la plaie; il ne concerne toutefois que les fidèles, alors, que dire du "troisième" cercle", auquel le magistère universel du pape s'adresse? par exemple, les medias.


CONFIANCE
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Il faut bien constater qu'existe aujourd'hui, dans l'esprit de bien des fidèles, une disposition amère et vindicative décidée par avance à ne rien laisser passer.
Les semaines écoulées nous ont donné de nombreux exemples: indignation orchestrée au moment levée des excommunications, revendications de groupes de fidèles en Suisse et en Autriche, en France aussi mais de façon plus sourde, critique systématique du pape... etc. Il y a bien, à différents niveaux (et, d'après le témoignage reçu par certains prêtres, même au niveau de certains bureaux diocésains) une sorte d'agressivité qui s'exerce à la fois contre le passé de l'Eglise (le Concile lu selon une herméneutique de rupture) et contre son existence actuelle, contre toutes les formes de son autorité, contre toutes ses structures, parfois sans distinction de celles qui sont dues aux contingences historiques et de celles qui lui sont essentielles, étant d'institution divine.
Une grille fonctionne, dans certains esprits, pour rejeter dans l'ombre tout ce que l'Eglise a produit au cours des siècles: son histoire est odieusement travestie, son héritage liturgique est refusé, sa tradition est méconnue et présentée comme un poids par ceux qui oublient que l'Eglise a tout de même tenu 2000 ans en se passant d'eux.
Il n'y a guère que ceux qui ne font pas l'effort de connaître l'histoire de l'Eglise et de s'intégrer à sa force vivante et actualisante qui présentent l'Eglise, ses dogmes, sa liturgie, sa catéchèse, son magistère, comme les restes d'un passé révolu.
De même, l'autorité de l'Eglise n'est plus envisagée que comme une puissance extérieure, voire ennemie, dont tout exercice est jugé tyrannique et opposé à la vraie vie évangélique.
Le magistère n'est plus supporté qu'avec impatience; ses déclarations sont tenues pour abusives, âprement discutées, voire entièrement rejetées... par ceux-mêmes qui réclament - mais uniquement pour les autres - une obéissance sans faille au Concile et aux enseignements des papes.

On ne craint plus d'agiter l'opinion contre le Souverain Pontife, et ce au nom de la liberté chrétienne.


Il faut admirer la bonne conscience de tant de fidèles qui, sans avoir jamais rien fait de grand, sans avoir pensé ni souffert, sans même avoir pris le temps de la réflexion et de la lecture attentive des textes magistériels (le textes de Vatican II en premier lieu), se font chaque jours, sous les applaudissements d'une foule qui ne met jamais les pieds dans une église, les accusateurs de leurs frères - clercs ou laïcs - qui essaient malgré les difficultés actuelles d'appliquer les enseignements donnés par le Siège apostolique.
Combien plus l'Eglise serait-elle en droit de se plaindre de ces fidèles-là qui jettent le soupçon sur tout ce qui vient de Rome!
Elle ne le fait pas car, comme l'a rappelé le pape Benoît XVI aux évêques: "nul n'est de trop dans l'Eglise".



J'aimerais quand même bien entendre, pour une fois, une voix plus autorisée que la mienne monter au créneau pour dénoncer la fausse compassion envers un malheur authentique qui met en évidence une terrible misère morale dont personne ne se soucie, sinon pour dénoncer les faux coupables; et pour mettre en garde les pyromanes contre des débordements (pour le moment verbaux, mais après?) qui pourraient échapper à leur contrôle.


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