Essayons de simplifier la question lefebvriste

Une réflexion sérieuse - ce qui n'exclut pas l'humour - du Père Scalese, issue de son blog impertinent, "Senza peli sulla lingua" (22/3/2009)



Texte original en italien ici: http://querculanus.blogspot.com/...
Ma traduction: Le Père Scalese a aimablement accepté de la relire, et m'a fourni le texte du Credo en latin et la formulation officielle de la profession de foi en français (en annexe: professiofidei.pdf ).

Je me permets d'ajouter que j'espère que ceux auxquels cette réflexion est destinée en priorité la liront... et pourront peut-être en discuter avec l'auteur.
Ce serait "un petit miracle" auquel je serais heureuse d'avoir un tout petit peu participé...

Voir aussi:
Blog "Senza peli sulla lingua"


mercredi 18 Mars 2009
Et si on essayait de simplifier un peu la « question lefebvriste » ?
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Vous vous rappelez du BCAS ? On en parlait il y a quelques années: Bureau de Complication des Affaires Simples. Bien que les années aient passé et que les temps aient changé, j'ai l'impression qu'il continue à être un bureau très fréquenté, avec une file interminable d'aspirants devant la porte, attendant d'être embauchés et avec une grande quantité de clients.
Moi, de mon côté, j'ai toujours essayé de m'en tenir à l'écart; au contraire, j'ai ouvert un bureau pour mon compte : le BSAC (Bureau de Simplification des Affaires Compliquées). Pour l'instant j'en suis fondateur, directeur et unique employé (il me revient même d'ouvrir la porte et de répondre au téléphone). Des clients, pas beaucoup. À ce jour je n'ai reçu aucune demande d'emploi.
Non seulement cela, mais souvent notre travail n'est pas très apprécié, et regardé avec une certaine suffisance, quand il n'est pas méprisé. La concurrence (BCAS) nous prend pour des demeurés, comme si nous n’avions pas conscience de la complexité de la réalité.
Au contraire, c'est justement parce que nous sommes pleinement conscients que la réalité est extrêmement complexe en elle-même, que nous avons ouvert le bureau.
Il y a eu un moment où, en proie à la dépression, nous avons été tentés de fermer boutique et de nous consacrer à autre activité. Mais ensuite, à un certain point, avant de jeter l'éponge, nous avons voulu faire une dernière tentative : pourquoi ne pas essayer d'adopter quelque nouvelle stratégie de marketing pour proposer nos services à un plus grand nombre d'usagers ? En élargissant le marché, certains pourraient découvrir qu'au-delà du BCAS (que tous connaissent), il existe aussi le BSAC (que jusqu'à présent personne ne connaît), et pourraient peut-être commencer à apprécier notre travail. Ainsi, avons-nous mis de côté les vieilles paperasses et avons-nous décidé de nous mettre sur le web. Ca a marché.

Nous avions préparé une étude sur le Concile, que personne n'avait pris au sérieux jusqu'alors; diffusée sur Internet, elle a tout de suite suscité de l'intérêt. Ah, j'oubliais, entre-temps, nous avons conclu une collaboration avec un bureau correspondant en France; il est géré par une femme (une certaine Béatrice) ; elle aussi est seule, mais plus efficace qu'une équipe. Eh bien, Béatrice a traduit le texte en français, et il s'est produit un petit miracle : il a été repris par différents sites (depuis la France, ensuite, il a de nouveau ricoché en Italie), et il a été trouvé « très intéressant » par les lefebvristes.
J'ai l'impression que cette petite étude a eu un certain mérite.
N'avez-vous pas remarqué combien à présent la position des lefebvristes sur le Concile est beaucoup plus nuancée? Avant c'était un « non » sec (même après le discours du Pape à la Curie Romaine), maintenant c’est un « non mais» : « Nous ne sommes pas contre tout le Concile, mais seulement contre quelques points… ». C'est déjà un grand pas en avant. C'est vrai qu'entre-temps il y a eu le motu proprio Summorum Pontificum, c'est vrai qu'il y a eu la révocation de l'excommunication, c'est vrai qu'il y a eu le coup de massue de l'affaire Williamson ; tout cela est vrai, mais personne ne m'ôtera de la tête qu'une petite, très petite contribution est venue aussi du travail de notre bureau. Au moins, grâce à lui, les lefebvristes se sont aperçus qu'il est possible de discuter de Concile de l'intérieur de l'Église, sans la nécessité de rester dehors. Je me suis permis de critiquer le Concile; pourtant je suis en pleine communion avec le Pape, avec mon Évêque et avec mes Supérieurs religieux. Personne jusqu'à présent n'a jugé bon de me suspendre a divinis ni, encore moins, de m'excommunier, pour avoir exprimé librement mes idées sur la question. Donc, si moi je peux le faire, pourquoi eux ne le pourraient-ils pas aussi?

À ce point, enorgueilli par le succès imprévu remporté par notre bureau, je me suis dit : pourquoi ne pas faire un autre petit pas en avant ? Pourquoi ne pas essayer de démêler l'écheveau, qui apparaît encore si embrouillé ? Essayons; il n'y a rien à perdre. Au pire la concurrence (BCAS) pourra s'accorder quelques rires sur notre dos, nous plaignant pour notre incurable ingénuité et notre bêtise.

Le Saint Père, dans sa récente lettre aux Évêques, a tenu à préciser qu'à ce point, après la rémission de l'excommunication, le problème n'est plus de caractère disciplinaire, mais exclusivement doctrinal : « Les problèmes qui doivent maintenant être traités sont de par leur nature essentiellement doctrinaux et concernent surtout l'acceptation du Concile Vatican II et du magistère post-conciliaire des Papes ». À ce qu'il semble, les lefebvristes ont accueilli favorablement cette approche du Pontife : « La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X assure Benoît XVI de sa volonté d'affronter les discussions doctrinales reconnues « nécessaires » par le Décret du 21 janvier » (Communiqué de Mgr Fellay du 12 Mars 2009).
Moi-même, pour être franc, j'étais sur le point de trouver cette attitude satisfaisante.
Ensuite pourtant, en y réfléchissant, petit à petit, je suis arrivé à la conclusion que ce n'est pas la meilleure approche. Voulons-nous donc essayer de simplifier le plus possible la question, de la réduire à ses termes essentiels ?

Personnellement je crois que les « entretiens doctrinaux » entre la FSSPX et la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pourraient se conclure en moins d'une demi-heure.
Cherchons à imaginer la scène.
Card. Levada : « Etes-vous prêts à émettre la profession de foi selon la formule approuvée par le Siège Apostolique ? ».
Mgr Fellay : « Non seulement prêts, mais impatients. »
Card. Levada : « OK. Allons-y ».


Mgr Fellay :
«Ego, Bernardus Fellay, firma fide credo et profiteor omnia et singula quæ in Symbolo fidei continentur, videlicet:
Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, factorem cæli et terræ, visibilium omnium et invisibilium. Et in unum Dominum Jesum Christum, Filium Dei unigenitum, et ex Patre natum ante omnia sæcula; Deum de Deo, lumen de lumine, Deum verum de Deo vero; genitum, non factum; consubstantialem Patri; per quem omnia facta sunt. Qui propter nos homines et propter nostram salutem descendit de cælis; et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est. Crucifixus etiam pro nobis sub Pontio Pilato, passus et sepultus est. Et resurrexit tertia die, secundum Scripturas. Et ascendit in cælum, sedet ad dexteram Patris. Et iterum venturus est cum gloria, judicare vivos et mortuos; cujus regni non erit finis. Et in Spiritum Sanctum, Dominum et vivificantem, qui ex Patre Filioque procedit; qui cum Patre et Filio simul adoratur et conglorificatur; qui locutus est per prophetas. Et unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam. Confiteor unum baptisma in remissionem peccatorum. Et exspecto resurrectionem mortuorum. Et vitam venturi sæculi. Amen.
Firma fide quoque credo ea omnia quæ in verbo Dei scripto vel tradito continentur et ab Ecclesia sive sollemni judicio sive ordinario et universali magisterio tamquam divinitus revelata credenda proponuntur.
Firmiter etiam amplector ac retineo omnia et singula quæ circa doctrinam de fide vel moribus ab eadem definitive proponuntur.
Insuper religioso voluntatis et intellectus obsequio doctrinis adhæreo quas sive Romanus Pontifex sive Collegium Episcoporum enuntiant cum magisterium authenticum exercent etsi non definitivo actu easdem proclamare intendant
.
(voir en annexe la formulation en français: professiofidei.pdf )


Arrivé à ce point, il n'y a rien d'autre à ajouter. Cela suffit pour guérir le « schisme lefebvriste ». Nul besoin de signer quoi que ce soit : la profession de foi doit être émise (can. 833), non signée. Si vraiment on veut signer un morceau de papier, on peut souscrire un protocole dans lequel on se soumet au Pontife Romain et on s'engage à observer les lois de l'Église en vigueur (Code de droit canonique de 1983). Si l'on veut, on peut trinquer ; mais le tout peut tranquillement se conclure en une demi-heure.

Après quoi on peut immédiatement se rendre dans les bureaux des autres ministères de la Curie Romaine et entamer la procédure pour la reconnaissance juridique de la Fraternité. À ce point j'ai des doutes, parce que je ne sais pas quels sont les ministères compétents (il faudra vraiment que tôt ou tard notre bureau, si les finances le permettent, se résigne à embaucher un consultant juridique).

Je suppose que, si on veut arriver à la constitution d'une Prélature personnelle (comme dans le cas de l'Opus Dei) ou d'Administrations apostoliques diverses (comme dans le cas de Campos au Brésil), on doit s'adresser à la Congrégation des Évêques. Mais, comme la Fraternité comprend également des communautés religieuses, pour ces dernières, il faudra aussi s'adresser à la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique.
Mais aujourd'hui, ce n'est pas le problème. Il est évident qu'on ne peut prétendre résoudre cette question en une demi-heure; la procédure sera nécessairement longue : il s'agit d'approuver les statuts (le droit particulier, ou propre) de ces nouvelles entités ecclésiales.

Une question reste ouverte, celle de la suspension a divinis. Je le répète, nous n'avons pas encore de consultant juridique; mais je considère qu'avec la régularisation juridique de la Fraternité, une telle censure tombe automatiquement. Même s'il n'en était pas ainsi, la révocation explicite de ce problème ne me semble pas être un vrai problème.
À ce point, le « schisme lefebvriste » devrait être définitivement en retrait.

Certains penseront : le BSAC, dans sa manie de simplifier, a oublié un élément fondamental, l'acceptation du Concile Vatican II.
Nous ne l'avons pas du tout oublié. Personnellement je considère que le Concile en lui-même, comme n'importe quel autre acte magistériel, ne peut être l'objet d'aucune négociation : ou on l'accepte ou on le refuse. Si on émet la profession de foi, il est implicitement accepté :
« De plus, avec une soumission religieuse de la volonté et de l'intelligence, j'adhère aux doctrines qui sont énoncées, soit par le Pontife romain, soit par le Collège des évêques, lorsqu'ils exercent le Magistère authentique, même s'ils n'ont pas l'intention de les proclamer par un acte définitif ».

Une toute autre question est l'interprétation du Concile. Mais celui-là n'est pas un problème à discuter avec les seuls lefebvristes. Celui-là est un problème de l'Église tout entière. Et il ne me semble pas que, à ce jour, on ait les idées très claires (malgré la magistrale intervention du Pape du 22 décembre 2005).
Je me demande ce que le Cardinal Levada pourrait exiger de Mgr Fellay en ce qui concerne Vatican II, si nous ne savons pas nous-même comment nous devons interpréter ce Concile.
Sur cette question, qui n'est certes pas secondaire, notre bureau (BSAC) aurait bien une proposition : pourquoi ne pas convoquer un synode extraordinaire (ou bien l'assemblée prochaine ordinaire) précisément sur ce thème : « L’interprétation du Concile Vatican II à 50 ans de sa convocation » ?
Dans ce synode, évidemment, les lefebvristes pourraient aussi apporter leur contribution.
Mais ce qui est important, c'est qu'il s'agit d'une réflexion que l'Église tout entière doit faire.
Et plus tôt nous la ferons, mieux ce sera.


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