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Le Cardinal Bertone au Sénat (I)

pour présenter l'Encyclique. Ma traduction complète - en cours - de son intervention. (30/7/2009)

Le 13 mai 2004, le cardinal-doyen Ratzinger avait tenu au Palazzo Madama (siège du Sénat italien) une lectio magistralis remarquée sur le thème « L'Europe. Ses fondements spirituels hier, aujourd'hui et demain».
Cinq ans après, la parole de Joseph Ratzinger revient résonner dans ces murs .

Mardi dernier (28 juillet) dans la salle Capitulaire du Palazzo Madama, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat et premier collaborateur du Pape, a répondu à l'invitation du président du Senat, Renato Schifani, et est venu présenter la récente encyclique de Benoît XVI, Caritas in veritate, devant un aréopage de représentants politiques de la majorité et de l'opposition, et de représentants syndicaux (je me demande comment une telle initiative serait accueillie dans notre très sourcilleuse république laïque...).

L'allocution du Cardinal a été reproduite sur l'Osservatore Romano (et comme d'habitude, précieusement sauvegardée par Raffaella).
Après la présentation par le Saint-Père lui-même, lors de la catéchèse du 8 juillet, elle propose, si j'ose dire une autre lecture "autorisée" qui peut aider à mieux comprendre l'encyclique, et les intentions du Saint-Père, en offrant des perspectives inédites, ou peu reprises par la presse, comme le dit le Cardinal dans son introduction.
C'est un long texte (9 pages, format A4), je vais donc le traduire par étapes...

Voici les 3 premières pages, en attendant la suite.

« Caritas en veritate » dans le discours du cardinal secrétaire d'État au Sénat de la République Italienne

Efficacité et justice ne suffisent pas : pour être heureux, on a besoin du don
Tarcisio Bertone
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L'encylique de Benoît XVI s'ouvre par une Introduction, qui constitue une réflexion dense et profonde où sont repris les termes du titre lui-même, qui conjugue étroitement entre eux caritas et veritas, l'amour et la vérité. Il s'agit non seulement d'une sorte d'explicatio terminorum, d'un éclaircissement initial, mais d'indiquer les principes et les perspectives fondamentaux de tout son enseignement. En effet, comme dans une symphonie, le thème de la vérité et de la charité revient ensuite tout au long du document, justement parce que là réside, comme l'écrit le Pape, « la principale force propulsive pour le vrai développement de chaque personne et de l'humanité entière » (Caritas in veritate, n. 1).

Mais - nous demandons-nous - de quelle vérité et de quel amour s'agit-il ? Il n'y a guère de doute que ces concepts suscitent aujourd'hui le soupçon - surtout le terme vérité - ou sont objet de malentendu - et cela vaut surtout pour le terme « amour ». C'est pourquoi il est important de préciser de quelle vérité et de quel amour parle la nouvelle encylique. Le Saint Père nous fait comprendre que ces deux réalités fondamentales ne sont pas extrinsèques à l'homme ou même imposées à lui au nom d'une quelconque vision idéologique, mais ils ont un profond enracinement dans la personne même. En effet, « amour et vérité - affirme le Saint Père - sont la vocation placée par Dieu dans le coeur et dans l'esprit de chaque homme » (n. 1), de cet homme qui, selon la Sainte Écriture, est justement créé « à l'image et à la ressemblance » de son Créateur, c'est-à-dire du « Dieu biblique, qui est en même temps Agápe et Lógos : Charité et Vérité, Amour et Parole » (n. 3).

Cette réalité ne nous est pas seulement témoignée par la Révélation biblique, mais elle peut être saisie par tout homme de bonne volonté qui utilise correctement sa raison en réfléchissant sur lui-même (« la vérité est la lumière qui donne sens et valeur à la charité. Cette lumière est, en même temps, celle de la raison et de la foi, à travers laquelle l'intelligence parvient à la vérité naturelle et surnaturelle de la charité », n. 3). À cet égard, plusieurs contenus d'un document significatif et important qui a précédé de peu la publication de Caritas in veritate, semblent une bonne illustration de cette vision : la Commission Théologique Internationale nous a donné il y a quelques mois un texte intitulé "A la recherche d'une éthique universelle : nouveau regard sur la loi naturelle".
Il y aborde des thématiques de grande importance, que je veux signaler et recommander spécialement dans ce contexte du Sénat, c'est-à-dire d'une institution qui a comme fonction principale la production normative. En effet, comme l'a dit le Saint Père à l'Assemblée des Nations Unies à New York, lors de sa visite de l'an dernier au Palais de Verre, à propos du fondement des droits humains : « Ces droits trouvent leur fondement dans la loi naturelle inscrite dans le coeur de l'homme et présente dans les différentes cultures et civilisation. Séparer les droits humains de ce contexte signifierait limiter leur portée et céder à une conception relativiste, pour laquelle le sens et l'interprétation des droits pourraient varier et leur universalité pourrait être niée au nom des différentes conceptions culturelles, politiques, sociales et même religieuses » (18 avril 2008). Ce sont des considérations qui valent non seulement pour les droits de l'homme, mais aussi pour toute intervention de l'autorité légitime appelée à régler selon la vraie justice la vie de la communauté au moyen de lois qui ne soient pas le fruit d'un pur accord conventionnel, mais visent à un authentique bien de la personne et de la societé, et qui pour cela fassent référence à cette loi naturelle.

Eh bien, la Commission Théologique Internationale, dans l'exposition de la réalité de la loi naturelle, illustre justement comment la vérité et l'amour sont des exigences essentielles de chaque homme, profondément enracinées dans son être. « Dans sa recherche du bien moral, la personne humaine se met à l'écoute de ce qu'elle est et prend conscience des inclinations fondamentales de sa nature » (A la recherche d'une éthique universelle : nouveau regard sur la loi naturelle, n. 45), lesquelles inclinent l'homme vers les biens nécessaires à sa réalisation morale. Comme on le sait, « on distingue traditionnellement trois grands ensembles de dynamismes naturels (...) le premier, qui est commun à chaque être substantiel, comprend essentiellement l'inclination à conserver et à développer son existence. Le second, qui est commun à tout être vivant, comprend l'inclination à se reproduire pour perpétuer l'espèce. Le troisième, qui est vraiment propre à l'être rationnel, comporte l'inclination à connaître la vérité sur Dieu et à vivre en société » (n. 46). En approfondissant ce troisième dynamisme qui se retrouve dans chaque personne, la Commission Théologique Internationale affirme qu'il « est spécifique de l'être humain comme être spirituel, doué de raison, capable de connaître la vérité, d'entrer en dialogue avec les autres et de nouer des relations d'amitié (...) Son bien intégral est ainsi intimement lié à la vie en communauté, qui s'organise en société politique, sous l'impulsion d'une inclination naturelle et pas d'une simple convention. Le caractère relationnel de la personne s'exprime aussi avec la tendance à vivre en communion avec Dieu ou l'Absolu (...)

Certes, il peut être nié par ceux qui refusent d'admettre l'existence d'un Dieu personnel, mais il reste implicitement présent dans la recherche de la vérité et du sens présent dans chaque être humain " (n. 50).

L'homme est donc fait pour connaître, au moyen de la « raison élargie », (cf. Discours du 12 septembre 2006 à l'université de Regensburg) la vérité dans toute son ampleur, en ne se limitant pas à acquérir des connaissances techniciennes pour dominer la réalité matérielle, mais en s'ouvrant jusqu'à rencontrer le Transcendant, et vivre pleinement la dimension interpersonnelle de l'amour, « principe non seulement des micro-relations : rapports amicaaux, membres de la famille, petits groupes, mais aussi des macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques » (Caritas in veritate, n. 2).

Ce sont vraiment veritas et caritas qui nous indiquent les exigences de la loi naturelle que Benoît XVI pose comme critère fondamental de la réflexion d'ordre moral sur la réalité socio-économique actuelle: « Caritas in veritate est le principe autour duquel tourne la doctrine sociale de l'Église, un principe qui prend une forme opérationnelle dans les critères orientant l'action morale » (n. 6).

En une expression efficace, le Saint Père affirme donc que « la doctrine sociale de l'Église (...) est caritas in veritate in re sociali : annonce de la vérité de l'amour du Christ dans la societé. Cette doctrine est service par la charité, mais dans la vérité » (n. 5).

La proposition de l'encylique n'est ni de caractère idéologique ni seulement réservée à ceux qui partagent la foi dans la Révélation divine, mais se fonde sur des réalités anthropologiques fondamentales, ce que sont justement la vérité et la charité correctement comprises, ou comme le dit la même encylique, données à l'homme et reçues par lui, et non pas produites arbitrairement (« La vérité qui, à l’égal de la charité, est un don, est plus grande que nous, comme l’enseigne saint Augustin [88]. De même, notre vérité propre, celle de notre conscience personnelle, nous est avant tout « donnée ». Dans tout processus cognitif, en effet, la vérité n’est pas produite par nous, mais elle est toujours découverte ou, mieux, reçue. Comme l’amour, elle " ne naît pas de la pensée ou de la volonté mais, pour ainsi dire, s’impose à l’être humain" », Caritas in veritate, n. 34). Benoît XVI veut rappeller à chacun que ce n'est qu'en s'ancrant à ce double critère de veritas et de caritas, entre eux inséparablement liés, qu'on construira le bien authentique de l'homme, fait pour la vérité et pour l'amour. Selon le Saint Père, « Seule la charité, éclairée par la lumière de la raison et de la foi, permettra d’atteindre des objectifs de développement porteurs d’une valeur plus humaine et plus humanisante. » (n. 9).

Après ces indispensables prémisses, où j'ai voulu mettre en évidence quelques aspects anthropologiques et théologiques du texte pontifical, peut-être moins commentés par les services journalistiques, je souhaite maintenant exposer seulement quelques points, sans avoir la prétention de couvrir le vaste contenu de l'encylique, dont, d'autre part, d'influents commentateurs, également sur les pages de « l'Osservatore Romano » ou ailleurs, ont déjà offert des approfondissements spécifiques.
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Un important message qui nous vient de Caritas in veritate est l'invitation à dépasser la dichotomie désormais obsolète entre la sphère de l'économique et la sphère du social. La modernité nous a laissé en héritage l'idée qui veut que, pour pouvoir agir dans le domaine de l'économie il est indispensable de viser au profit et d'être animé principalement par son propre intérêt ; ce qui revient à dire qu'on n'est pas pleinement entrepreneur si on ne poursuit pas comme but la maximisation du profit. Dans le cas contraire, on devrait se contenter de faire partie de la sphère du social.

Cette conceptualisation, qui confond l'économie de marché (qui est le genus) avec un de ses aspects particulier qui est le système capitaliste, a amené à identifier l'économie avec le lieu de production de la richesse (ou du revenu) et le social avec le lieu de la solidarité pour une distribution équitable de cette même richesse.

Caritas in veritate dit, au contraire, qu'il est possible d'entreprendre même lorsqu'on poursuit des fins d'utilité sociale, qu'on est mu par des motivations de type pro-social. C'est là une façon concrète, même si ce n'est pas la seule, de combler le fossé entre l'économique et le social, puisqu'un agir économique qui n'incorporerait pas en son sein la dimension du social ne serait pas éthiquement acceptable, comme il est aussi vrai qu'un social purement redistributif, qui ne tiendrait pas compte du lien avec les ressources, ne serait à la longue pas soutenable : avant de pouvoir distribuer il faut, en effet, produire.

On doit être particulièrement reconnaissant à Benoît XVI d'avoir voulu souligner le fait que l'agir économique n'est pas quelque chose de détaché et d'étranger aux principes de base de la doctrine sociale de l'Église qui sont : centralité de la personne humaine ; solidarité ; subsidiarité ; bien commun.

Il faut dépasser la conception pratique sur la base de laquelle les valeurs de la doctrine sociale de l'Église devraient trouver place uniquement dans les oeuvres de par leur nature sociales, tandis qu'il reviendrait aux experts en efficacité le devoir de guider l'économie. C'est le mérite, certes pas secondaire, de cette encylique que de contribuer à porter remède à cette lacune, qui est culturelle et politique en même temps.

Contrairement à ce qui on pense, l'efficacité n'est pas le fundamentum divisionis pour distinguer ce qui est entreprise et ce qui ne l'est pas, et cela pour la simple raison que la catégorie de l'efficacité appartient à l'ordre des moyens et pas à celui des fins. En effet, on doit être efficace pour atteindre au mieux la fin que l'on a librement choisi de donner à son action. L'entrepreneur qui se laisse guider par une efficacité qui serait fin en elle-même risque de tomber dans l'efficientisme, qui est aujourd'hui une des causes les plus fréquentes de destruction de la richesse, comme la crise économico-financière en cours le confirme tristement.

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Fin de la première partie
A suivre

Le disque du Pape Les nageurs chez Benoît XVI