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Le Cardinal Bertone au Sénat (III)

(3/8/2009)

Les deux premières parties:
Le Cardinal Bertone au Sénat (I)
Le Cardinal Bertone au Sénat (II)


Dans cette avant-dernière partie, le cardinal s'interroge sur les raisons culturelles de la crise économique.

Caritas in Veritate s'arrête sur les causes profondes (et non pas sur les causes à venir) de la crise encore en cours. Ce n'est pas mon intention de les passer en revue et je me limiterai à synthétiser les trois principaux facteurs de crise identifiés et étudiés.

1. Le premier concerne le changement radical dans le rapport entre finance et production de biens et services qui s'est renforcé au cours des trente dernières années. À partir du milieu des années Soixante-dix du siècle dernier, différents Pays occidentaux ont conditionné leurs promesses en matière de retraite à des investissements qui dépendaient de la rentabilité à long terme (profittabilità sostenibile) des nouveaux moyens financiers, exposant ainsi l'économie réelle aux caprices de la finance et engendrant le besoin croissant de destiner à la rémunération de l'épargne investie des pourcentages plus importants. Les pressions sur les entreprises, dérivant des bourses et des fonds de private equity [(*) Private equity ], se sont répercutées dans plusieurs directions : sur les dirigeants induits à améliorer continuellement les performances de leurs gestions pour recevoir des volumes croissants de stocks options ; sur les consommateurs pour les convaincre d'acheter toujours plus, même en l'absence de pouvoir d'achat ; sur les entreprises de l'économie réelle pour les convaincre d'augmenter la valeur de leurs actions.
Et ainsi il est arrivé que la demande persistante de résultats financiers toujours plus brillants se soit répercutée sur le système économique tout entier, jusqu'à devenir un véritable modèle culturel.

2. Le second facteur causal de la crise est la diffusion au niveau de la culture populaire de l'ethos de l'efficacité comme critère ultime de jugement et de justification de la réalité économique. D'un côté, cela a fini par légitimer l'avidité - qui est la forme la plus connue et la plus diffuse de l'avarice - comme une sorte de vertu civique : le greed market (littéralement le marché de l'avidité) qui se substitue au free market. Greed is good, greed is right (« l'avidité est bonne ; l'avidité est juste »), prêchait Gordon Gekko, le protagoniste du célèbre film de 1987, Wall Street.

3. Enfin, Caritas in veritate ne manque pas de s'arrêter sur la cause des causes de la crise : les spécificités de la matrice culturelle qui est allée en se renforçant dans les dernières décennies sur la vague, d'un côté, du processus de globalisation et, de l'autre, de l'avènement de la troisième révolution industrielle, celle des technologies info-télématiques. L'aspect spécifique de cette matrice concerne l'insatisfaction, toujours plus diffuse, autour du mode d'interprétation du principe de liberté. Comme on le sait, les dimensions constitutives de la liberté sont au nombre de trois : l'autonomie, l'immunité, la capacitation (ndt: autonomisation, voir ici http://fr.wikipedia.org/wiki/Empowerment ) .

L'autonomie dit liberté de choix : on n'est pas libre si on ne s'est pas placé dans la condition de choisir.
L'immunité, au contraire, dit absence de coercition de la part d'un quelconque agent extérieur. C'est, en substance, la liberté négative (ou bien la « liberté de »).
La capacitation, (littéralement : capacité d'action) enfin, dit la capacité de choix, c'est-à-dire d'atteindre au moins en partie ou dans une certaine mesure l'objectif que le sujet se pose. On n'est libre que si (au moins en partie) on réussit à réaliser vraiment le plan de sa vie.
Comme on peut le comprendre, le défi à accepter consiste à faire renir ensemble les trois dimensions de la liberté : c'est la raison pour laquelle le paradigme du bien commun apparaît comme une perspective plus que jamais intéressante à explorer.

À la lumière de ce qui précède nous réussissons à comprendre pourquoi on ne peut pas dire que la crise financière est un évènement inattendu ou inexplicable. Voilà pourquoi, sans rien enlever aux indispensables interventions en clés de régulation et aux nécessaires nouvelles formes de contrôle, nous ne réussirons pas à empêcher l'apparition dans le futur d'épisodes analogues si on n'attaque pas le mal à la racine, c'est-à-dire si on n'intervient pas sur la matrice culturelle qui soutient le système economique.

Aux autorités de gouvernement cette crise lance un double message.
En premier lieu, que la sacro-sainte critique contre l'« État interventionniste » ne peut en encune façon amener à renier le rôle central de l'« État régulateur ».
En deuxième lieu, que les autorités publiques placées aux différents niveaux de gouvernement doivent permettre, au contraire de favoriser, la naissance et le renforcement d'un marché financier pluraliste, c'est-à-dire un marché dans lequel puissent agir dans des conditions de parité objective différents sujets pour ce qui concerne les fins spécifiques qu'ils attribuent à leur activité. Je pense aux banques de territoire, aux banques de crédit coopératif, aux banques éthiques, aux divers fonds éthiques. Il s'agit d'organismes qui non seulement ne proposent pas à leurs guichets de finance créatrive, mais surtout accomplissent un rôle complémentaire, et donc équilibreur, par rapport aux agents de la finance spéculative.
Si dans les dernières décennies les autorités financières avaient enlevé les nombreuses entraves qui pèsent sur les sujets de la finance alternative, la crise actuelle n'aurait pas eu la puissance dévastatrice que nous connaissons.

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Avant de conclure, je désire remercier le président du Sénat de la République Italienne, l'Honorable Schifani, pour m'avoir permis d'illustrer à cet auditoire qualifié quelques aspects de la dernière encyclique de Benoît XVI.

Fin de la troisième partie.
A suivre...
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(*) Private equity

Le terme anglais private equity désigne les titres financiers de sociétés (notamment les actions pour les sociétés de capitaux, ou les parts sociales pour les sociétés de personnes) qui ne sont pas cotées sur un marché, par opposition à public equity, qui désigne des titres qui ont fait l'objet de procédures de cotation publique sur un marché.
Les obligations réglementaires et garanties des private equity sont donc moindres et leur liquidité beaucoup plus faible, du fait de la plus grande difficulté à les céder gré à gré. Pour compenser cet aspect, le capital-investissement vise des performances de long terme supérieures à celles des marchés financiers.
Le fonctionnement du 'Private Equity' est assez simple: il consiste à acheter une entreprise grâce à un fonds, puis de la revendre, quelques années plus tard en ayant auparavant reversé une part de l'emprunt.
(source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Capital-investissement )

Xavier Darcos, suite... et fin Audience générale à Castelgandolfo