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Idée fixe

Retour sur l'homélie d'Angelus d'hier. Et une interviewe accordée en 1993 par le cardinal Ratzinger à la revue Inside the Vatican, où il explique les risques d'une idéologie sans Dieu (10/8/2009)

Hier, dimanche 9 août 2009, je me suis empressée de traduire l'homélie d'Angelus, une fort belle méditation, qui s'élargissait à partir des saints fêtés en ces jours, parmi lesquels le hasard voulait qu'il y eût deux victimes des camps de concentration nazis, Maximilien Kolbe et Edith Stein (il a d'ailleurs rappelé d'autres saints moins connus, parmi lesquels Sainte Claire d'Assise, qui se trouve être la sainte patronne de ma fille...). Dans un premier temps, cherchant à ma façon une synthèse convenable, j'avais titré ma traduction "humanisme chrétien et humanisme athée", puis, j'ai changé d'avis, et choisi le titre de radio Vatican: l'homme ne doit pas se substituer à Dieu.
Dans la soirée, les agences de presse française titraient en gros :
Benoît XVI: les camps d'extermination nazis "symboles de l'enfer sur terre".

Et s'empressaient de faire la liste des récentes polémiques avec la communauté juive, rappelant, pour les rares amnésiques en phase terminale qui l'auraient oublié, l'épisode du passage dans les jeunesses hitlériennes
Je m'excuse auprès de mes lecteurs de ne pas être assez intelligente, mais ce n'était pas exactement cela que j'avais compris de son propos (certes, cela y figure, mais c'est un exemple typique du procédé qui consiste à extraire un bout de phrase de son contexte, voire de le "recomposer", de façon à créer un titre-choc). Heureusement que l'AFP est là pour me mettre les points sur les "i".

Donc, relisons très attentivement le discours du Pape.
Il commence par évoquer ces deux saints, qui ont en commun d'être morts à Auschwitz. Mais il en parle en tant que martyres pour la foi, et pour le second, il dit "fils de la Polologne".
Il est tout naturel, dans ce cas, qu'il évoque les camps nazis (dans une seule phrase), mais il les associe à tous les autres camps. Et c'est pour nous mettre en garde contre le danger - encore bien présent aujourd'hui, et le Saint-Père ne cesse de nous avertir, à travers sa critique du matérialisme athée - pour l'homme d'oublier Dieu et [de se substituer] à lui, lui usurpant le droit de décider ce qui est bien et ce qui est mal, de donner la vie et la mort.

Et de préciser: ce triste phénomène n'est pas circonscrit aux camps. C'est plutôt le point culminant d'une réalité vaste et diffuse, aux frontières souvent fuyantes.
Avant de souligner justement les profondes divergences qui existent entre l'humanisme athée et l'humanisme chrétien, et de conclure avec le titre de son encyclique, voyant dans "la charité dans la vérité" (incarnée par les saints, et à un degré moindre les prêtres) l'unique manière d'offrir aux instances humaines et spirituelles qui suscitent la crise profonde du monde contemporain, une réponse crédible et exhaustive.

Difficile d'être plus clair!
Et pourtant, cela ne devait pas suffire.
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Parcourant ce matin la presse italienne grâce au merveilleux site de mon amie Raffaella, voilà ce que je trouve, entre autre:

1. M. Gattegna, président de l'UCEI (Unione delle Comunita' ebraiche italiane, équivalent italien du CRIF) est très satisfait; il déclare que "Les mots prononcés par le Pape apparaissent comme une condamnation encore plus catégorique et définitive de la Shoah du peuple juif et de toute autre forme de génocide et de persécusion... Ce sont des mots qui revêtent une signification particulière, car ils n'apparaissent pas inspirés par des faits contingents, comme dans d'autres occasions, mais dictés au contraire par une profonde réflexion historique et théologique....
Benoît XVI s'était déjà exprimé avec clarté et fermeté - confirmée ensuite par le voyage en Israël et la promesse de se rendre à la synagogue de Rome(!!) - le printemps dernier, voulant démentir et délégitimer les positions de plusieurs représentants du clergé catholique qui avaient fait des déclarations tendant à nier la Shoah, ou à diminuer la gravité de la tentative d'extermination totale du peuple juif... Ceci devrait mettre un sceau final, et clore définitivement les théories et interprétations diverses.
(ANSA)

2. M. De Segni, le grand Rabbin de Rome, exprime quant à lui son mécontentement en ces termes dans la Stampa, dont il semble qu'il soit un intervenant régulier:
"Je ne vois aucun pas en avant. Le problème reste son interprétation de la shoah et du nazisme, c'est-à-dire une bande de délinquants (ndt: son interprétation du discours prononcé en mai 2006 au camps d'Auschwitz) qui tint sous son poing la nation allemande toute entière. Par rapport à cette thèse, l'Angelus n'apporte aucune modification substantielle. De divers côtés, Benoît XVI a été contesté dans ses visites à Auschwitz et au Mémorial de l'holocauste “Yad Vashem”, car il avait bien fait la distinction entre l'Allemagne et le peuple allemand d'une part, et les responsabilités du nazisme de l'autre. Par rapport à ce problème, il ne me semble pas qu'aujourd'hui, le Pape se soit démarqué de cette ligne.

3. Plusieurs articles reviennent sur les camps de concentration nazis. L'éditorial de la Gazetta del Sud (un journal souvent très bon) se conclut par une longue évocation de l'enfer d'Auschwitz et cite à l'appui Spielberg et Claude Lanzmann... Salvatore Izzo, l'excellent vaticaniste de l'agence AGI, un peu moins bien inspiré que d'habitude, énumère longuement tous les "beaux gestes" de Benoît XVI envers les juifs. Comme si le Saint-Père devait se justifier. L'article contient de très bons passages, mais d'autres que je trouve superflus et déplacés ne me donnent pas l'envie de le traduire.

Tout cela est bel et bon, peut-être justifié... mais peut inspirer au moins trois réflexions, finalement plutôt redondantes.

- Chacun des deux ayant un peu raison à sa manière, MM Di Segni et Gattegna n'ont pourtant pas lu une ligne du discours d'Angelus. Nulle part il n'y est question de la Shoah, et de l'extermination du peuple juif - même s'il est probable que le Pape y a pensé, et possible qu'il porte ces évènements comme une blessure en son coeur, en tant qu'allemand. Il n'a donc pas pu préciser ses positions sur la question.
- Pourquoi, et à quel titre, les a t'on interrogés?
- Les commentaires des journalistes sont totalement hors sujet, et donc parfaitement déplacés.

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Pour apporter un éclairage différent sur ces mots du Pape, ils m'ont immédiatement fait penser, peut-être à tort, à ce qu'il répondait dans une interviewe de 1993, re-publiée par Inside the Vatican en 2001, à l'occasion du cinquantième anniversaire de son sacerdoce, puis à nouveau dans le numéro spécial de Mai 2005, consacré à l'élection.
On en trouvera l'intégralité, traduite par mes soins, ici: http://beatriceweb.eu/ (l'interviewe mérite d'être relue, indépendamment de cet épisode)

Q: Quelle influence pensez-vous que le fait d'avoir vécu cette période a eu sur votre formation intellectuelle?
R: Je dirais, de deux façons. D'une part, nous étions davantage conscients de notre foi, puisque nous étions souvent entraînés dans des discussions, et nous étions obligés de trouver des arguments pour nous défendre. Et ainsi, en ce sens, cela nous a aidés à réfléchir sur la foi, pour une vie plus concrète et pour une foi plus convaincue.
Et en second lieu, je dois dire que nous avons eu la vision d'une conception anti-chrétienne du monde, qui, en fin de compte, s'est montrée elle-même anti-humaine et absurde, parce qu'initialement, elle se présentait comme un grand espoir pour l'humanité. Et le résultat pour moi, c'est que j'ai appris à avoir une certaine réserve envers les idéologies dominantes.

Q: Il est terrifiant de voir comment, en cette fin du XXème siècle, des pays qui se sont battus contre Hitler ont embrassé quelques-unes des idéologies anti-humaines favorisées par lui: euthanasie, par exemple, expérimentation sur les embryons humains.
R: D'une certaine façon, Hitler a anticipé beaucoup de développements actuels. Et il y a actuellement un débat historique très intéressant sur cette question, en Allemagne. Parce que, vu d'un certain angle, Le Nazisme était certainement un mouvement anti-moderne. Avec l'exaltation romantique du passé allemand, de la nature, contre ce que les nazis appelaient l'"intellectualisme judeo-bourgeois" du monde moderne. Il est vrai que c'était là une réaction anti-moderne, anti-libérale.
D'un autre côté, il y a maintenant une seconde école de pensée, qui soutient que le Nazisme, paradoxalement, donna une grande impulsion au processus de modernisation en Allemagne et en Europe, anticipant des réalisations et des idées qui n'étaient pas encore acceptées par la conscience commune.
Par exemple, précisément, l'idée de débarasser la communauté de ceux qui sont malades ou incapables de faire leur part de travail dans la société, les malades mentaux, en les tuant -cette idée n'était pas acceptée, même par ceux qui avaient une certaine sympathie pour le régime. Mais je dirais que s'il advenait qu'un pareil régime revînt, la résistance contre de telles choses, parmi les gens, serait bien moindre que ce qu'elle était dans ma jeunesse.
















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