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Saint Benoît, l'Europe, son patrimoine spirituel

Homélie, lors des vêpres, à l'Abbaye de Monte Cassino, dimanche 24 mai (25/5/2009)

Les Vêpres à Monte Cassino.

Au cours de la journée qu'il a passée à Monte Cassino, outre la belle prière au cimetière militaire polonais, le saint-Père a prononcé deux homélies.
C'est le seconde, celle des vêpres à l'Abbaye, que j'ai choisi de traduire ici (source: radio Vatican)

Le Pape a prié pour que l'Europe valorise l'immense richesse culturelle et spirituelle du christianisme

Grâce à l'activité des monastères, articulée autour du triple engagement quotidien de la prière, de l'étude et du travail, des peuples entiers du continente européen ont connu un authentique rachat et un développement moral, spirituel et culturel bénéfique, s'éduquant au sens de la continuité avec le passé, à l'action concrète pour le bien commun, à l'ouverture vers Dieu et la dimension transcendante. Prions pour que l'Europe sache toujours valoriser ce patrimoine de principes et d'idéaux chrétiens qui constitue une immense richesse culturelle et spirituelle.

Chers frères et soeurs de la grande Famille bénédictine !

Arrivé presque au terme de ma visite d'aujourd'hui, il m'est particulièrement agréable de m'arrêter en ce lieu sacré, dans cette Abbaye, quatre fois détruite et reconstruite, la dernière fois après les bombardements de la seconde guerre mondiale il y a 65 ans. « Succisa virescit » : ces mots écrits sur ses nouvelles armoiries en indiquent bien l'histoire. Monte Cassino, chêne séculaire planté par Saint Benoît, a été « élagué» par la violence de la guerre, mais elle est renée plus vigoureuse. Plus d'une fois, j'ai eu moi-même l'occasion de jouir de l'hospitalité des moines, et dans cette Abbaye j'ai passé des instants inoubliables de calme et de prière. Ce soir nous y sommes entrés en chantant le Laudes regiae pour célébrer ensemble les Vêpres de la solennité de l'Ascension de Jésus. À chacun de vous, j'exprime la joie de partager cet instant de prière, en vous saluant tous avec affection, reconnaissant pour l'accueil que m'avez réservé, et à ceux qui m'accompagnent dans ce pèlerinage apostolique. En particulier, je salue l'Abbé Dom Pietro Vittorelli, qui s'est fait l'interprète de vos sentiments communs. J'étends mon salut aux Abbés, aux Abbesses et aux communautés bénédictines ici présentes.

Aujourd'hui la liturgie nous invite à contempler le mystère de l'Ascension du Seigneur. Dans la brève lecture, tirée de la Première Lettre de Pierre, nous avons été exhortés à fixer le regard sur notre Rédempteur, qui est mort « une fois pour toutes, pour les péchés » pour nous conduire à nouveau à Dieu, à la droite de qui il se trouve « après être monté au ciel et avoir obtenu la souveraineté sur les anges, les Princes et les Puissances » (cf 1 Pt 3, 18,22). « Monté en haut » et rendu invisible aux yeux de ses disciples, Jésus toutefois ne les a pas abandonnés : en effet, « mis à mort dans le corps, mais rendu vivant dans l'esprit » (1 Pt 3.18), Il est maintenant présent de manière nouvelle, à l'intérieur des croyants, et en Lui le salut est offert à chaque être humain sans différence de peuple, langue et culture.
La Première Lettre de Pierre contient des références précises aux évènements christologiques fondamentaux de la foi chrétienne. Le souci de l'Apôtre est de mettre en lumière la portée universelle du salut dans le Christ. Nous trouvons une hantise analogue chez Saint-Paul, dont nous célébrons le bimillénaire de la naissance, et qui écrit à la communauté de Corinthe : « Il (le Christ) est mort pour tous, pour que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Cor 5, 15).

Ne plus vivre pour soi-même, mais pour le Christ : voilà ce qui donne son plein sens à la vie de celui qui se laisse conquérir par Lui. Le parcours humain et spirituel de Saint- Benoît, qui, abandonné de tous, se mit fidèlement à la suite de Jésus le manifeste clairement. Incarnant l'Évangile par son existence, il est devenu initiateur d'un vaste mouvement de renaissance spirituelle et culturelle en Occident.

Je voudrais ici faire allusion à un évènement extraordinaire de sa vie, que relate son biographe Saint Grégoire le Grand et que vous connaissez certainement. On pourrait presque dire que le saint Patriarche « fut élevé en haut » dans une indescriptible expérience mystique. La nuit du 29 octobre 540, - lit-on dans la biographie - alors que, s'étant mis à la fenêtre, « les yeux fixés sur les étoiles il s'intériorisait dans la divine contemplation, le saint sentit que son coeur s'enflammait… Pour lui, le firmament étoilé était comme le rideau brodé qui dévoilait le Saint des Saints. À un certain point, son âme se sentit transportée de l'autre côté du voile, pour contempler dévoilée la face de Celui qui habite dans une lumière inaccessible ».Sans doute, de même que ce qui se produisit pour Paul après son enlèvement au ciel, pour Saint Benoît aussi, à la suite de cette extraordinaire expérience spirituelle, une vie nouvelle dut commencer. Si en effet la vision fut passagère, les effets restèrent, et sa physionomie même - selon les biographes - s'en trouva modifiée, son aspect resta toujours serein et son attitude angélique mais, tout en vivant sur la terre, on comprenait qu'avec le coeur il était déjà au Paradis.

Saint Benoît reçut ce don divin non certes pour satisfaire sa curiosité intellectuelle, mais plutôt pour que le charisme dont Dieu l'avait doté eût la capacité de reproduire dans le monastère la vie même du ciel et d'y rétablir l'harmonie de la création au moyen de la contemplation et du travail. C'est justement pourquoi l'Église le vénère comme « éminent maître de vie monastique » et « docteur en sagesse spirituelle dans l'amour de la prière et du travail » « admirable guide des peuples vers la lumière de l'Évangile » qui « élevé au ciel par une route lumineuse » enseigne aux hommes de tous les temps à chercher Dieu et les richesses éternelles par Lui préparées.

Oui, Benoît fut un exemple lumineux de sainteté et indiqua aux moines le Christ comme unique grand idéal; il fut maître de civilisation qui, proposant une vision équilibrée et adéquate des exigences divines et des fins ultimes de l'homme, garda aussi toujours bien présentes les nécessités et les raisons du coeur, pour enseigner et susciter une fraternité authentique et constante, afin que dans la complexité des rapports sociaux on ne perde pas de vue une unité d'esprit capable de toujours construire et alimenter la paix.
Ce n'est pas un hasard si c'est le mot Pax qui accueille les pèlerins et les visiteurs aux portes de cette Abbaye, reconstruite après l'immense désastre du second conflit mondial ; il s'élève comme un avertissement silencieux à rejeter toute forme de violence pour construire la paix : dans les familles, dans les communautés, entre les peuples et dans l'entière humanité. Saint Benoît invite chaque personne que monte cette montagne à chercher la paix et à la suivre : « inquire pacem et sequere eam (Ps. 33.14-15) » (Règle, Prologue, 17).

À son école, les monastères sont devenus, dans le cours des siècles, de fervents centres de dialogue, de rencontre et de fusion bénéfique entre des gens différents, unifiés par la culture évangélique de la paix. Les moines ont su enseigner avec les mots et avec l'exemple l'art de la paix en réalisant de façon concrète les trois « lois » que Benoît désigne comme nécessaires pour conserver l'unité de l'Esprit parmi les hommes : la Croix, qui est la loi même du Christ ; le livre c'est-à-dire la culture ; et la charrue, qui indique le travail, la domination sur la matière et sur le temps. Grâce à l'activité des monastères, articulée autour du triple engagement quotidien de la prière, de l'étude et du travail, des peuples entiers du continente européen ont connu un authentique rachat et un développement moral, spirituel et culturel bénéfique, s'éduquant au sens de la continuité avec le passé, à l'action concrète pour le bien commun, à l'ouverture vers Dieu et la dimension transcendante. Prions pour que l'Europe sache toujours valoriser ce patrimoine de principes et d'idéaux chrétiens qui constitue une immense richesse culturelle et spirituelle.

Cependant, cela n'est possible que si on accueille le constant enseignement de Saint Benoît, c'est-à-dire le « quaerere Deum », chercher Dieu, comme engagement fondamental de l'homme. L'être humain ne se réalise pas pleinement, il ne peut pas être vraiment heureux sans Dieu. Il vous revient en particulier à vous, chers moines, d'être des exemples vivants de cette profonde relation intérieure avec Lui, en réalisant sans compromis le programme que votre Fondateur a synthétisé dans les « nihil amori Christi praeponere », « ne rien placer avant l'amour du Christ » (Règle 4.21). C'est en cela que consiste la sainteté, proposition valide pour chaque chrétien, plus que jamais à notre époque, où se ressent la nécessité d'ancrer la vie et l'histoire à des solides références spirituelles. Pour cela, chers frères et soeurs, votre vocation est plus que jamais actuelle et votre mission de moines est indispensable.

De ce lieu, où repose sa dépouille mortelle, le saint Patron de l'Europe continue à inviter chacun à poursuivre son oeuvre d'évangélisation et de promotion humaine. Il vous encourage en premier lieu vous, chers moines, à rester fidèles à l'esprit des origines et à l'être les interprètes authentiques de son programme de renaissance spirituelle et sociale. Que le Seigneur vous concède ce don, par l'intercession de votre Saint Fondateur, de sa soeur sainte Scholastique et des Saints et Saintes de l'Ordre. Et que la céleste Mère du Seigneur, qu'aujourd'hui nous invoquons comme « Aide des chrétiens », veille sur vous et protège cette Abbaye et tous vos monastères, ainsi que la communauté diocésaine qui vit autour de Monte Cassino.
Amen !

Le théologien et le pasteur Congrès ecclésial du diocèse de Rome