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La voix du Pape


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Cette pollution du coeur et de l'esprit

L'homélie de Pentecôte du saint-Père n'est pas un manifeste écologique. Texte complet traduction (3I/5/2009)

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Le Pape a prononcé aujourd’hui une très belle homélie, en la solennité de la Pentecôte.
Les métaphores évangéliques du souffle de vent, et des langues de feu, lui ont permis d’aborder des thèmes d’actualité, avec une force de conviction (et même un esprit de polémique) que je lui ai rarement vue.
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« Pour désigner l'Esprit Saint, dans le récit de la Pentecôte les Actes des Apôtres utilisent deux grandes images : l'image de la tempête et celle du feu », écrit-il.
« Comme il existe une pollution atmosphérique, qui empoisonne l'environnement et les êtres vivants, il existe aussi une pollution du coeur et de l'esprit»
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Il n’en faut pas davantage pour que les medias, retenant la première partie de la phrase, voient dans une profonde méditation dont il faut du temps pour saisir toute la richesse un simple manifeste écologique.
Il faut évidemment lire la suite:
« De la même manière qu'il ne faut pas s'accoutumer aux poisons de l'air - et pour cela l'engagement écologique représente aujourd'hui une priorité -, on devrait en faire autant pour ce qui corrompt l'esprit. Il semble au contraire qu'aux nombreux produits polluant l'esprit et le coeur qui circulent dans nos sociétés - par exemple des images que mettent en spectacle le plaisir, la violence ou le mépris pour l'homme et la femme - à ceux-là, il semble qu'on s'habitue sans difficulté .
Cela aussi est liberté, dit-on, sans reconnaître que tout cela pollue, intoxique l'esprit, surtout des nouvelles générations, et finit ensuite pour en conditionner la liberté même.
»

La presse italienne titre déjà :
Il Papa: "L'impegno ecologico rappresenta oggi una priorità"

Ou bien : "Le tragedie di Hiroshima e Nagasaki debbono rappresentare un «perenne monito» per l'umanità".
C’est vrai qu’il y fait allusion, mais son intention est plus ample.
Cette manière de tout simplifier (alors que rien n'y oblige, à moins de considérer que les gens sont tous des idiots) devient donc vraiment pénible, puisque évidemment, le propos du saint-Père va bien au-delà du prétendu « engagement écologique » ou « pacifiste » pour lequel certains voudraient le recruter, tout en oubliant à dessein l’essentiel de son message.
Il suffit de le lire.

J’ai donc préféré revenir au texte original, dont voici ma traduction.

Source: Raffaella


Chaque fois que nous célébrons l'Eucharistie, nous vivons dans la foi le mystère qui s'accomplit sur l'autel, c'est-à-dire que nous participons au suprême acte d'amour que le Christ a réalisé avec sa mort et sa résurrection.
L'unique et même point central de la liturgie et de la vie chrétienne - le mystère pascal - assume ensuite, lors des différentes solennités et fêtes, des « formes » spécifiques, avec des significations ultérieures et avec des dons de grâce particuliers. Parmi toutes les solennités, la Pentecôte se distingue en importance, parce qu'en elle se réalise ce que Jésus lui-même avait annoncé être le but de toute sa mission sur la terre.
En effet, alors qu'il montait à Jérusalem, il avait déclaré à ses disciples : « Je suis venu pour jeter le feu sur la terre, et combien je voudrais qu'il fût déjà allumé ! » (Luc 12.49).
Ces mots trouvent leur plus évidente réalisation cinquante jours après la résurrection, dans la Pentecôte, ancienne fête juive qui dans l'Église est devenue la fête par excellence de l'Esprit Saint : « Il apparut comme des langues de feu… et tous furent comblés de l'Esprit Saint » (Act 2.3-4).

Le vrai feu, l'Esprit Saint, a été porté sur la terre par le Christ. Il ne l'a pas arraché aux dieux, comme le fit Prométhée, selon le mythe grec, mais il s'est fait médiateur du « don de Dieu » en l'obtenant pour nous par le plus grand acte d'amour de l'histoire : sa mort sur la croix.

Dieu veut continuer à offrir ce « feu » à chaque génération humaine, et naturellement il est libre de le faire comme et quand il veut. Il est esprit, et l'esprit « souffle où il veut » (cf. Jean3.8).

Il y a cependant une « voie normale » que Dieu lui-même a choisie « pour jeter le feu sur la terre » : cette voie est Jésus, son Fils Unique incarné, mort et ressuscité.

À son tour, Jésus Christ a constitué l'Église comme son Corps mystique, afin qu'il en prolonge la mission dans l'histoire.
« Recevez l'Esprit Saint » - dit le Seigneur aux Apôtres le soir de la Résurrection, accompagnant ces mots avec un geste expressif : « il souffla » sur eux (cf. Jean 20.22). Il manifesta ainsi qu'il leur transmettait son Esprit, l'Esprit du Père et du Fils.
Aujourd'hui, chers frères et soeurs, dans la solennité de ce jour, l'Écriture nous dit encore une fois comme doit être la communauté, comment nous devons être pour recevoir le don de l'Esprit Saint. Dans le récit, qui décrit l'évènement de la Pentecôte, l'Auteur sacré rappelle que les disciples « se trouvaient tous ensemble dans le même lieu ». Ce « lieu » est le Cénacle, la « chambre à l'étage supérieur » où Jésus avait fait avec les Apôtres la Dernière Cène, où il leur était apparu ressuscité ; cette chambre qui était devenue pour ainsi dire le « siège » de l'Église naissante (cf. Act 1.13). Les Actes des Apôtres toutefois, plus qu'insister sur le lieu physique, entendent souligner l'attitude intérieure des disciples : « Tous étaient persévérants et unis dans la prière » (Act 1.14).

Donc, la concorde des disciples est la condition pour que vienne l'Esprit Saint ; et le fondement de la concorde est la prière.

Ceci, chers frères et soeurs, vaut aussi pour l'Église d'aujourd'hui, vaut pour nous, qui sommes réunis ici. Si nous voulons que la Pentecôte ne se réduise pas à un simple rite ou à une commémoration suggestive, mais soit évènement actuel de salut, nous devons nous préparer dans l'attente religieuse du don de Dieu par l'humble et silencieuse écoute de sa parole.

Pour que la Pentecôte se renouvelle à notre époque, il faut peut-être - sans rien enlever à la liberté de Dieu - que l'Église « s'essouffle moins » dans les activités et s'adonne plus à la prière. C'est la Mère de l'Église, Marie Très sainte, Épouse de l'Esprit Saint, qui nous l'enseigne.

Cette année la Pentecôte coïncide avec le dernier jour de mai, où on célèbre habituellement la fête de la Visitation. Cette dernière fut aussi une sorte de petite « Pentecôte », qui fit jaillir la joie et la louange des coeurs d'Elisabeth et de Marie, l'une stérile et l'autre vierge, devenues toutes les deux mères par une extraordinaire intervention divine (cf. Luc 1.41-45).
La musique et le chant, qui accompagnent notre liturgie, nous aident aussi à être en accord dans la prière, et c'est pourquoi j'exprime une vive reconnaissance au Choeur du Dôme et à l'Orchestre de Chambre de Cologne. Pour cette liturgie, à l'occasion du bicentenaire de la mort de Joseph Haydn, on a en effet choisi très opportunément son "Harmoniemesse", la dernière des « Messes » composées par le grand musicien, une sublime symphonie à la gloire de Dieu. À vous tous venus pour cette circonstance, j'adresse mon cordial salut.

Pour désigner l'Esprit Saint, dans le récit de la Pentecôte les Actes des Apôtres utilisent deux grandes images : l'image de la tempête et celle du feu.

Clairement, Saint Luc a en tête la théophanie (teofania - manifestation de Dieu ) du Sinaï, racontée dans le livre de l'Exode (19.16-19) et du Deutéronome (4,10-12.36). Dans le monde ancien la tempête était vue comme signe de la puissance divine, en présence de laquelle l'homme se sentait subjugué et terrifié. Mais je voudrais souligner aussi un autre aspect : la tempête est décrite comme « vent impétueux », et ceci fait penser à l'air, qui distingue notre planète des autres astres et nous permet de vivre sur elle.

Ce que l'air est pour la vie biologique, l'Esprit Saint l'est pour la vie spirituelle ; et comme il existe une pollution atmosphérique, qui empoisonne l'environnement et les êtres vivants, ainsi existe une pollution du coeur et de l'esprit, qui mortifie et empoisonne l'existence spirituelle.

De la même manière qu'il ne faut pas s'accoutumer aux poisons de l'air - et pour cela l'engagement écologique représente aujourd'hui une priorité -, on devrait en faire autant pour ce qui corrompt l'esprit. Il semble au contraire qu'aux nombreux produits polluant l'esprit et le coeur qui circulent dans nos sociétés - par exemple des images que mettent en spectacle le plaisir, la violence ou le mépris pour l'homme et la femme - à cela, il semble qu'on s'habitue sans difficulté.


Cela aussi est liberté, dit-on, sans reconnaître que tout cela pollue, intoxique l'esprit, surtout des nouvelles générations, et finit ensuite pour en conditionner la liberté même. La métaphore du vent impétueux de la Pentecôte fait penser à quel point il est au contraire précieux de respirer un air purifié, que ce soit avec les poumons, l'air physique, qu'avec le coeur, l'air spirituel, l'air salubre de l'esprit qui est l'amour!


L'autre image de l'Esprit Saint que nous trouvons dans les Actes des Apôtres est le feu.

J'ai fait allusion plus haut à la comparaison entre Jésus et la figure mythologique de Prométhée, qui rappelle l'aspect caractéristique de l'homme moderne.

S'étant emparé des énergies du cosmos - le « feu » - l'être humain semble aujourd'hui s'affirmer lui-même comme un dieu et vouloir transformer le monde en excluant, en mettant de côté ou même en refusant le Créateur de l'univers. L'homme ne veut plus être image que Dieu, mais de lui-même ; il se déclare autonome, libre, adulte.

Évidemment, une telle attitude révèle un rapport non authentique avec Dieu, conséquence d'une fausse image de Lui qu'il s'est construite, comme le fils prodigue de la parabole évangélique qui croit se réaliser lui-même en s'éloignant de la maison du père. Ainsi, dans les mains d'un homme, le « feu » et ses énormes potentialités deviennent dangereux : ils peuvent se retourner contre la vie et l'humanité même, comme le montre malheureusement l'histoire.

Les tragédies d' Hiroshima et Nagasaki, où l'énergie atomique, utilisée pour des buts de guerre, a fini par semer la mort en proportions inouïes, restent pour toujours des avertissements.

On pourrait en vérité trouver beaucoup d'exemples, moins graves mais tout aussi symptomatiques, dans la réalité de chaque jour.
La Sainte Écriture nous révèle que l'énergie capable de remuer le monde n'est pas une force anonyme et aveugle, mais c'est l'action de l'« Esprit de Dieu qui flottait sur les eaux » (Gn 1.2) au début de la création. Et Jésus Christ « a porté sur la terre » non pas la force vitale, qui déjà y habitait, mais l'Esprit Saint, c'est-à-dire l'amour de Dieu qui « renouvelle le visage de la terre » en la purifiant du mal et en la libérant de la domination de la mort (cf. Ps 103/104.2930). Ce « feu » pur, essentiel et personnel, le feu de l'amour, est descendu sur les Apôtres, réunis en prière avec Marie dans le Cénacle, pour faire de l'Église le prolongement de l'oeuvre rénovatrice du Christ.

Enfin, une dernière pensée encore tirée du récit des Actes des Apôtres : l'Esprit Saint vainc la peur. Nous savons que les disciples étaient réfugiés dans le Cénacle après l'arrestation de leur Maître, et y étaient restés enfermés par peur de subir le même sort.

Après la Résurrection de Jésus, cette peur qu'ils ressentaient ne disparut pas d'un seul coup. Mais voilà qu'à la Pentecôte, lorsque l'Esprit Saint se posa sur eux, ces hommes sortirent dehors sans crainte et commencèrent à annoncer à tous la bonne nouvelle du Christ crucifié et ressuscité. Ils n'avaient aucune crainte, parce qu'ils se sentaient dans les mains du plus fort.

Oui, chers frères et soeurs, l'Esprit de Dieu, là où il entre, chasse la peur ; il nous fait connaître et sentir que nous sommes dans les mains d'une toute-puissance d'amour: quoiqu'il arrive, son amour infini ne nous abandonne pas.

En sont la preuve le témoignage des martyres, le courage des confesseurs de la foi, l'intrépide élan des missionnaires, la franchise des prédicateurs, l'exemple de tous les saints, certains même adolescents et enfants. Et aussi l'existence même de l'Église qui, malgré les limites et les fautes des hommes, continue à traverser l'océan de l'histoire, poussée par le souffle de Dieu et animée par son feu purificateur.
Avec cette foi et ce joyeux espoir nous répétons aujourd'hui, par l'intercession de Marie : « Envoie ton Esprit, Seigneur, pour renouveler la terre ! ».

© Copyright 2009 - Librairie Editrice Vaticane

La voix du Pape L'homme ne doit pas se substituer à Dieu