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Notre Père

Cité par Michel de Jaeghere dans son article "Religieusement correct" du livre "La pensée unique ".
Un texte subversif d'Alain Genestar, dans Paris Match, en avril 2005.
Il ne mérite sans doute "ni cet excès d'honneur, ni cette indignité", mais c'est aussi le manifeste du "religieusement correct".
(21 avril 2009)

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Notre Père

Un nouveau mot d'ordre avait surgi, qui allait triompher au cours de l'année 2003, à l'occasion des célébrations du 25e anniversaire du pontificat de JP II: celui de la récupération, illustrée entre autres par cet éditorial d'Alain Genestar publié dans Paris Match de juillet 2003 et significativement intitulé «Notre père».
(les commentaires en italique sont de MdJ)


«Jean-Paul II laissera en héritage à sa grande famille un passé prestigieux et un présent plus magnifique encore. Son passé est ce qu'il a réussi à construire ou à détruire dans ce monde de haine, de violence ou de matérialisme galopant. Le premier rôle qu'il a joué dans la chute du communisme est colossal. Jean-Paul II a condamné avec la même vigueur l'obscurantisme du communisme et les injustices du totalitarisme. Il a été entendu sur le premier mais pas sur les secondes. Réussir la moitié de sa mission est déjà un exploit, l'autre reste à faire. Son passé, c'est aussi la réconciliation historique avec la religion juive. Paul VI avait été le premier pape depuis saint Pierre à se rendre en Terre Sainte, mais les mots définitifs lui avaient manqué. Jean-Paul II les a prononcés, a demandé pardon magnifiquement et a rapproché les deux religions abrahamiques, la juive étant l'aînée de la chrétienne. Son passé, c'est encore sa main tendue aux peuples les plus pauvres, ces damnés d'Afrique et des dictatures, ces opprimés-affamés qu'il a installés au centre de son Église. Jean-Paul II n'a jamais porté la tiare d'or et de diamants des papes, il lui a préféré le bâton du pèlerin, puis sa chaise roulante (sic) pour aller les voir jusqu'à l'extrémité de ses forces et leur dire qu'ils étaient l'avenir de la chrétienté.
Après des siècles d'oubli et de pitié où l'Église catholique s'est davantage occupée de son installation dans le monde des riches, Jean-Paul II a refondé son Église sur les vraies valeurs de dénuement et de dévouement, la rebâtissant là où elle est à sa vraie place, parmi les pauvres. Les critiques justifiées (ah, il y a quand même des réserves !) sur son refus de prêcher en Afrique sur la contraception et l'usage du préservatifpour lutter contre le sida assombrissent son bilan. Mais on peut aussi faire l'effort de comprendre que sa mission était et est encore de soigner les esprits avant les corps. À chacun son travail. Jean-Paul II fait le sien, les États richissimes, les anciens colons, la société civile, les organismes médicaux internationaux ne font pas suffisamment le leur, mais c'est là un autre débat. Son présent est sublime dans l'exemple qu'il veut donner aux autres : Jean-Paul II a remis l'homme au coeur de la religion. Il est un homme parmi les hommes et cet homme livre son image de malade épuisé au monde qui l'observe. Il est ce père merveilleux qui, au-delà de la religion dont il est le chef, montre à ses enfants, croyants ou athées, que tant qu'il aura encore un souffle de vie, il sera là pour les aider».

Explication de texte (MdJ)

Ce texte est extraordinairement révélateur, il nous permet d'appréhender une première définition de ce qui est religieusement correct.
De bons catholiques, des traditionalistes mêmes s'en sont émerveillés sans voir que, sous ses apparences doucereuses, cet article était en fait un texte subversif.
Cela commence avec le titre : «Notre père», c'est sous ce nom que chaque jour nous nous adressons à Dieu. Or «Notre père» ici, c'est Jean-Paul II.
Que l'on doit révérer.
Pourquoi?
Parce qu'il a transmis l'héritage de l'Église ?
Pas du tout
. Parce qu'il l'a «refondée» en la réconciliant avec la religion juive, en reconnaissant que celle-ci est l'aînée de la religion catholique, en demandant pardon pour ses fautes par la repentance, en défendant les droits de l'homme et la solidarité avec les affamés et enfin - c'est peut-être là l'essentiel - en remettant l'homme au coeur de la religion. C'est ce qui fait, nous dit Genestar, qu'au contraire de la caricature qui l'habille en conservateur, Jean-Paul Il est un pape révolutionnaire. Il est vrai qu'il a eu des faiblesses -il s'est opposé à la révolution des moeurs mais, comme le dit également Genestar, «à chacun son travail, après tout».
Genestar, au fond, nous dit que le pape n'a rien imposé : il s'est contenté de dire sa vérité, il faut lui en laisser la liberté, comme on laisse un vieux père un peu diminué cultiver ses marottes. Ce qu'il incarne dépasse ces petitesses (Genestar n'est pas seul à tenir ce discours : Mgr Di Falco par exemple, dans le livre qu'il vient d'écrire avec Frédéric Beigbeder, Je crois, moi non plus : dialogue entre un évêque et un mécréant, déclare que si le pape rappelle de grands principes, on n'a pas à s'y arrêter ; il montre la direction, c'est la boussole mais ce n'est pas le chef).
Ce texte est très intéressant parce qu'il offre une épure : en effet, c'est exactement sur ce canevas qu'ont été brodés les éloges, cette fois portés au dithyrambe, qu'a suscités la mort de Jean-Paul II. Tous les commentateurs de la presse et des médias ont repris ce même thème, radios et télévisions célébrant alors à l'unisson la mémoire du pape défunt en rappelant qu'il avait été contre le communisme un défenseur de la liberté, qu'il avait promu le dialogue entre les religions en reconnaissant surtout au judaïsme une place singulière, qu'il s'était imposé, au fil de ses voyages et par l'alchimie qui lui avait permis de susciter l'enthousiasme des déshérités, comme un véritable expert en humanité ; qu'il avait enfin demandé pardon, urbi et orbi, pour tous les crimes qui avaient ponctué l'histoire de l'Église. Au passif, on reconnaissait qu'il n'avait pas compris l'évolution naturelle de nos sociétés, d'où ce conservatisme moral qui l'avait amené à condamner l'avortement, la contraception ou l'homosexualité, mais c'était pour aussitôt enchaîner sur le fait qu'il méritait tout de même notre respect parce que, chef de l'Église, il avait su dépasser les clivages confessionnels pour incarner la nécessité d'une spiritualité susceptible de donner un sens et une âme à la démocratie universelle.





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