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La nuit blanche dans les églises

Commentaire d'un excellent article d'Aude de Kerros, publié sur le site Liberté Politique. (4/10/2009)


L'art contemporain dans les églises
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Cette semaine a vu dans la ville où j'habite - municipalité PS depuis l'année dernière - puis le lendemain à Paris, la désormais traditionnelle "nuit blanche" (quid de la préservation de l'environnement, des économies d'énergie, et du "développement responsable", alors qu'on demande au particulier de couper le robinet lorsqu'il se brosse les dents???).

Inutile de dire que je me suis calfeutrée chez moi, et que je n'ai donc pas vu les "installations" dont il est question dans l'article (j'en ai juste eu une idéee dans la rue, l'après-midi, quand il m'a été donné d'admirer de mystérieux autant que grotesques empilements de bûches) mais cela n'empêche pas la réflexion.

Voici donc un article remarquable, et surtout très instructif d'Aude de Kerros, publié sur le site Liberté Politique.
Instructif, car j'y ai appris des choses que j'ignorais, ou plus exactement, il a levé mes derniers doutes.
Et il s'insère dans la continuité des articles déjà publiés à propos de la rencontre du saint-Père avec les artistes, prévue pour le moins prochain (voir ici: Foi et art moderne )

L'article commence ainsi:

Il est devenu aujourd’hui banal pour celui qui entre dans une église, en fidèle ou en touriste, d’y voir des installations d’art contemporain. La Nuit blanche du 3 au 4 octobre donnera aux Parisiens l’occasion d’en découvrir à nouveau. Les questions surgissent invariablement : Que signifient-elles ? Quel rapport avec le lieu, son histoire et sa fonction ?

Toute personne un peu cultivée sait aujourd’hui que « l’installation » est une pratique conceptuelle inspirée de Marcel Duchamp. Son principe est le « détournement » d’objets et de lieux dans le but de déstabiliser « le regardeur » et de modifier le sens du lieu et de l’objet détourné, dans le meilleur des cas à des fins « critiques ». Cette démarche définit « l’art contemporain » ou AC.

Le Père Scalese exprimait le voeu somme toute assez compréhensible par tout un chacun, y compris par les non-croyants, que les Eglises soient construites par des catholiques, eux-seuls pouvant avoir le sens du sacré.

Eh bien non, pas en France, en tout cas:

(..) depuis les années quatre-vingts, le ministère de la Culture s’intéresse tout particulièrement aux commandes d’art sacré.
À partir de 1987, date de la construction de la cathédrale d’Évry, où la rue de Valois (ndr: pour les lecteurs étrangers, siège du ministère de la culture, et fief à vie de Jack Lang, même depuis qu'il n'y est plus) a joué un rôle dominant, cette démarche est devenue systématique et organisée.
L’objectif est de procurer des commandes d’Etat aux artistes officiels. Il convenait donc alors de donner à un art officiel, exclusivement conceptuel et peu prisé par le public, une légitimité, par inclusion inamovible dans le patrimoine.

L'auteur de l'article identifie 3 phases, dans cette démarche pour imposer l'AC au grand public, et permettre à l'Etat de prendre le contrôle intégral de la création artistique, selon un crescendo inquiétant, à partir du concept économique justifiable de la commande groupée:

- Commande publique démultipliée - Au cours des années 80 et le début des années 90, ces commandes ont concerné essentiellement les vitraux des églises les plus remarquables du patrimoine(..) pour remplacer les vitraux détruits par les bombardements
- Apparition des installations - Vers la fin des années 90, on vit arriver massivement dans les églises des « installations » éphémères. Ces « œuvres d’AC » étaient l’occasion de distribuer quelques cachets et de faire apparaître un nom d’artiste grâce à un évènement suffisamment spectaculaire pour émouvoir les médias. Seuls les lieux « sacrés » rendent possibles transgressions, blasphèmes et « détournements » significatifs en mesure d’attirer leur attention.
- Développement de l’animation - À partir des années 2000, une troisième étape est franchie : les églises deviennent des lieux d’animation culturelle. Elles participent désormais à de grandes fêtes ludiques qui n’ont plus rien à voir avec des « concerts spirituels ». Les « Nuits Blanches » en sont un exemple type. Les églises offrent leurs lieux aux organisateurs d’évènements qui captent, au profit d’une œuvre à valoriser, le grand battage médiatique.

Bien entendu, l'odeur désagréable du fric n'est pas loin, et on comprend mieux, quand on lit ceci:

C’est aujourd’hui un des moyens les plus efficaces, et les moins onéreux puisque gratuit, pour acquérir une visibilité et travailler une cote.
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Puis l'auteur rappelle l'"installation mise en lieu et place des objets liturgiques, servant à la célébration de la messe de Pâques en la cathédrale de Gap: un Christ assis sur une chaise électrique dans une position qui fait penser à une piéta. Cette œuvre de Paul Fryer a été prêtée pour l’occasion par son collectionneur François Pinault qui en fabrique savamment la cote.
Après ce scandale dûment médiatisé, l’œuvre réapparaît en juin à Dinard, « clou » de l’exposition phare de l’été : « Qui a peur des artistes ? » Ce grand capitaine des finances y présente sa collection.
À la fin de processus que l’on peut ici observer, il y aura tôt ou tard une vente chez Christie’s dont Pinault est d’ailleurs propriétaire…

Tout s'explique donc...
Mgr Di Falco aurait-il été l'idiot utile... ou est-il moins naïf qu'on ne l'imagine?

Et à part le fric, qu'y a t'il à gagner?
Réponse articulée en 4 points (dans l'affaire, il semblerait que l'Eglise soit une fois de plus le dindon de la farce!!):

- Pour l’État (..) le but est de légitimer ses choix idéologiques, esthétiques et budgétaires, par une inclusion dans le patrimoine, le sacré et l’Histoire. L’État dirige la « création » en France et non plus seulement la « culture ».
- Pour l’Église (..) les avantages sont plus psychologiques que matériels. Grâce à l’AC, ils sont acceptés par les grands de ce monde et quittent la situation inconfortable de la marginalité dans un monde peu ouvert à la transcendance. Ils acquièrent, par simple contact d’image, les vertus de l’AC : jeunesse, actualité, visibilité.
- Les artistes cherchent eux des lieux forts pour bâtir un concept qui fasse choc, ce qu’aucun musée d’art contemporain, galerie ou centre d’art, par ailleurs peu fréquentés, ne peuvent fournir.
- Pour l’ensemble du réseau qui forme la valeur de l’œuvre et en particulier pour les collectionneurs, l’inclusion dans les lieux historiques et sacrés, offrant prestige et possibilité de scandale médiatisé, augmente automatiquement la cote de l’objet par son inscription dans l’Histoire de l’art.
C’est la technique mise au point dans les années quatre-vingt-dix de la fabrication de la valeur des objets qui n’ont pas de valeur intrinsèque.

Et pour finir, la question se pose: cela peut-il durer?

Peut-être pas, car Aude de Kerros conclut justement:

Et le public dans tout cela ?
(..)
Le « regardeur » (note de moi: le vocabulaire traduit l'idéologie, et rappelle furieusement les apprenants de l'école post-68) ... est d’évidence pris en otage pour le plus grand profit du Financial Art… mais pour combien de temps encore ?

Viendra le jour où le « regardeur enfin avisé » connaissant la clef du mystère de la fabrication de la valeur en réseau, posera un œil distancié et critique sur cet art qui a envahi les lieux de culte (ndlr: et pas seulement!).

Malgré les « médiateurs » prêts à tout expliquer, les « regardeurs » se faisaient rares en mai 2009 à « La Force de l’Art » , à Saint-Eustache comme au Grand Palais… En face, au Petit Palais on fait la queue, on se bouscule. Point de « regardeurs », mais des « contemplateurs », se pressant devant les icônes du Mont-Athos. Manifestement le public se console. Serait-il en attente d’autre chose ?

Recherchant des images pour illustrer cet article, je suis tombée sur ce site très bien fait, très "pro", et... qui confirme, sans doute à son insu, l'analyse d'Aude de Kerros.
J'en retiens le plus présentable (si j'ose dire), cet étalage de frippes, "oeuvre" de Boltanski, dans l'Eglise Saint-Eustache, durant la semaine Sainte de 1994.
J'avoue ne pas comprendre les curés de paroisse qui donnent leur accord à ces provocations des nouveaux marchands du Temple!!!

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