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La Piétà de Michel-Ange

Dans l'actualité, avant la rencontre du Saint-Père avec les "artistes", un texte magistral de Jean Guitton, datant de 1986, où il commente le chef d'oeuvre absolu de l'Artiste parmi les artistes (20/11/2009)


Explorant Internet pour chercher des images sur un thème précis, je tombe par hasard sur le blog de Sombreval .
J'y trouve ce texte de Jean Guitton (extrait d'"Oecuménisme", 1986), qui revêt les habits du critique d'art pour nous faire partager sa perception du chef d'oeuvre des chef-d'oeuvre, exécuté à 25 ans par le génial artiste florentin: la Pietà.
Jean Guitton considère (c'est son avis) que Michel-Ange avait atteint là le sommet de son art, et qu'il ne le dépassera plus.
Cet été, j'ai eu l'occasion de revoir "en vrai" à Rome et à Florence, les oeuvres les plus connues de Michel-Ange, peinture et sculpture. Toutes vous prennent à la gorge. Mais cette Piétà que l'on admire d'assez loin, à droite en entrant dans la Basilique Saint-Pierre, derrière une vitre blindée, mitraillée par les touristes, suscite l'émotion absolue jusqu'au frisson.


Une très modeste remarque personnelle (je suis loin d'être critique d'art, et n'oserais pas débattre avec Jean Guitton, mais mon ignorance même prouve que la vraie beauté n'a pas besoin d'être "décryptée" - vilain mot à la mode - et se laisse découvre toute seule).

Jean Guitton écrit:
J’ai toujours trouvé sa manière de sculpter bien significative : il dégrossissait le marbre, couche par couche, comme si, sous le marbre, la forme existait déjà et qu’il n’eût qu’à la découvrir, ôtant les voiles.

Or, c'est ce qu'on comprend, même physiquement, en voyant les quatre "esclaves", statues inachevés actuellement à la Galerie de l'Académie à Florence, et qui devaient orner le tombeau du Pape Jules II.
On a littéralement l'impression de voir la forme jaillir du bloc de marbre brut.


La Piétà de Michel-Ange ( texte de Jean Guitton )
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En descendant de la cour Saint-Damase, je fais halte à Saint-Pierre, je m’attarde devant la fameuse Piéta, comme si je la contemplais pour la première fois.
La beauté du corps du Christ est dans ce sommeil divin, qui ne peut s’ouvrir que sur la vie : c’est un corps souple, incorrompu, prêt pour la résurrection, tel les corps des «mises au tombeau» chez les peintres. On sait comme Michel-Ange attachait d’importance au torse, ce pivot du corps qui lui paraissait, j’imagine, une réussite plus accomplie que le visage. Je contemple encore une fois ce corps du Christ mort, lieu de faiblesse, ductile, assoupli, sujet à une légère torsion. Le corps est un corps rompu, disloqué, que la Vierge (qui paraît encore toute jeune, et plutôt sœur que mère) peut tenir sur ses genoux, sans donner l’impression que ce corps l’accable.

Dans la cour du palais Capanica, il existe un bloc de marbre d’où Michel-Ange voulait extraire sa Pieta et qu’il rejeta, parce qu’il ne le jugeait pas d’assez bonne qualité…
J’ai toujours trouvé sa manière de sculpter bien significative : il dégrossissait le marbre, couche par couche, comme si, sous le marbre, la forme existait déjà et qu’il n’eût qu’à la découvrir, ôtant les voiles. Ingénieuse feinte, qui est celle qu’il faut soutenir en soi le plus possible, lorsqu’on parle ou qu’on écrit ! « je tisserai des dentelles, écrivait le jeune Mallarmé, que je devine qui existent déjà au sein de la Beauté. »
La Piéta ne reposait pas dans l’épaisseur du marbre, mais dans l’entendement de Michel-Ange, qui savait qu’on sculpte avec son cerveau et non avec ses mains. Sa méthode était de révéler, de réveiller une forme endormie. Et c’est peut-être pour cela que plusieurs visages de Michel-Ange semblent sortir du sommeil.
Ici, Jésus et sa mère ont pour ainsi dire le même âge. Michel-Ange représente Marie sous des traits virils, anéantis, et tendres.
Je lis que c’est un cardinal Français, Jean de Bilhères Laraulas, qui commanda cette Piéta. Ce cardinal approuvait les « Piétés » françaises, figurant un corps horizontal, tenu par une Vierge voilée, douloureuse. Les Italiens trouvaient cette composition trop simple et pas assez harmonieuse. Ils avaient introduit Jean et Madeleine autour de Marie. Ainsi Péruguin, Botticelli, Giovanni della Robia. Michel-Ange revint à l’idée, à la simplicité françaises. Et il y ajouta la grâce et la langueur et la préciosité italiennes. Il voulut aussi par instinct de génie unir divinement les contraires et placer dans le visage féminin le double mystère de la virginité et de la maternité, et, dans le corps masculin, celui de la mort et de la résurrection.
Je n’avais jamais aperçu combien cette piéta était encore si française : Michel-Ange avait vingt-cinq ans, il pouvait subir les désirs du cardinal de Bilhères.
Cette piéta (où il entre plus de piété que de pitié et surtout d’apitoiement, et qui est presque attique en cela), se maintient dans la mesure du beau, bien que l’on y sente l’excès prêt à paraître, mais retenu. Ainsi cette profusion des plis dans les draps des costumes, cet allongement un peu démesuré du corps de Jésus. Et aussi ce mouvement précieux, incertain de la Vierge, tenant le Corps d’une main et de l’autre ne le tenant pas. Mais outre que le marbre tolère et calme ces excès virtuoses, la forme ici domine. Et c’est la forme pyramidale. Le lignes ont toujours l’air d’être prises qu’entre les deux limites de la géométrie et de la grâce.
Je me demande si Michel-Ange n’a pas là son sommet, qu’il ne réatteignit jamais …Désespoir d’un génie satisfait trop tôt !
J’observe encore le contraste dans le Christ entre les jambes et les bras. Les jambes sont légères, les pieds dépossédés- langage d’un envol possible encore - tandis que le bras est sculpté en force. Jambes d’ange et bras d’athlète, d’ouvrier, dont on distingue dans le marbre les veines.
Curieuse Piéta, et point triste, quoique si douloureuse ! La mère a une toute petite tête, par rapport à la masse du corps. Sa coiffure est haute, d’où découle cet air de majesté. Et le fils à peine mort que sa mère tient du bout des doigts comme une longue hostie légère, semble prêt à bondir hors de ses bras ».




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