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Les deux théologies: du coeur, ou de la raison

Catéchèse du 4 novembre (8/11/2009)

THEOLOGIE ET SAUVEGARDE DE LA FOI
Au cours de l'audience générale tenue Place St.Pierre, le Pape a repris son exposé sur la controverse du XIIe siècle entre la théologie monastique représentée par saint Bernard et théologie scolastique représentée par Abélard. (VIS)
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Je viens juste de lire le texte, et j'y relève plusieurs passages admirables qui semblent être une réponse (indirecte, pleine de générosité et d'optimisme... car cela se termine bien! mais aussi sans compromis sur le devoir des théologiens de préserver la pureté de la foi) aux récentes attaques d'un certain théologien, sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir.

Tout d'abord, la phrase d'introduction, où il évoque l'opposition entre les deux théologies, celle du coeur, et celle de la raison (elle constitue le titre idéal!) renvoie à l'expression si belle qu'il avait déjà utilisée lors de la catéchèse du 21 octobre consacrée justement à Bernard de Clairvaux (Jean, qui a posé sa tête sur le coeur du Maître ): la figure la plus vraie du théologien et de l'évangéliste reste celle de l'apôtre Jean, qui a posé sa tête sur le cœur du Maître.

J'ai particulièrement été touchée par le souci, récurrent chez le Saint-Père, et déjà chez le cardinal Ratzinger, de défendre "la foi des humbles" contre les dérives intellectualistes d'une certaine théologie: comme lui, Saint Bernard avait, dit-il, la préoccupation de sauvegarder les croyants simples et humbles, qui doivent être défendus lorsqu'ils risquent d'être confondus ou pervertis par des opinions trop personnelles et par des argumentations théologiques anticonformistes, qui pourraient mettre leur foi en péril.


Texte en français: site ESM.
Larges extraits:

Dans la dernière catéchèse, j'ai présenté les caractéristiques principales de la théologie monastique et de la théologie scolastique du XIIe siècle, que nous pourrions appeler, d'une certaine manière, respectivement « théologie du cœur » et « théologie de la raison ». Entre les représentants de chacun de ces courants théologiques s'est développé un vaste débat, parfois animé, représenté symboliquement par la controverse entre saint Bernard de Clairvaux et Abélard.

Pour comprendre cette confrontation entre les deux grands maîtres, il est bon de rappeler que la théologie est la recherche d'une compréhension rationnelle, dans la mesure du possible, des mystères de la Révélation chrétienne, auxquels on croit dans la foi : fides quaerens intellectum - la foi cherche l'intelligibilité - pour reprendre une définition traditionnelle, concise et efficace. Or, tandis que saint Bernard, typique représentant de la théologie monastique, met l'accent sur la première partie de la définition, c'est-à-dire sur la fides - la foi, Abélard, qui est un scolastique, insiste sur la deuxième partie, c'est-à-dire sur l'intellectus, sur la compréhension au moyen de la raison.
Pour Bernard, la foi elle-même est dotée d'une intime certitude, fondée sur le témoignage de l'Ecriture et sur l'enseignement des Pères de l'Eglise. En outre, la foi est renforcée par le témoignage des saints et par l'inspiration de l'Esprit Saint dans l'âme des croyants. Dans les cas de doute et d'ambiguïté, la foi est protégée et illuminée par l'exercice du Magistère ecclésial.
Ainsi, Bernard a du mal à être d'accord avec Abélard, et plus généralement avec ceux qui soumettaient les vérités de la foi à l'examen critique de la raison ; un examen qui comportait, à son avis, un grave danger, celui de l'intellectualisme, la relativisation de la vérité, la remise en question des vérités mêmes de la foi.
Dans cette façon de procéder, Bernard voyait un élan audacieux poussé jusqu'à l'absence de scrupules, fruit de l'orgueil de l'intelligence humaine, qui prétend « capturer » le mystère de Dieu.
Pour Bernard, la théologie a un unique but : celui de promouvoir l'expérience vivante et intime de Dieu.
(..) Comme je l'ai rappelé dans la catéchèse consacrée à la vie et à la doctrine de saint Bernard, la théologie pour lui ne peut que se nourrir de la prière contemplative, en d'autres termes de l'union affective du cœur et de l'esprit avec Dieu.

C'est précisément saint Bernard qui contribua à la condamnation de certaines doctrines d'Abélard lors du synode provincial de Sens en 1140, et qui sollicita également l'intervention du Pape Innocent II.
L'abbé de Clairvaux contestait, comme nous l'avons rappelé, la méthode trop intellectualiste d'Abélard, qui, à ses yeux, réduisait la foi à une simple opinion détachée de la vérité révélée. Les craintes de Bernard n'étaient pas infondées et elles étaient partagées, du reste, également par d'autres grands penseurs de l'époque. En effet, un recours excessif à la philosophie rendit dangereusement fragile la doctrine trinitaire d'Abélard, et par conséquent, son idée de Dieu.
Dans le domaine moral, son enseignement n'était pas dépourvu d'ambiguïtés : il insistait pour considérer l'intention du sujet comme l'unique source pour décrire la bonté ou la méchanceté des actes moraux, en négligeant ainsi la signification et la valeur morale objectives des actions : un subjectivisme dangereux. C'est là - nous le savons bien - un aspect très actuel pour notre époque, où la culture apparaît souvent marquée par une tendance croissante au relativisme éthique : seul le moi décide ce qui serait bon pour moi, en ce moment.
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Que pouvons-nous apprendre, aujourd'hui, de la confrontation, des tons souvent enflammés, entre Bernard et Abélard, et, en général, entre la théologie monastique et la théologie scolastique ?
Je crois tout d'abord que cette confrontation montre l'utilité et la nécessité d'une saine discussion théologique dans l'Eglise, surtout lorsque les questions débattues n'ont pas été définies par le Magistère, qui reste, cependant, un point de référence inéluctable.
Saint Bernard, mais également Abélard lui-même, en reconnurent toujours sans hésitation l'autorité.
En outre, les condamnations que ce dernier subit nous rappellent que dans le domaine théologique, il doit exister un équilibre entre ce que nous pouvons appeler les principes architectoniques qui nous sont donnés par la Révélation et qui conservent donc toujours l'importance prioritaire, et les principes interprétatifs suggérés par la philosophie, c'est-à-dire par la raison, et qui ont une fonction importante mais uniquement instrumentale. Quand cet équilibre entre l'architecture et les instruments d'interprétation fait défaut, la réflexion théologique risque d'être entachée par des erreurs, et c'est alors au Magistère que revient l'exercice de ce service à la vérité nécessaire qui lui est propre.

En outre, il faut mettre en évidence que, parmi les motivations qui poussèrent Bernard à « se ranger » contre Abélard et à solliciter l'intervention du Magistère, il y eut également la préoccupation de sauvegarder les croyants simples et humbles, qui doivent être défendus lorsqu'ils risquent d'être confondus ou pervertis par des opinions trop personnelles et par des argumentations théologiques anticonformistes, qui pourraient mettre leur foi en péril.

Je voudrais enfin rappeler que la confrontation théologique entre Bernard et Abélard se conclut par une pleine réconciliation entre les deux, grâce à la médiation d'un ami commun, l'abbé de Cluny, Pierre le Vénérable, dont j'ai parlé dans l'une des catéchèses précédentes. Abélard montra de l'humilité en reconnaissant ses erreurs, Bernard fit preuve d'une grande bienveillance. Chez tous les deux prévalut ce qui doit vraiment tenir à cœur lorsque naît une controverse théologique, c'est-à-dire sauvegarder la foi de l'Eglise et faire triompher la vérité dans la charité.
Que ce soit aujourd'hui aussi l'attitude avec laquelle on se confronte avec l'Eglise, en ayant toujours comme objectif la recherche de la vérité.


Urbi et Orbi