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L'urgence éducative

Une préoccupation commune à Jean-Baptiste Montini et Joseph Ratzinger: discours du 8 novembre à l'Institut Paul VI près de Brescia (11/11/2009)

Dimanche 8 novembre, au terme de sa visite à Brescia, le Pape a visité la maison où est né Paul VI, à Concesio, le 26 septembre 1897, et a salué quelques parents du Pape défunt.
Plus tard, à l'auditorium Vittorio Montini, a eu lieu l'inauguration du nouveau siège de l'Institut Paul VI et la remise du sixième prix international Paul VI (prix pour l'éducation), à Bernard Meunier, Directeur de la collection Sources chrétiennes.
Dans son discours, le Saint-Père a choisi d'évoquer un des aspects de la personnalité de Jean-Baptiste Montini, à savoir sa compétence dans le domaine de l'éducation. (d'après VIS)
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Mon amie Marie-Christine m'écrit ce matin:
Je cherche, en vain, la traduction du magnifique discours du Pape à l'Institut Paul VI, discours qui est une vraie nourriture pour les éducateurs.
...

Voici donc ma traduction de cet important discours du Saint-Père, malheureusement peu repris par les medias.
(texte en italien sur le site du Vatican)
Ce n'est pas pour rien que Benoît XVI a choisi de s'étendre sur cet aspect moins connu de la personnalité de Paul VI, qui fut aumônier de la FUCI à partir de 1923, et y déploya une riche activité (*).

L'urgence éducative est en effet plus que jamais au coeur de l'actualité.

Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l'épiscopat et prêtres,
Chers amis

Je vous remercie cordialement de m'avoir invité à inaugurer le nouveau siège de l'Institut consacré à Paul VI, construit à proximité de sa maison natale. Je salue chacun de vous avec affection, en commençant par les Cardinaux, les Evêques, les Autorités et les personnalités présentes. J'adresse un salut particulier au Président Joseph Camadini, reconnaissant pour les paroles aimables qu'il a adressée, en expliquant les origines, le but et les activités de l'Institut.
Je prends volontiers part à la cérémonie solennelle du "Prix International Paul VI", décerné cette année à la collection française "Sources Chrétiennes". Un choix consacré au milieu éducatif, qui vise à mettre en évidence - comme cela a bien été souligné - la profusion d'effort de cette collection historique, fondée en 1942, entre autres, par Henri de Lubac et Jean Daniélou, pour une découverte renouvelée des sources chrétiennes antiques et médiévales.
Je remercie le Directeur Bernard Meunier pour le salut qu'il m'a adressé. Je saisis cette occasion propice pour vous encourager, chers amis, à mettre toujours plus en lumière la personnalité et l'enseignement de ce grand pape, non pas tant du point de vue hagiographique et célébratif, mais plutôt - et cela a été remarqué à juste titre - par la recherche scientifique, pour offrir une contribution à la connaissance de la vérité et à la compréhension de l'histoire de l'Eglise et des Pontifes du XXe siècle. Dans la mesure où il est plus connu, le Serviteur de Dieu Paul VI est de plus en plus apprécié et aimé. Un lien d'affection et de dévouement m'attache au grand Pape depuis des années de Vatican II.
Comment ne pas rappeler qu'en 1977, ce fut justement Paul VI qui me confia la charge pastorale du diocèse de Munich, me créant également cardinal? Je sens que je dois beaucoup de reconnaissance à ce grand Pontife pour l'estime qu'il m'a exprimée à plusieurs reprises.


J'aurais voulu, ici, explorer différents aspects de sa personnalité; je limiterai cependant mes considérations à une seule partie de son enseignement, qui me paraît de grande actualité et en harmonie avec la motivation du Prix cette année, à savoir sa capacité éducative.

Nous vivons à une époque où il y a une véritable «urgence éducative».
Former les jeunes générations, desquelles dépend l'avenir, n'a jamais été facile, mais à notre époque, cela semble être devenu encore plus complexe. Les parents, les enseignants, les prêtres et ceux qui sont directement responsables de l'éducation le savent bien. Il se répand une atmosphère, une mentalité et une forme de culture qui jettent le doute sur la valeur de la personne, sur le sens de la vérité et du bien, en en dernière analyse, de la bonté de la vie. Pourtant, on ressent avec force une soif diffuse de certitudes et de valeurs. Il convient donc de transmettre aux générations futures quelque chose de valide, des règles solides de comportement, indiquer des objectifs élevés vers lesquels orienter avec décision leur propore existence. La demande pour une éducation en mesure de supporter les attentes des jeunes augmente, une éducation qui est avant tout témoignage, et, pour l'éducateur chrétien, témoignage de la foi.

A ce sujet, il me vient à l'esprit cette phrase programmatique incisive de Giovanni Battista Montini, écrite en 1931: «Je veux que ma vie soit un témoignage à la vérité ... Par témoignage, j'entends le soin, la recherche, la profession de la vérité» (Spiritus veritatis, in Colloqui religiosi, Brescia 1981, p. 81). Un tel témoignage - notait Montini en 1933 - est rendu impérieux par la constatation que "dans le domaine profane, les hommes de pensée, même et peut-être surtout en Italie, ne pensent rien du Christ. C'est un inconnu, un oublié, un absent dans la majeure partie de la culture contemporaine " (Introduction à l'étude du Christ, Rome 1933, p. 23). L'éducateur Montini, étudiant et prêtre, évêque et Pape, a toujours ressenti la nécessité d'une présence chrétienne qualifiée dans le monde de la culture, de l'art et du social, une présence enracinée dans la vérité du Christ, et dans le même temps, attentif à l'homme et ses exigences vitales.

C'est pourquoi l'attention au problème de l'éducation, la formation des jeunes, constituent une constante dans la pensée et l'action de Montini, attention qui lui vient aussi de son milieu familial.
Il est né dans une famille appartenant au catholicisme Brescianais de l'époque, engagée et dure au travail, et a grandi à l'école de son père George, protagoniste d'importantes luttes pour l'affirmation de la liberté de l'enseignement catholique. Dans un de ses premiers écrits consacrés à l'école italienne, Giovanni Battista Montini observait: «Nous ne ne demandons rien de plus qu'un peu de liberté pour éduquer comme nous voulons cette jeunesse qui vient au christianisme, attirée par la beauté de sa foi et de ses traditions »(Per la nostra scuola: un libro del prof. Gentile, in Scritti giovanili, Brescia 1979, p. 73).
Montini fut un prêtre de grande foi et de grande culture, un guide d'âmes, un explorateur aigu du "drame de l'existence humaine". Des générations d'étudiants ont trouvé en lui, comme assistant de la FUCI (ndt: Federazione Universitaria Cattolica Italiana), un point de référence, un formateur de conscience, capable d'enthousiasmer, de rappeler au devoir d'être des témoins à chaque instant de la vie, laissant transparaître la beauté de l'expérience chrétienne. En l'écoutant parler - attestent ses étudiants de cette époque - on percevait le feu intérieur qui donnait de l'âme à ses propos, en contraste avec un physique qui semblait fragile.

L'un des fondements de la proposition éducative des cercles universitaires de la FUCI qu'il dirigeait était la recherche de l'unité spirituelle de la personnalité des jeunes: "pas de compartiments étanches séparés dans l'âme - disait-il - la culture d'un côté, et la foi de l'autre; l'école, d'un côté, l'Eglise de l'autre. La doctrine, comme la vie, est unique " (Idee=Forze, in Studium 24 [1928], p. 343).
En d'autres termes, pour Montini, la pleine harmonie et l'intégration entre les dimensions culturelle et religieuse de la formation, était indispensable, avec une attention particulière à la connaissance de la doctrine chrétienne, et aux aspects pratiques de la vie.
Justement pour cela, dès le début de son activité, dans le cercle romain de la FUCI, en même temps qu'un engagement sérieux, à la fois spirituel et intellectuel, il promut pour les universitaires des initiatives de charité au service des pauvres, avec la Conférence de Saint Vincent. Il ne séparait jamais ce que par la suite il appellera la «charité intellectuelle» de la présence sociale, d'assumer les besoins des plus petits. De cette façon, les étudiants apprenaient à découvrir la continuité entre le devoir strict de l'étude et les missions concrètes dans les taudis. "Nous croyons - écrivait-il - que le catholique n'est pas celui qui est tourmenté de cent mille problèmes, y compris d'ordre spirituel ... Non! Un catholique est quelqu'un qui a la fécondité de la sécurité. Et c'est ainsi que, fidèle à sa foi, il peut regarder le monde non pas comme un abîme de perdition, mais comme un champ de moisson "(La distanza dal mondo, in Azione Fucina, 10 febbraio 1929, p. 1).

Giovanni Battista Montini insistait sur la formation des jeunes afin de leur permettre d'entrer en relation avec la modernité, une relation difficile et souvent critique, mais toujours constructive et de dialogue. De la culture moderne il soulignait certains aspects négatifs, tant dans le domaine de la connaissance que dans celui de l'action, tels que le subjectivisme, l'individualisme, l'affirmation illimitée du sujet. Dans le même temps, toutefois, il considérait le dialogue comme nécessaire, toujours à partir d'une formation doctrinale solide, dont le principe unificateur est la foi dans le Christ; une "conscience" chrétienne mûre, par conséquent, capable de se confronter avec tous, sans céder à la mode du temps. En tant que Pape, il déclara aux recteurs et doyens de l'Université de la Compagnie de Jésus que "le mimétisme doctrinal et moral n'est certes pas conforme à l'esprit de l'Evangile". "Du reste, ceux qui ne partagent pas les positions de l'Église - ajouta t'il - nous demandent des positions très claires, afin d'établir un dialogue constructif et loyal". C'est pourquoi le pluralisme culturel et le respect ne doivent "jamais faire perdre de vue au chrétien son devoir de servir la vérité dans la charité, de poursuivre cette vérité du Christ, qui seule donne la véritable liberté" (cf. Insegnamenti XIII, [1975], 817).

Pour Papa Montini, le jeune doit être éduqué à juger l'environnement dans lequel il vit et agit, à se considérer comme une personne et non un numéro dans la masse; en un mot, il faut l'aider à avoir une pensée "forte" capable d'une action "forte" afin d'éviter le danger, que l'on court parfois, de mettre l'action avant la pensée et de faire de l'expérience la source de la vérité. Il affirmera à ce sujet: "L'action ne peut pas être une lumière en soi. Si on ne veut pas incliner l'homme à penser comme il agit, il faut l'éduquer à agir comme il pense. Même dans le monde chrétien, où l'amour et la charité sont primordiaux, décisifs, on ne peut ignorer la lumière de la vérité, qui présente à l'amour ses fins et les motivations "(Cours II, [1964], 194).

Chers amis, les années de la FUCI, difficiles par le contexte politique de l'Italie, mais enthousiasmantes pour ces jeunes qui ont reconnu dans le Serviteur de Dieu un guide et un éducateur, resteront gravées dans la personnalité de Paul VI. En lui, Archevêque de Milan, puis Successeur de Pierre, jamais ne s'amenuiseront le désir ardent et le souci pour la question de l'éducation. En attestent ses nombreux discours consacrés aux nouvelles générations, dans des moments orageux et troublés, comme en soixante-huit. Avec courage, il indiqua le chemin de la rencontre avec le Christ comme expérience d'éducation libératrice et unique vraie réponse aux désirs et aux aspirations des jeunes devenus victimes de l'idéologie.
«Vous, les jeunes d'aujourd'hui - répétait-il -, vous êtes parfois fascinés par un conformisme, qui peut devenir une habitude, un conformisme, qui plie inconsciemment votre liberté à la domination automatique de courants externes de pensée, d'opinion, de sentiment, d'action, de modes: et puis, ainsi entraînés dans un comportement grégaire, qui vous donne l'impression d'être très forts, vous devenez parfois des rebelles en groupe, en masse, souvent sans savoir pourquoi ».
«Mais après - notait-il encore - si vous acquérez la conscience du Christ, et adhèrez à Lui... il advient que vous devenez intérieurement libres ... ... vous savez pourquoi et pour qui vivre ... En même temps, chose merveilleuse, vous sentez naître en vous la science de l'amitié, de la sociabilité, de l'amour. Vous n'êtes plus isolés (Insegnamenti VI, [1968], 117-118).

Paul VI se définissait lui-même comme «un vieil ami de la jeunesse»: il savait reconnaître et partager leur angoisse dans leur lutte entre la volonté de vivre, le besoin de certitude, la soif d'amour et le sentiment d'égarement, la tentation du scepticisme, l'expérience de la déception. Il avait appris à en comprendre l'âme et rappelait que l'indifférence agnostique de la réflexion actuelle, le pessimisme critique, l'idéologie matérialiste du progrès social ne suffisent pas à l'esprit, ouvert à bien d'autres horizons de vérité et vie (cf Insegnamenti XII, [1974], 642).
Aujourd'hui, comme alors, émerge dans les nouvelles générations une demande inéluctable de sens, une quête de relations humaines authentiques.
Paul VI disait "l'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, et s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins" (Insegnamenti XIII, [1975], 1458-1459).

Maître de vie et témoin courageux d'espérance, tel a été mon vénéré Prédécesseur, pas toujours compris, et même plus d'une fois contrecarré et isolé par les mouvements culturels dominants de l'époque. Pourtant, solide quoique physiquement fragile, il a conduit l'Eglise, sans hésitation; il n'a jamais perdu confiance dans les jeunes, leur renouvelant, et pas seulement à eux, l'invitation à faire confiance à Jésus et à suivre le chemin de l'Evangile.

Chers amis, merci encore de m'avoir donné la possibilité de respirer, ici dans son pays natal et dans ce lieu plein de souvenirs de sa famille et son enfance, le climat dans lequel se forma le Serviteur de Dieu Paul VI, le Pape du Concile Vatican II et de l'après Concile. Tout ici parle de la richesse de sa personnalité et de sa vaste doctrine.
Ici, il y a des souvenirs significatifs d'autres pasteurs et protagonistes de premier plan dans l'histoire de l'Eglise du siècle dernier, comme le Cardinal Bevilacqua, l'évêque Charles Manziana, Mgr Pasquale Macchi, son secrétaire particulier, le père Paul Caresana. J'espére de tout coeur que l'amour de ce pape pour les jeunes, l'encouragement constant à s'abandonner à Jésus-Christ - appel repris par Jean-Paul II et que j'ai aussi voulu renouveler au début de mon Pontificat - sont perçus par les générations plus jeunes.
Pour cela, j'assure de mes prières, tandis que je vous bénis, vous tous ici présents, vos familles, votre travail et les initiatives de l'Institut Paul VI.

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Note

J.B. Montini, aumônier du Cercle romain de la FUCI
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La FUCI (Fédération Universitaire Catholique Italienne) est une branche de l'Action catholique italienne (ACI). Il s'agit d'une association composée de différents cercles en liens étroits avec la hiérarchie ecclésiastique, chaque cercle étant spirituellement dirigé par un aumônier.

Un an après son retour de Pologne, Montini est nommé fin novembre 1923 aumônier du Cercle romain de la FUCI par son protecteur et ami Mgr Pizzardo. Son travail sera de remettre de l'ordre dans ce cercle en y épurant ses activités politiques agitées pour y remettre un sang neuf de vie culturelle et religieuse, dans le but indirect de renforcer les liens entre la FUCI et l'ACI.
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Lire ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_VI

La voix du Pape De l'homélie de la messe de minuit