Actualités Images Visiteurs La voix du Pape Livres Lu ailleurs Index Sites reliés Recherche
Page d'accueil Actualités

Actualités


Voyages apostoliques 2005-2009 La lettre de Jeannine Affaires de pédophilie dans l'Eglise Benoît XVI à la Synagogue Affaire Williamson, un an Voyages 2010 Intentions de prière

C. Chaput, archevêque de Denver (Colorado)

Il a prononcé un discours mémorable à Houston, sur le rôle des chrétiens dans la vie publique, et a fait réagir rien moins que Sandro Magister, le Père Scalese, et John Allen.
Dossier (fleuve!). 7/3/2010

Un des précédents billets de Sandro Magister était consacré à un discours que venait de prononcer Charles J. Chaput, (descendant de Saint-Louis, selon sa biographie dans Wikipedia!), l'archevêque de Denver (Colorado), à Houston, devant un parterre de protestants baptistes, sur le thème "le rôle des chrétiens dans la vie publique".

Le Père Scalese a réagi à l'article de Sandro Magister et au discours de l'archevêque de Denver. (Fieri di certi vescovi).

Et John Allen lui consacre lui aussi un billet, sous le titre:
Like him or not, Denver's Chaput is a very 21st century bishop (Que vous l'aimiez ou pas, Chaput est vraiment un évêque du XXIe siècle).

<<< Haut de page 



Le discours de Charles Chaput

Traduit en français (merci pour le gros travail) sur le site de Sandro Magister.
------------

L'introduction, déjà, vaut le détour:

L’une des ironies de ma conférence de ce soir est que moi, évêque catholique, je prends la parole dans une université baptiste, au cœur de l'Amérique protestante. Mais j’y ai été accueilli avec plus de chaleur et d’amitié que je n’en trouverais dans bien des lieux catholiques. Le fait mérite d’être discuté. (ndlr: les baptistes ne sont pas à proprement parler des "gentils", mais l'idée effleurée ici n'est pas si éloignée de la cour des gentils imaginée par Benoît XVI: l'entente entre gens de bonne volonté est transversale aux clivages religieux)
Ce que je vais dire ce soir
m’est strictement personnel. Je ne vais pas parler au nom du Saint-Siège, au nom des évêques américains ou au nom de la communauté catholique de Houston (ndlr: une précision importante en une époque où le moindre fonctionnaire de la Curie prétend s'exprimer au nom du Saint-Père).
Dans la tradition catholique, l’évêque local est le principal prêcheur et enseignant de la foi et le pasteur de l’Église locale. (ndlr: allusion à l'affaire de Récife?)
...
--------------------
Charles Chaput dénonce ensuite dans un long développement très argumenté, et en termes vigoureux, la laïcité agressive qui selon lui puiserait ses racines dans un discours "fondateur": celui qu'avait prononcé, 50 ans plus tôt, par opportunisme politique, par le sénateur John Kennedy, alors candidat à la présidence des Etats-Unis, devant une assemblée de pasteurs protestants. Voulant les convaincre qu'un catholique pouvait aussi servir son pays, il avait érigé une barrière hermétique entre sa foi chrétienne et son engagement politique. Et il avait déclaré: "Je crois en une Amérique où la séparation entre l’Église et l’État est absolue".
Une conception qui ressemble, si l'on y réfléchit, à celle de nos politiques (qui se disent) catholiques, Fillon, Boutin, et surtout Bayrou. Mais très éloignée de la culture américaine, et des intentions des pères fondateurs, qui au contraire avaient souhaité "encourager le soutien mutuel entre la religion et le gouvernement. Leurs motivations étaient d’ordre pratique. À leurs yeux, une république comme les États-Unis avait besoin d’un peuple vertueux pour survivre".

Citant les travaux d'un chercheur jésuite Mark Massa, l'archevêque remarque que "le type de laïcité mis en avant par le discours de Houston représentait une privatisation presque totale des croyances religieuses".
Avec comme effet paradoxal qu'il y a aujourd'hui "plus de catholiques qui occupent des fonctions publiques nationales qu’il n’y en a jamais eu auparavant. Mais je me demande s’il y en a déjà eu aussi peu qui soient capables d’expliquer de manière cohérente comment leur foi influe sur leur travail, ou qui se sentent au moins obligés d’essayer. (...) trop de catholiques prennent leurs opinions personnelles pour une véritable conscience chrétienne. Trop d’entre eux vivent leur foi comme si c’était une particularité privée qu’ils empêcheront toujours de devenir une gêne pour autrui. Et trop d’entre eux ne sont pas vraiment croyants. "

Or, Charles Chaput proclame que la religion est un fait personnel, mais en aucun cas privé. Et c'est leur foi qui doit guider les choix et les engagements des chrétiens en politique. Sans sectarisme, car (citant Saint-Augustin) "le bon point de départ de toute politique chrétienne est l'humilité, la modestie et un réalisme très mesuré...
Aucun ordre politique, si bon qu’il puisse paraître, ne peut jamais constituer une société juste. Des erreurs dans le jugement moral ne peuvent être évitées. ..
En gouvernant aussi bien qu’ils le peuvent, tout en conformant leurs vies et leur jugement au contenu de l’Évangile, les chrétiens qui occupent une fonction de dirigeant dans la vie publique peuvent vraiment faire du bien et ils peuvent représenter une différence. Leur succès sera toujours limité et toujours mêlé. Il ne sera jamais idéal. Mais, avec l’aide de Dieu, ils peuvent améliorer la qualité morale de la société, ce qui donne à leur effort une valeur inestimable"
...
La conclusion de la conférence est une condamnation radicale de l'avortement (en France, on soupçonnerait Mgr Chaput de graviter dans des réseaux inavouables d'extrême-droite!):

L'avortement est le problème fondamental de droits de l’homme pour l’époque que nous vivons. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour aider les femmes pendant leur grossesse et pour faire cesser le meurtre légal d’enfants avant leur naissance. Nous pourrions, au besoin, rappeler que les Romains éprouvaient pour Carthage une haine profonde, non parce que Carthage était leur rivale commerciale ou parce que son peuple avait une langue et des coutumes différentes. Les Romains haïssaient Carthage surtout parce que ses habitants sacrifiaient leurs enfants à Baal. Pour les Romains, qui étaient eux-mêmes un peuple dur, c’était là une forme unique de cruauté et de barbarie. En tant que pays, nous aurions tout intérêt à nous demander qui ou ce que nous avons vraiment adoré depuis 1973, avec nos 40 millions d’avortements "légaux".
---------------

Un discours très important et très riche, donc, qui m'a fait beaucoup réfléchir, au point que je souhaitais le résumer - je n'y suis qu'à moitié parvenue, car la substance était trop consistante.
En France, le débat sur la laïcité est pratiquement tabou. Elle a ses intégristes, et la moindre allusion à une intervention des chrétiens en tant que chrétiens dans la vie publique, leur fait pousser des cris d'orfraies (se rappeler le discours du Latran!). Beaucoup pensent que cette laïcité agressive qui est en fait le rejet absolu de la religion (catholique, en fait) est une spécificité hexagonale.
Les propos courageux, même fracassants, impensables en France, de Mgr Chaput semblent prouver que ce n'est pas le cas.
Et ouvrent des pistes de réflexion que je me permets de présenter respectueusement à nos Excellences.

<<< Haut de page 

Le Père Scalese

Mardi 2 Mars 2010
http://querculanus.blogspot.com/2010/03/fieri-di-certi-vescovi.html
Fier de certains évêques
Sandro Magister publie aujourd'hui le texte de la conférence tenue à Houston la nuit dernière par l'archevêque de Denver, Charles J. Chaput sur "La vocation des chrétiens dans la vie publique américaine."
C'est un document qui mérite d'être lu.
Je le mentionne ici parce qu'il se rapporte à un point que j'ai [déjà] abordé(..).
Si vous vous rappelez, j'écrivais: "On est parti de l'idée - en soi positive - de la laïcité de l'Etat: de la revendication d'une autonomie légitime de l'État par rapport à l'Église, on est ensuite passé à celle de l'indépendance et de la séparation totale; et puis on a procèdé au démantèlement progressif de cette culture et de ce patrimoine de valeurs morales, qui étaient la base de la coexistence civile. Je faisais allusion à la situation italienne, mais, apparemment, cela s'applique aussi, et peut-être dans une plus large mesure, pour les États-Unis (ndlr: et la France!!). Ce pays a toujours été une démocratie, ce qui supposait un système de valeurs fondées sur la religion chrétienne (quoique protestante); à un certain point, selon une analyse intéressante du prélat américain, on a introduit subrepticement le principe de séparation de l'Église et l'État, étranger à la tradition américaine, qui a conduit à la situation actuelle.

Je ne veux pas discuter de la responsabilité historique du président Kennedy. Certes, c'est une question d'intérêt extrême, mais je n'ai pas les éléments pour prendre une décision. Mais j'apprécie le courage, l'anticonformisme, la parrhesia (*), exprimée par l'archevêque Chaput. J'avoue que je ne le connaissais que très superficiellement, sans avoir jamais rien lu de lui. Cette conférence a été une révélation pour moi: j'ai été très favorablement impressionné par cet évêque d'origine indienne. Il semble que nous sommes confrontés à une nouvelle génération d'évêques, sur qui l'Eglise peut compter.

Et cela m'amène à une réflexion plus approfondie.
Récemment, le même Magister s'est attardé sur les tensions qui se seraient créés entre la Secrétairerie d'Etat et quelques épiscopats nationaux: Non seulementl'italien, mais aussi celui du Brésil (pour la question de la fillette contrainte de se faire avorter) et des États-Unis (pour l'attitude à prendre envers la présidence d'Obama).

Eh bien, il m'est venu la réflexion suivante.
Dans le passé, Rome s'est trouvée confrontée à des épiscopats qui en contestaient souvent l'enseignement doctrinal et moral: en Europe, la raison du conflit a été principalement la contraception, en Amérique latine, la théologie de la libération. Les années du pontificat de Jean Paul II ont été celles où des efforts ont été déployés pour procéder au remplacement des Évêques, afin d'avoir un épiscopat en ligne avec l'enseignement papal. Ce n'était pas facile: il existe encore des cas d'entières conférences épiscopales qui ont du mal à s'aligner avec Rome, mais en général on peut dire que les églises locales sont en communion avec les enseignements du pape sur la morale, en particulier concernant la défense de la vie. En effet, il semble que dans certains cas (comme, par exemple, les Etats-Unis) un sentiment inconnu aux Eglises européennes ait vu le jour.

Il semble donc pour le moins étrange que le Saint-Siège se trouve aujourd'hui avoir des problèmes avec les épiscopats et les diocèses qui ont fait de la défense de la vie leur bannière. Au lieu d'être satisfaits de certains évêques, ils sont critiques. Je suis d'accord que, dans toutes choses, et donc aussi dans la défense de la vie, il y a besoin d'équilibre, mais je suis également convaincu que, dans des circonstances locales, les seuls qualifiés pour discerner l'opportunité de certaines interventions sont les évêques de place, qui connaisent à fond la situation. Comme je l'ai dit dans d'autres occasions, le fait d'être à Rome n'est pas en soi une garantie d'infaillibilité. Le dogme de l'infaillibilité ne s'applique que lorsque le Souverain Pontife s'exprime ex cathedra en matière de foi et de morale; les dicastères de la Curie romaine - et encore moins le secrétaire d'État - ne jouissent pas de ce droit: leur devoir est, le cas échéant, de promouvoir la communion entre le Siège de Pierre et les Eglises particulières. Sans parler du scandale que pourrait entraîner chez les fidèles le seul soupçon que Rome, à la défense des principes, préfère la politique et la diplomatie.
-----------

Note:
(*) parhèsia: le courage de la révolte et de la vérité
Source: http://eipcp.net/transversal/0504/raunig/fr
Parrhesia signifie en grec l'activité d'un être humain (le parrhesiastes) "de tout dire ", de dire franchement la vérité sans jeux rhétoriques et sans double fond, aussi et surtout lorsque cela est risqué. Le parrhesiastes dit la vérité, non seulement parce qu'il détient la vérité, qu'il révèle dans une certaine situation, mais parce qu'il prend un risque. L'indice le plus précis de la vérité de la parrhesia consiste en "le fait que l'orateur dit quelque chose de dangereux – quelque chose d'autre que ce que croit la majorité".

<<< Haut de page 

John Allen

Like him or not, Denver's Chaput is a very 21st century bishop
-------------
http://ncronline.org/...
(Que vous l'aimiez ou pas, Chaput est vraiment un évêque du XXIe siècle).

C'est bien vu. J'aimerais que nous ayons en France, où la fracture conciliaire du siècle précédent n'a pas encore été réduite, beaucoup plus d'évêques du XXIe siècle.
L'article de John Allen est particulièrement intéressant parce que, étant américain, il est particulièrement bien placé pour connaître l'influence réelle sur la société de son pays de l'archevêque de Denver. Il apporte ainsi un éclairage sur sa personnalité, et le contenu du discours reproduit et commenté par Sandro Magister, grâce à qui beaucoup de gens l'auront lu.
------------
John Allen se propose de dresser la liste des 10 évêques américains les plus "conséquents" (consequential).
Et de citer, à divers titres, le Cardinal Justin Rigali de Philadelphie, Mgr Gerald Kicanas de Tucson, Mgr Jose Gomez de San Antonio et Mgr Jaime Soto de Sacramento (ces derniers pour l'influence croissante au sein de l'Eglise catholique américaine de la "communauté" hispanique. Et bien sûr le Cardinal Francis George de Chicago.

Appeler ces prélats «conséquents», ne signifie pas nécessairement approuver tout ce qu'ils représentent, tient à préciser John Allen. C'est plutôt reconnaître qu'ils comptent vraiment.

Ce qui l'amène à Mgr Charles Chaput de Denver, qui, selon lui, illustre encore une autre façon d'être un évêque conséquent: comme évangéliste, faiseur d'opinion, écrivain et orateur.
Généralement considéré comme un conservateur convaincu, Chaput peut être polarisant parce qu'il prend des positions claires et les défend avec délectation. Il est conséquent un peu à la manière de politiciens et autres experts qui ont des vues audacieuses et le courage de ne pas retenir leurs coups de poing rhétoriques: Qu'on les aime ou qu'on les déteste, ils sont difficiles à ignorer (ndlr: on retrouve exactement l'idée de parhèsia, développée par le Père Scalese. En croisant des sources si différentes, on peut avoir une certitude raisonnable).

Parfois accusé d'être un traditionaliste, Chaput est en fait un évêque du 21e siècle, au moins dans un sens: quelle que soit l'influence qu'il exerce au plan national, elle n'a pratiquement rien à voir avec son pouvoir ecclésial formel. Il ne détient pas de bureau à la conférence des évêques, et ne peut certainement pas rivaliser avec Rigali comme poids lourd Romain. Je ne veux pas manquer de respect à Denver, en particulier depuis que ma femme et moi y vivons, mais le simple fait d'être l'archevêque de la région des Rocheuses ne suffit pas à empêcher de nombreuses personnes extérieures au fuseau horaire des Montagnes de retenir leur souffle dans l'attente de sa dernière déclaration.

À une époque où l'autorité institutionnelle, dans tous les domaines, s'est effondrée, un chef religieux qui veut remuer l'opinion doit se soumettre à la concurrence du marché des idées laïques (ça, c'est bien du John Allen!!). Chaput le fait, invoquant rarement comme argument "parce que l'Eglise l'affirme ainsi".
Dans une brève conversation récente sur l'éducation catholique, par exemple, il n'a jamais cité Ex Corde Ecclesiae (ndt: constitution apostolique pour les universités, publiée en 1990 par Jean-Paul II); mais plutôt Francis Fukuyama, (ndt: théoricien de la "Fin de l'histoire": l'Histoire s'achèvera le jour où un consensus universel sur la démocratie mettra un point final aux conflits idéologiques), Bill Joy, (ndt: co-fondateur de Sun Micro System: il s'est fait remarqué par un article publié en 2000, dans Wired Magazine, "Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous!" sous-titré : "les technologies les plus puissantes de XXIe siècle: le génie génétique, la robotique et les nanotechnologies menacent d’extinction l’espèce humaine"), et Neil Postman (ndt: critique culturel et théoricien des médias américains connu du grand public pour son libre de 1985 au sujet de la télévision intitulé Amusing Ourselves to Death - « Se distraire jusqu'à la mort »), avec Augustin par-dessus le tout, pour faire bonne mesure.
Il a appelé les universités catholiques à muscler leur identité religieuse, non pas parce que le Pape l'a décrété, mais parce qu'une société avec de grandes prouesses technologiques et une boussole morale faible en a besoin.

Si vous voulez une petite phrase pour résumer le message de Chaput, voici une épigramme récente: "Il n'y a plus de place dans la vie américaine pour une foi facile ou tiède".
Comme toutes les formules de ce genre, c'est une invitation au débat: Qu'est-ce que cela signifie exactement?
----------------
John Allen conclut son article en citant, parmi les récentes intervention de Charles Chaput, le fameux discours de Houston.

<<< Haut de page 
Audience à la protection civile italienne Notre admirable Souverain Pontife