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Cardinal Kasper (suite)

Après l'article de l'OR, une longue interviewe dans l'Avvenire, sur le même thème (1er/6/2010)

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Rapports entre catholiques et juifs

Âgé de 77 ans, Walter Kasper (très apprécié par Golias , qui le qualifie de "théologien de très haut vol, d’une grande rigueur et d’une grande clarté, bon lecteur d’ Yves Congar"...) va prochainement abandonner, pour raison de limite d'âge, sa charge de responsable du Conseil pour l'unité des chrétiens, et pour le dialogue avec les juifs, qu'il occupe depuis 2001 .
Cela lui donne une certaine présence dans la presse catholique "institutionnelle".

Venant à peine de terminer la traduction de l'article de l'OR (Rapports entre catholiques et juifs ), bizarrement non publié, je trouve cette longue interviewe du même cardinal Kasper dans l'Avvenire d'aujourd'hui.
Impression:
La première image que je garde du card. Kasper, c'est celle d'un homme qui, devant les caméras de la télévision italienne, dans l'émission "Porta a porta", "tirait une tête pas possible" (qu'on me permette cette expression familière) le soir du 19 avril 2005!! Son dépit ne pouvait échapper à personne, et Peter Seewald en parle dans sa biographie du Pape.
Il vient du même milieu que le Saint-Père - ce qui me le rend sympathique - et il appartient à cette génération d'allemands qui ressentent un immense et compréhensible sentiment de culpabilité par rapport au nazisme et à la Shoah - ce qu'on ne peut nier. Il se pourrait que ce soit simplement un brave homme, et j'apprécie ce qu'il dit aujourd'hui sur Benoît XVI , tout en m'étonnant qu'au cours de ses rencontres avec les juifs, il prétende qu'on ne lui ait jamais fait sentir sa nationalité: de toute évidence, on n'en a pas usé de la même façon avec le Saint-Père: pourquoi? Et pourquoi aussi, dans cette interviewe, ne fait-il aucune allusion au dialogue avec les autres religions chrétiennes, comme si cela ne le concernait pas?

Texte ici: paparatzinger3-blograffaella.blogspot.com/...

"Pie XII et Shoah, dialogue ouvert"
L'Avvenire, Manuela Borraccino

Il confesse qu'il a eu "peur, comme allemand" d'assumer la responsabilité de diriger le dialogue entre le Vatican et le monde juif. Mais dans le même temps, remarque le cardinal Walter Kasper, l'appel du Pape Jean-Paul II lui est apparu
comme une occasion historique de contribuer à la construction d'une nouvelle saison des relations entre l'Eglise et le peuple d'Israël. Issu d'une famille fortement anti-nazie, évêque dans les décennies où l'Allemagne faisait douloureusement ses comptes avec son passé, professeur de théologie au lendemain de Vatican II et de la publication de Nostra Aetate, le cardinal de 77 ans, qui, depuis 11 ans tisse le dialogue du Saint-Siège avec les autres chrétiens et avec les Juifs évoque "son" XXe siècle et trace un bilan de son expérience romaine. Malgré les difficultés, dit-il, les signes de bon augure ne manquent pas.
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- Dans votre histoire personnelle, qu'a représenté l'appel à Rome en 1999, à la tête de la Commission pour les Relations avec le judaïsme?
"J'avoue avoir eu peur au début, comme Allemand, d'assumer cette responsabilité. Personne aujourd'hui, en particulier chez les jeunes, ne peut imaginer à quel point le nazisme était une aberration. Si je repense à ces années, maintenant que j'ai soixante dix-sept ans, je me rends compte que j'ai connu d'énormes changements dans ma vie. Je suis né dans un village à l'écart des principaux centres culturels d'Allemagne, où il n'y avait pas de juifs, où aucun journal n'arrivait, sinon la propagande nazie, et où pendant longtemps on ne savait rien de ce qui s'était réellement passé pendant la guerre ... J'ai grandi dans un famille très anti-nazie: je me souviens de ce que mes parents me disaient contre les nazis et de leurs recommandations de ne jamais répéter à l'école ce qu'ils nous enseignaient, presque dans la clandestinité, nous habituant de l'enfance à penser de façon critique contre l'idéologie que le régime inculquait. La vie après la guerre était pauvre, mais plus que tout, dans les cours de lycée, j'étais fasciné par le processus de reconstruction démocratique de l'Allemagne. Ce que nous avons découvert de nombreuses années après sur la Shoah, sur la portée immense du génocide juif, a été pendant des décennies une source de grande honte pour la nation, et a ouvert dans le pays un réexamen des crimes qui avaient été commis; l'Allemagne a fait beaucoup pour établir une vérité historique sur le nazisme. J'ai donc grandi avec la conscience de ce que l'Holocauste avait représenté dans l'histoire de l'humanité, et du devoir, y compris au sein de l'Eglise, de condamner l'antisémitisme sous toutes ses formes. Lorsque Jean-Paul II m'a appelé à Rome, accepter cette responsabilité signifiait pouvoir acquitter un devoir moral et aujourd'hui, je pense que nous avons construit quelque chose de durable, non seulement avec Israël mais avec le judaïsme dans le monde entier. "

- Quel bilan tracez-vous de cette expérience?
"Pour moi, c'était une occasion de réparer, comme évêque, et comme allemand, le mal qui avait été fait. Et je dois dire que jamais personne, peut-être à cause de ma position connue de tous sur ce problème, pas une seule fois, parmi toutes les personnalités juives rencontrés, n'a jamais parlé de mes origines allemandes et de la tragédie de la Shoah. Bien sûr, il est tragique que la catastrophe de la Shoah ait été nécessaire pour repenser les relations de l'Église avec les juifs, pour abandonner les théories du passé telles que la "substitution de l'Alliance" ... Mais nous avons beaucoup appris. Dans ces onze ans à Rome, j'ai découvert d'une certaine manière le monde juif: des amitiés sincères sont nées et c'est d'une certaine façon l'héritage le plus profond qui me reste de cette expérience. "

- Pourtant, les frictions ne manquent pas: vous-même recevez régulièrement des demandes du monde juif pour que le Vatican élève sa voix pour la défense des Juifs. Comment jugez-vous ces pression?
"Certes, les blessures du passé demeurent, nous ne pouvons pas oublier ce qui s'est passé et le fait qu'il y ait encore de nombreux survivants de l'holocauste devrait être un avertissement pour nous tous de ne pas oublier: c'est très émouvant pour moi, à chaque fois, d'écouter les récits de survivants. Je dois dire cependant que ces dernières années, on a commencé à enregistrer une inversion de tendance: précisément au sein du monde juif, on déclare de plus en plus souvent "nous avons assez parlé du passé, il est temps de regarder vers l'avenir". Et c'est pour cela que ces dernières années, on a davantage parlé de ce que le christianisme et le judaïsme ont à dire sur l'environnement, la justice sociale et le développement, sur la liberté religieuse dans le monde".

- Cinq ans après l'élection du pape Ratzinger, que répondez-vous à ceux qui se plaignent de ce que, après l'accélération qui s'est produite dans le rapprochement avec le monde juif avec Jean-Paul II, il y ait un recul, sinon une régression, avec le pape actuel?
"Je pense que c'est un procès tout à fait injuste. Certes, Jean-Paul II était génial dans ses gestes, dans ses intuitions: l'acte de laisser sa prière avec la demande de pardon pour les erreurs du passé dans le Mur occidental reste dans l'histoire. Pourtant, Benoît XVI, mais avec un style différent, ne fait pas moins: depuis qu'il était professeur et évêque, le dialogue avec le peuple de l'alliance lui tenait beaucoup à coeur. Et je pense que sur le plan théologique, il va beaucoup plus en profondeur que son prédécesseur, à la racine de la foi juive et chrétienne, pour pénétrer les points de contact et les différences. Oui, c'est vrai, Benoît XVI estime que les juifs et les chrétiens devraient dialoguer dans la conscience de leur identité, et en faisant attention à ne pas niveler les différences, étant données les idées différentes sur la nature de Dieu: cet aspect doit être respecté. Cependant, il ne fait aucun doute qu'il veut continuer sur la voie de la réconciliation, du rapprochement avec le peuple juif, autant que le Pape Jean-Paul II, et qu'il veut aller beaucoup plus en profondeur que son prédécesseur. Et ce, malgré l'impasse dans le processus de paix, la distance par rapport à la position de l'Eglise catholique qui continue à promouvoir et à encourager la solution de deux peuples dans deux états libres, sûrs et souverains, qui doivent nécessairement collaborer, aussi difficile que cela puisse paraître aujourd'hui. "

- Justement pendant le voyage en Terre Sainte Benoît XVI a été critiqué pour ce qu'il a dit, et aussi pour ce qu'il n'a pas dit ...
" Personnellement, j'ai été déçu par certaines réactions. Le pape avait déjà tout dit, à peine débarqué à l'aéroport de Tel Aviv. Pourquoi aurait-il dû répéter les mêmes choses à Yad Vashem? Dans ce sanctuaire, le pape a prononcé un discours d'une grande profondeur sur la signification du "nom", sur la façon dont les noms sont indélébiles, des histoires inneffaçables. Et à Bethléem, il a prononcé un discours tout aussi difficile, sur la nécessité de la réconciliation et la reconnaissance des droits inaliénables du peuple palestinien. Il a dit tout ce qu'il voulait dire et qui lui avait été demandé par l'Eglise locale... Il y a beaucoup de préjugés dans certaines positions. "

- La cause de béatification de Pie XII semble phase finale. Ne craignez-vous pas qu'elle puisse avoir un impact négatif sur le dialogue?
" Je tiens à insister sur quatre points.
Tout d'abord, la Shoah est certainement une blessure profonde, qui devra être étudiée à fond aussi dans l'Eglise, et les requêtes d'ouvrir les archives du Vatican sont compréhensibles. Mais, comme nous l'avons vu au cours des vingt dernières années, une chose est de rendre les documents accessibles, et une autre tout à fait différentes est de les comprendre et de les interpréter: jusqu'à la fin du monde, on ne pourra jamais mettre un terme à ce débat.
Deuxièmement: j'ai l'impression que beaucoup de juifs, en particulier en Israël, ne connaissent pas les développements récents dans la reconstruction historique de la Shoah. Ils oublient, par exemple, la connaissance que Golda Meir a démontré du rôle de Pie XII pour sauver des Juifs, ou la découverte que l'auteur du "Vicaire", Hochhuth, était en réalité un espion du KGB.
Troisièmement, on ne peut juger les actes de Pie XII à la lumière de Vatican II. Nostra aetate est venue plus tard, et puis, il nous faut le dire franchement: Pacelli n'était certes pas antisémite, mais le fait est que sa formation était imprégné de l'anti-judaïsme qui a été enseigné pendant des siècles dans l'Église. Il faut réfléchir sur la totale diversité de perception; plus de soixante ans ont passé, on ne peut appliquer à cette époque les paramètres d'aujourd'hui.
Quatrièmement: une éventuelle béatification ne correspond en aucune façon à un jugement historique sur l'oeuvre de Pacelli. La béatification représente un discernement spirituel sur le fait que le pape a agi en obéissant en conscience à la volonté de Dieu, dans ce qui était l'une des périodes les plus difficiles de l'histoire moderne, selon ce qui lui a semblé à l'époque, et non à la lumière de ce qui a été découvert de nombreuses années plus tard, les meilleures décisions à prendre pour sauver le plus grand nombre de vies. Selon la tradition juive, un homme est jugé pour ce qu'il a fait et pas seulement pour ses paroles; et Pie XII a fait énormément pour les Juifs. "

© Copyright Avvenire, 1er Juin 2010,

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