Articles Images La voix du Pape Lectures, DVD Visiteurs Index Sites reliés Recherche
Page d'accueil Articles

Articles


Voyages 2011, en deux collages Liens Le Pape en Espagne Nicolas Sarkozy chez le Pape Synode pour le Moyen-Orient La luce del Mondo

Chanoine irrégulier

Le génial "Monsieur de Rastignac" commente à sa façon, dans Valeurs actuelles, la visite de demain du Président Sarkozy chez le Pape (7/10/2010)

Ces "lettres de Rastignac" sont un régal d'humour raffiné, dans une langue exquise, de plus en plus rare.
Plusieurs ont été citées dans ces pages: http://tinyurl.com/2wwp3wj

A savourer! (Texte original ici: http://tinyurl.com/3574ybz )

Chanoine irrégulier
Eugène de Rastignac le jeudi, 07/10/2010
--------------------

A l’heure où je vous écris, mon cousin, les diplomates, les conseillers et les hauts fonctionnaires terminent avec un peu de fébrilité et beaucoup d’application de régler le protocole d’une visite qui, malgré les clochers qui se taisent et les églises qui se vident, reste pour un chef d’État l’une des plus solennelles.

Ce vendredi, Martial Kropoly, premier chanoine de l’archibasilique de Saint-Jean-de-Latran, devait passer la porte de bronze pour aller baiser l’anneau du pêcheur de Sa Sainteté le pape Grégoire XVIII.

Sur les pavés de la cour Saint-Damase les gardes suisses impénétrables n’en diront rien. Les chérubins ailés de la Salle ducale resteront muets et les figures des loges de Raphaël garderont le secret.

Entrer dans les murs de la cité du Vatican, c’est connaître le décor de luttes effrayantes. Elles ont fait, dit-on, basculer les combattants dans les cercles de l’enfer, elles les ont élevés dans ceux du paradis.

Martial Kropoly ne s’est jamais passionné pour la Divine Comédie. Il a montré lors de sa dernière visite à Rome qu’il s’intéressait plus aux messages qui apparaissent sur son étrange cornet qu’à ceux laissés par les peintres sur les murs du palais pontifical. Aujourd’hui encore, les secrétaires du pape sourient des demandes pressantes de petit déjeuner ou de déjeuner faites par le Château. Il a fallu leur préciser que le pape n’était pas un ancien ministre ou un publiciste. Qu’il prenait ses repas seuls, sans portraitiste, en travaillant.

Il n’empêche ; le chef de l’État a voulu se rendre au Vatican et Grégoire XVIII lui a fait savoir qu’il le recevrait volontiers. Devaient-ils parler du sort douloureux des romanichels ? Il s’agit plutôt de sortir définitivement du malentendu que le discours prononcé au mois d’août par le Saint-Père a pu faire naître dans les esprits.

Vous vous souvenez sans doute de cet incroyable quiproquo. S’adressant dans leur langue à des pèlerins français, il avait livré une profonde méditation sur l’Évangile de saint Luc, l’économie du Salut et son universalité. Tous, sans exception, expliquait-il, pouvaient venir se réfugier dans les bras ouverts du Christ sur la Croix.

« Le pape défend les voleurs de poules ! », se sont immédiatement emportées agences, gazettes et étranges lucarnes. « Il demande à Martial Kropoly de leur laisser installer leurs roulottes où ils le souhaitent. » « Priez pour lui, pauvre pécheur ! », proclamaient les plus enragés en demandant, sans délai, au chef de l’État qu’il dise son acte de contrition. Certains prélats, qui nous donnent parfois l’impression de ne plus croire qu’au dogme du progrès de l’humanité et de la sainte tolérance, ont monté quatre à quatre l’escalier de leur chaire.

Ils ont encensé le pape, qu’ils évoquent généralement avec distance quand ce n’est pas un peu de dégoût. La vérité, mon cousin, était bien plus simple. Elle m’a été confiée l’autre soir par l’un de mes chers amis qui pour l’occasion avait entrouvert les portes de la maison pontificale.

Ce discours, m’expliquait-il, ne pouvait en rien concerner les décisions prises au début du mois d’août par Martial Kropoly. Pensez donc ! Dans sa grande prévoyance, la secrétairerie d’État avait rédigé le petit texte au début du mois de juillet, classé dans un dossier et sorti le matin même.

Las ! la vérité est toujours lente à se faire connaître. À force d’entendre que Rome défiait Paris, Martial Kropoly a cru prudent de psalmodier de nouveau l’hymne à l’autel qui, il y a trois ans, lui fut si favorable.

Il a écouté un sanctus dans la basilique de Vézelay, il a assisté au Château à l’histoire bouleversante des moines de l’Atlas, il a lu avec enthousiasme l’étude du Crucifix qui indique qu’une petite majorité de chrétiens approuve ses décisions sur les romanichels.

Ne croyez pas cependant qu’il s’endorme en méditant la Vie de Rancé. Martial Kropoly n’a jamais eu l’onctuosité d’un monsignore, l’air pincé d’un dévot. Il n’a pas d’inclination pour les saints mystères mais sait mieux que personne ceux des urnes et de l’élection.

On lui raconte que les catholiques murmurent que le discours du Latran ne fut qu’une cymbale retentissante, qu’ils s’irritent de voir les mahométans sans cesse favorisés.

En venant s’incliner devant Grégoire XVIII, il veut témoigner de l’estime qu’il a pour leur chef. Montrer qu’il ne partage pas les lazzi et les quolibets que reçoit chaque jour le souverain pontife. Assurer qu’il n’a pas oublié « le blanc manteau d’églises » qui ponctuait ses discours de campagne, même s’il fut sans doute un chanoine irrégulier.

Est-ce le retour de l’enfant prodigue, mon cousin ? Ou celui du serviteur de l’Évangile qui dit oui à tout et qui ne fait rien ? Nul ne peut sonder les reins et les coeurs, et la grâce est un mystère.

La politique aussi, mais je puis vous dire qu’en cette affaire le bon peuple chrétien a retrouvé son latin, et qu’il ne pense plus qu’une chose : Res, non verba (des actes, pas des paroles).

Eugène de Rastignac

Ce que pense Ettore Gotti Tedeschi Chez le Pape, avec Nicolas Sarkozy